samedi 26 mars 2011

Chapitre A - 3 -G.

             Des mondes en quête de développement
Chapitre A :                                    Unité et diversité des Suds

Comment expliquer les difficultés à définir les Suds ?

         1- Les Suds : une unité liée au sous-développement
                   a- Des économies dépendantes

         Le développement est une notion complexe : il consiste en l'accès au bien-être matériel et moral d'une société dans son ensemble.
Il se manifeste de manière très inégale à l'échelle de la planète.
         Divers indices dont l'IDH, ou l'IPH (indice de pauvreté humaine) publiés par le PNUD font ressortit l'existence de Nords et de Suds. Les Nords sont composés de pays développés à haut niveau de vie (Triade, Australie, Nouvelle-Zélande) mais aussi de l'ex-bloc communiste en reconstruction. L'éventail des Suds, l'ancien tiers-monde est bien plus large, ils sont néanmoins caractérisés par un certain nombre de traits communs qui les différencent clairement des Nords.
         L'unité des Suds tient d'abord de leur retard et de leur dépendance économique. L'agriculture qui occupe souvent la majorité des actifs est globalement peu productive. L'industrie reste largement artisanale, peu mécanisée et peu concentrée. Le secteur tertiaire manque d'efficacité. L'économie informelle est très importante et rassemble les activités de survie (services de rue) sans existence légale. Les secteurs modernes dépendent des investissements et des transferts de technologie venus du Nord.
         La dépendance est aussi commerciale. Les pays du Sud sont menacés par l'instabilité des cours des productions primaires, dans lesquels ils se sont souvent spécialisés. La DIT ne leur est pas favorable, les termes de l'échange ne sont pas avantageux.
         La dépendance est enfin financière. Les pays du Sud doivent souvent emprunter sur les marchés financiers et auprès du FMI. Quant à leur endettement il pèse lourdement sur leurs capacités de développement.

         b- Des sociétés jeunes, pauvres, inégalitaires

         - Les Suds représentent les 3/4 de l'humanité, soit plus de 5 milliards de personnes. Celles-ci présentent des caractéristiques démographiques et sociales proches.  Les Suds possèdent en effet de forts taux d'accroissement naturels, du fait d'une transition démographique inachevée. Les populations comptent en général une très forte population de jeunes.
         -Les Suds sont globalement moins urbanisés que les Nords. Cependant, la croissance urbaine s'accélère du fait d'un très important exode rural. L'urbanisation s'effectue surtout au profit des grandes métropoles. Elle se traduit par d'énormes problèmes d'infrastructures, la multiplication des bidonvilles, l'engorgement des transports (Bombay, Manille, Lagos).
         - Surtout, les pays du Sud sont confrontés à la pauvreté. Le chômage et le sous emploi sont très importants et alimentent une pauvreté de masse. En 2010, 3 milliards de personnes vivent avec moins de 2dollars par jour. Les sociétés sont en outre marquées par l'analphabétisme, le travail des enfants et le statut dévalorisé des femmes.
         - le faible niveau de vie moyen s'accompagne d'inégalités sociales et spatiales. L'essentiel des richesses est concentré dans les mains d'une oligarchie. A petite échelle, certaines régions prospères, urbanisées, industrialisées, sont bien intégrées à l'économie mondiale (Bankock).  D'autres, plus rares, restent marginales, rurales et sous-équipées. A une plus grande échelle, dans les villes des ilots de richesse souvent cadenassés côtoient des quartiers de taudis et de bidonvilles.       

         c- L’insécurité alimentaire, sanitaire et politique

         La pauvreté rend bien évidemment les populations plus démunies et plus vulnérables :
         - environ 1 milliard de personnes souffrent de la sous-nutrition. Cette situation résulté de l’inégale répartition des terres, de l’emploi de techniques rudimentaires, mais aussi de l’envol des prix des denrées alimentaires depuis peu. Les révolutions vertes (Indonésie, Inde) ont toutefois permis une amélioration de la situation. Les famines sont désormais devenues rares et sont généralement liées à des crises politiques.
         - des progrès majeurs ont été effectués en matière de santé. Toutefois les inégalités demeurent évidentes, la mortalité infantile demeure élevée. Le manque de moyens, d’infrastructures de santé, d’eau potable, d’hygiène, fragilisent la situation sanitaire. Presque 20 millions de personnes meurent chaque année de maladies infectieuses (paludisme, sida) notamment en Afrique australe. L’impacte des différents risques naturels (tremblements, raz de marée) y est bien plus grand du fait de la vulnérabilité des populations comme le montrent les effets du tsunami en Asie, en décembre 2004 ou du tremblement de terre en Haïti en 2010.
         - enfin les populations des pays du Sud souffrent de violences extrêmes. La violence endémique en Amérique latine (Colombie), les conflits ethnico-politiques en Afrique (Nord Kivu), la radicalisation dans le monde musulman rendent la vie quotidienne plus précaire. Les états sont généralement corrompus, inefficaces et rarement démocratiques.

