➞ Quels sont les effets de la fin de la guerre froide sur la construction européenne ?
1- La construction européenne après 1989
a- De la communauté à l'Union : le traité de Maastricht
Les bouleversements d'Europe centrale et orientale vont accélérer la construction européenne. Le traité de Maastricht en février 1992 institue ainsi l'Union Européenne qui succède à la CEE. Elle approfondit l'intégration économique et monétaire par la mise en place d'une monnaie commune : l'euro. Sa politique monétaire est définie selon le voeu des allemands par une banque centrale européenne indépendante des pouvoirs politiques installés à Francfort. Elle impose aux états qui adoptent l'euro le respect d'un pacte de stabilité strict. A cela s'ajoute la disparition des monopoles nationaux publics (transport : SNCF, téléphonie : France telecom) pour les ouvrir à la concurrence.
Ces critères confirment l'orientation très libérale prise par l'Europe depuis l'Acte Unique (1985). Le traité de Maastricht prend aussi une dimension politique avec le projet de PESC (politique extérieure de sécurité commune). L'approfondissement européen se heurte cependant au manque d'enthousiasme des opinions publiques. Maastricht signifie pour beaucoup un transfert de souveraineté des états vers l'union et donc un affaiblissement des états. D'autres lui reprochent son orientation libérale depuis l'Acte Unique et la faiblesse de ses préoccupations sociales. Aussi, le référendum organisé en France en 1992 à son propos ne donne-t-il la majorité au "oui" que de justesse.
En 1995, l'Autriche, la Suède, la Finlande adhèrent à l'UE qui compte désormais 15 membres.
b- L'élargissement à l'Est
Avec la disparition du rideau de fer, les anciennes démocraties populaires se tournent vers l'Occident. Elles adoptent des constitutions qui les font passer à la démocratie libérale. La réunification allemande menée sans délai par le chancelier Helmut Kohl intervient ainsi dès le 3 octobre 1990. Il s'agit en fait d'une absorption de la RDA par la RFA.
Sur le plan économique, les PECO s'orientent résolument vers l'économie de marché. De 1990 à 1997 en République Tchèque, le secteur privé passe de 3 à 75% des activités. Ces thérapies de chaux amènent une modernisation spectaculaire mais se traduit aussi par l'effondrement de certains secteurs (industrie lourde), la chute du PIB, la flambée du chômage et l'inflation. Ainsi, la dégradation des services sociaux, l'augmentation de la pauvreté et l'enrichissement fabuleux de certains nourrissent une certaine désillusion. C'est le cas notamment dans l'ex RDA où les Ossies expriment une certaine "ostéalgie". Les problèmes des nationalités étouffées à l'époque communiste ressurgissent et n'épargnent pas d'ailleurs l'Europe de l'Ouest, comme l'Italie du nord. Ils aboutissent ainsi à la séparation de la Tchécoslovaquie. En 1993, apparaissent une République Tchèque et une Slovaquie.
Bien plus grave, la Yougoslavie éclate dans une spirale de violences. L'adhésion à l'UE apparait alors comme une moyen d'assurer la stabilité politique et l'essor économique. Le Conseil de Copenhague fixe les critères d'adhésion aux PECO. 10 états dont 8 PECO rejoignent l'UE en 2004. La Roumanie et la Bulgarie doivent attendre janvier 2007.
c- Les défis posés par l'élargissement
Les défis posés par l'élargissement sont nombreux :
- il s'agit de mettre au niveau des états d'Europe de l'Ouest les économies des nouveaux pays membres
- l'élargissement à l'Est pose aussi le problème des limites de l'UE. Cette question se cristallise sur la cas de la candidature turque. Ceux qui sont favorables à son adhésion estiment que l'Europe se définit par des valeurs politiques auxquelles tous peuvent souscrire. Ceux qui la refuse pensent que l'UE relève aussi d'une civilisation partagée, à laquelle la Turquie est étrangère.
- enfin se pose la question de la gouvernance d'un ensemble passé de 12 à 15 puis à 27 en quelques années. La redéfinition des institutions européennes s'impose désormais. Ainsi une convention européenne a été chargée de proposer une constitution. Celle-ci est toutefois rejetée en mai 2005 notamment par la France. Comme pour Maastricht, le non rassemble les suffrages de ceux qui refusent la diminution de la souveraineté nationale mais aussi de ceux qui estiment le projet trop libéral. Toutefois la constitution a été réintroduite subrepticement sous un autre nom par le traité de Lisbonne.
Cela n'empêche cependant pas les difficultés pour harmoniser les politiques européennes comme l'illustrent les querelles à propos des solutions à la crise que traverse l'Europe depuis 2005.
De manière plus générale, la question de la nature de l'UE se pose toujours. Pour certains, notamment la Grande Bretagne et les PECO, celle-ci doit être une Europe espace : c'est-à-dire un espace économique libéral. Pour d'autres, comme l'Allemagne, le Benelux et dans une moindre mesure la France, elle doit devenir une Europe puissance, c'est-à-dire une union politique.
2- Les questions de sécurité européenne
a- Les guerres de Yougoslavie : une Europe impuissante
En 1991, sous la poussée des revendications nationalistes, la Slovénie et la Croatie font sécession de la Yougoslavie. Le président serbe Slovodan Milosevic tente de l'empêcher militairement. La CEE propose alors sa médiation. L'Allemagne met toutefois ses partenaires devant le fait accompli en reconnaissant unilatéralement l'indépendance slovène et croate, c'est-à-dire sans négociations. Dès lors, dans des régions où les populations sont inextricablement mélangées, la voie de la sécession par la force l'emporte désormais. Les serbes de Croatie refusent ainsi leur intégration dans le nouvel état croate.
Après la proclamation de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, la guerre fait rage entre les serbes (orthodoxes), les croates (catholiques), et les bosniaques (musulmans) (mais tous trois sont bosniaques). Elle est marquée de part et d'autre par des atrocités abominables comme les viols collectifs et la volonté de débarrasser le terrain des groupes ethniques adverses (purification ethnique). Les états européens divisés ne parviennent pas à y mettre un terme.
Ce sont les USA qui imposent aux belligérants des accords de paux : les accords de Dayton en 1995. En 1999, le conflit reprend au Kosovo province autonome de la Serbie. Il oppose la majorité albanaise et musulmane aux serbes qui considèrent la province comme le berceau historique de leur nation. L'OTAN bombarde alors la Serbie pour la faire plier. Cette intervention consacre la victoire des indépendantistes albanais et la fuite de la minorité serbe. Surtout, elle démontre l'incapacité de l'Europe à mener une politique indépendante de Washington.
Au total les conflits yougoslaves auront fait 200 000 morts et 5 millions de réfugiés.
b- Une difficile politique extérieure
La disparition du Pacte de Varsovie en 1991 modifie la raison d'être de l'alliance atlantique. Les USA lui assignent alors de nouvelles missions. Il s'agit d'abord d'intégrer les PECO qui souhaitent se passer sous protection américain. Ainsi, dès 2004, l'OTAN a repoussé ses limites orientales aux frontières de la Russie qui s'en inquiète. La prépondérance américaine est donc renforcée en Europe.
La PESC initiée par le traité de Maastricht a permis la mise en place d'une force militaire commune :"force de réaction rapide" en 2003. Celle-ci est susceptible d'intervenir dans des missions militaires pour répondre aux crises. La PESC est rendue impuissante par la baisse des budgets et les intérêts diplomatiques nationaux contradictoires. A l'exception de la France, au moins jusqu'à Jacques Chirac, les membres de l'UE sont réticents à intervenir sans le soutien des USA.
Les élargissements de 2004 et 2005 n'ont d'ailleurs pas favorisé l'élaboration d'une diplomatie commune. Ainsi, lors de la guerre en Irak, au printemps 2003, la Grande Bretagne, l'Espagne, l'Italie et les PECO soutiennent l'intervention militaire américaine. La France et l'Allemagne s'y opposent. Plus récemment de profondes divergences sont apparues dans le cadreuse rapports avec la Russie. Tout ceci démontre de nouveau que l'UE n'est pas encore une grande puissance politique et militaire.
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