2- Diversité des politiques de développement et nouvelles hiérarchies
         a- Des stratégies variées pour un bilan contrasté

         Après l‘émancipation des années 50 et 60, les pays du Tiers-Monde ont mis en place des politiques de développement. Quelques uns ont favorisé l’exploitation de matières premières comme les hydrocarbures (Venezuela, Nigéria) ou l’agriculture d’exportation (café, cacao …). On a ainsi parlé de « miracle ivoirien ». La chute des cours a toutefois révélé la fragilité de ce modèle.
         - la plupart des états ont donné la priorité à l’industrie par un développement concentré en fonction des besoins internes. Ainsi, certains ont choisi un modèle de type socialiste en privilégiant les industries lourdes, dites « industries industrialisantes ». Ils ont été fragilisés par la mondialisation du fait de leur faible compétitivité.
         - à l’inverse, d’autres états comme les NPIA ont adopté une politique de promotion des exportations (Corée du Sud, Taiwan …) misant sur leur main d’œuvre bon marché, ils ont exporté des produits à bas prix. Ils ont ainsi opéré une remontée des filières et se sont alors rapidement intégrés au processus de mondialisation.
        
         Avec le triomphe des conceptions libérales, à partir des années 80, s’imposent des politiques d’ajustement structurels (PAS) : réduction du déficit budgétaire (fin des industries lourdes, réduction drastique de la fonction publique), plus grande ouverture des frontières. Ces politiques permettent la continuation ou la reprise de la croissance de certains pays, grâce à l’arrivée d’IDE, de nouveaux prêts du FMI qui pilote d’ailleurs cette évolution. C’est le cas en Asie du Sud-Est et Orientale (Chine, Inde, Indonésie …) et en Amérique latine (Brésil, Mexique). Elles échouent ailleurs, du moins pour l’instant notamment en Afrique sub-saharienne, faute d’encadrement politique et technique efficace. Au total, l’intégration à la mondialisation a encore accentué les écarts. L’extrême hétérogénéité des situations explique la difficulté à établir une typologie.

         b- Les Suds, des espaces différenciés  

         - Un premier ensemble est formé par la Chine, l’Inde, le Brésil et accessoirement l’Indonésie (BICI).  Ces 4 état-continents en fort développement industriel et technologique font figure de puissance régionale. La Chine et l’Inde se distinguent par leur masse démographique, leur influence géopolitique, et leur rôle désormais incontournable dans la mondialisation. Toutefois, malgré leur croissance, de nombreux critères du sous-développement demeurent notamment dans les zones rurales.
         - Un deuxième ensemble, comparable au premier est constitué par des états de taille plus modeste à l’industrialisation rapide ou avancée. La plupart sont localisés en Asie du Sud-Est (Malaisie, Taiwan, Philippines …) et en Amérique latine (Mexique, Argentine, Chili …) ainsi qu’en Turquie et en Afrique du Sud. Ils sont tous biens intégrés aux flux de biens et de services et se mettent eux-mêmes à investir à l’étranger. La progression spectaculaire de leurs indicateurs sociaux justifie l’appellation de « pays émergents ». Les pétromonarchies du golfe persique peuvent être rangées dans cette catégorie. La rente pétrolière est en effet un peu redistribuée car les populations sont peu nombreuses.
         - Les pays intermédiaires forment le groupe le plus important. Les pays d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient, d’Asie Centrale, et d’Amérique andine affichent des performances plus modestes. Leur intégration à l’économie mondiale est incomplète. Les indicatifs sociaux s’améliorent toutefois. Certains sont toutefois pénalisés par leur croissance démographique.
         - Les PMA sont une cinquantaine en grande majorité dans l’Afrique subsaharienne mais aussi en Asie Centrale (Pakistan, Afghanistan). On a longtemps invoqué les causes externes (pillages coloniaux, échanges inégaux …) mais on insiste aujourd’hui sur les causes internes du sous-développement (guerres civiles, corruption généralisée …).  Surtout les PMA restent en marge des flux mondiaux de capitaux et de marchandises. 



            b- Les contrastes régionaux

            Le Brésil est considéré par ses habitants comme une « Belindia », une sorte de juxtaposition de la Belgique et de l’Inde, mais aussi du Far West.
            - Le sud, et surtout le Sudeste constituent le cœur économique du pays. Il a fondé son essor économique sur l’immigration européenne et sur l’exportation du café au début du 20ème siècle. Il concentre aujourd’hui une agriculture et une industrie modernisée et forme la région la région la plus urbanisée du pays. Le centre de commandement est constitué par le triangle Sao Paulo, capitale économique du pays, Rio de Janeiro et Belo Horizonte. Ces métropoles sont parties prenantes de la mondialisation et de l’AMM.
            - Le Nordeste est la zone brésilienne du sous développement. Cet ancien centre historique du Brésil (Salvador, Récif) est marqué par l’héritage de l’esclavage et le déclin de la canne à sucre depuis le 18ème siècle. Les conditions de vie sont particulièrement difficiles dans l’intérieur, notamment dans le Sertan, touché par la sécheresse. Les paysans misérables essaient d’échapper à leur sort par des migrations vers le Sudeste dynamique ou vers les fronts pionniers.
            - Le Centre Ouest (hauts plateaux) et l’Amazonie (le Nord) sont les espaces pionniers. Leur intégration à l’espace national a été encouragée par la création ex-nihilo de la nouvelle capitale : Brasilia (1960). Le centre ouest a connu un développement spectaculaire grâce à l’essor de cultures commerciales, notamment le soja. Il possède actuellement les revenus par habitant les plus élevés du Brésil.
            - Le Nord connait quant à lui un développement plus inégal. Les défrichements ont permis l’installation de paysans sans terres. Toutefois, les atteintes à l’environnement sont très graves. Le Nord reste aujourd’hui encore une région déshéritée, davantage encore que le Nordeste.

            c- Les contrastes urbains : l’exemple carioca

            A une échelle plus fine encore, celle des villes, les inégalités sociales apparaissent de manière plus spectaculaire encore. La « zonation » sociale est très forte. Rio de Janeiro oppose ainsi 3 espaces contrastés :
            - Le Sud de la ville est marqué par la fortune de ses habitants, installés entre front de mer et montagnes, dans des quartiers comme Copacabana ou Ipanema.
            - Le Nord et l’Ouest de sont composés de quartiers populaires intégrés. Ils concentrent des maisons de mauvaise qualité (parfois bâties par les habitants eux-mêmes), des industries et des installations portuaires.
             - Les favelas au flanc des collines qui dominent la ville s’insinuent dans les quartiers privilégiés (Rocinha). Elles sont privées des équipements élémentaires. L’extrême opulence côtoie donc l’opulence des quartiers du littoral.
            La très forte violence urbaine contribue encore davantage à la ségrégation sociale. Elle se traduit par des quartiers fermés, réservés aux élites bourgeoises et aux classes moyennes hautes : les condominios fechados. Les favelas qui accueillent pour l’essentiel des migrants du Nordeste sont livrées à elles-mêmes.

3- Le Brésil, une situation caractéristique d'un développement déséquilibré
         a- Une puissance émergente aux fortes disparités

         Avec presque 200 millions d'habitants, le Brésil possède la 5ème population mondiale. Pour assurer son développement le pays peut compter sur un territoire immense de 8,5 millions de km2 (5ème superficie mondiale) et une nature généreuse. Le pays possède les premières réserves d’eau douce au monde et vient de découvrir de très importants gisements de pétrole. Le Brésil est aussi un géant agricole : il est le 2ème exportateur mondial de produits agricoles : soja, café, jus d’orange.
Sa puissance industrielle s’appuie sur des productions diversifiées. Aussi, le Brésil s’affirme aujourd’hui comme la grande puissance continentale de l’extrême occident (Amérique du Sud), notamment dans le cadre de la lusophonie (ensemble des pays parlant portugais) ou en prenant la tête des pays du Sud dans les critique des échanges agricoles ou de l’unilatéralisme.
Son PIB s’est hissée au 10ème rang mondial, il fait partie des BICI, les grandes puissances en devenir.
         Malgré ce portrait plutôt flatteur, le Brésil continue à être marqué par certaines caractéristiques du sous développement, malgré la politique du président Lula, et le programme de « bolsa familial », 40 millions de brésiliens vivent encore dans la grande pauvreté. L’analphabétisme touche 20 millions de personnes, plus de 2 millions d’enfants vivent dans la rue. Le niveau de violence atteint des seuils pathologiques dans certaines agglomérations. Malgré l’affirmation de la « démocratie raciale », un rapport évident subsiste entre couleur de la peau et niveau de développement.
         Surtout, de très forts contrastes sociaux opposent une minorité de privilégiés (fazendeiros, industriels), les classes moyennes dynamiques et les populations déshéritées. Celles-ci sont composées d’habitants des villes, du secteur informel, de chômeurs et de paysans sans terre : les sem terras. Les 10% des brésiliens les plus riches contrôlent 55% de la richesse nationale, les 10% les plus pauvres, 0,6%.
         Le développement ne profite donc pas à une partie importante de la population. On peut alors parler de développement déséquilibré, ou de mal-développement. Il se manifeste à toutes les échelles. 

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