mardi 14 décembre 2010

Chapitre F - H.

La recherche d'un nouvel ordre
Chapitre F                            mondial depuis les années 70
Pourquoi la fin de l'ordre bipolaire instaure-t-elle un ordre mondial complexe et instable ? 

        1- Le regain de la guerre froide (1975/79 - 1985)
               a- Le tournant des années 70

        La chute de Saïghon et le scandale du Water Gate ont profondément ébranlé l'Amérique. Sa puissance économique est aussi fragilisée par les dévaluations du dollar (1971-1973), les chocs pétroliers (1973/1979) tandis que le Japon apparait comme un redoutable concurrent. Le démocrate Jimmy Cartern élu à la présidence en 1976 va cherche à réintroduire une certaine moralité dans les relations internationales. Il connait quelques succès comme les accords de Camp David en 1978. Il n'arrive toutefois pas à s'imposer sur la scène internationale. 
        Au même moment, l'URSS s'enfonce dans la stagnation brejnevienne ("haute Volta avec des missiles" Helmut Schmidt). Un mouvement de dissidence se développe chez les intellectuels, notamment dans les démocraties populaires. Son rayonnement international s'est beaucoup affaibli. 
        Ainsi, l'ordre bipolaire né de la guerre froide commence à être battu en brèche par l'émergence de nouveaux acteurs. En janvier 1979, le Shah d'Iran considéré par les USA comme leur "gendarme" au Moyen Orient, est renversé. La vague révolutionnaire est dominée par l'ayatollah Khomeiny et le clergé musulman schiite. Ils se présentent comme les défenseurs des valeurs traditionnelles de l'islam, menacée par la modernité occidentale. La nouvelle république islamique d'Iran est donc violemment anti américaine.  Elle provoque le deuxième choc pétrolier et encourage la prise en otage des membres de l'ambassade américaine à Téhéran. Elle s'oppose aussi résolument aux athée communistes soviétiques. La révolution islamique échappe donc à la logique bipolaire. Le régime "panarabiste laïc" de Saddam Hussein en Irak va alors chercher à s'opposer à la contagion de l'islamisme chiite. Une guerre stérile oppose de 1980 à 1988 l'Irak à l'Iran.
        b- La fin de la Détente

        L'URSS tire d'abord profit des doutes de l'Amérique. Elle se lance dans une politique d'expansion dans le Tiers Monde. En s'appuyant sur ses alliés, et surtout sur les Cubains et les Vietnamiens, elle parvient à se tailler une nouvelle zone d'influence, notamment en Afrique australe (Angola, Mozambique …) 

Surtout l'Armée Rouge occupe l'Afghanistan en décembre 1979. Il s'agit pour elle de défendre un régime communiste menacé. Cette invasion provoque néanmoins une vague de protestations aussi bien dans le monde occidental que dans le monde musulman. Le président Carter impose un embargo sur les exportations de céréales et de haute technologie vers l'URSS. Ils décident aussi avec de nombreux autres pays de boycotter les JO de Moscou en 1980. La détente est alors enterrée. 

        c- "America is back" : ou la contre offensive américaine

        En novembre 1980, le républicain Ronald Reagan est élu à la présidence sur un programme musclé. Grand communicateur, il sait mettre en scène la nouvelle Amérique et redonner confiance. Il use pour cela de slogans comme "America is back" et présente l'URSS comme "l'empire du mal". L'idéologie et l'atmosphère de la guerre froide sont ainsi réactivées. Les USA pratiquent l'endiguement par tous les moyens y compris par le soutien des dictatures anti communistes (Philippines de Marcos, Indonésie de Sukarno : "ce sont des salauds mais ce sont nos salauds"). Ils accordent une aide massive aux islamistes (sunnites) qui combattent les soviétiques en Afghanistan (Oussama Ben Laden). (La guerre selon Charlie). 
        La course aux armements reprend, notamment en Europe avec la crise des Euromissiles. Les soviétiques installent vers l'Europe occidentale de nouvelles fusées, les SS20. Les USA refusent alors de ratifier les accords SALT II. En 1983, ils déploient les missiles Pershing, en Allemagne ou au Royaume Uni malgré de nombreuses manifestations pacifistes (voir discours de Mitterand au Bundestag). 
        Surtout Reagan va lancer l'IDS ou "projet de la guerre des étoiles". Il vise à mettre en place un bouclier social, invulnérable aux missiles soviétiques. Cela oblige l'URSS à se lancer dans des investissements militaires ruineux pour son économie déjà mal en point.    
2- Effondrement de l'ordre communiste et fin de l'ordre bipolaire (1985-1991)
        a- La nouvelle donne soviétique

        L'arrivée au pouvoir de Mikhail Gorbatchev en mars 1985, va bouleverser les relations internationales. Le nouveau secrétaire général se persuade rapidement que seules de profondes réformes peuvent sauver le pays. L'accident nucléaire de Tchernobyl en 1986 démontre d'ailleurs de manière dramatique les dysfonctionnements du système. Pour lutter contre les blocages et obtenir le soutien de la société Gorbatchev lance le Glasnost (transparence) et Perestroïka (restructuration) qui visent à libérer la société et l'économie. Une telle politique nécessite l'apaisement des relations internationales, l'URSS est désormais incapable d'entretenir sa "surexpansion impériale". 
        Malgré la méfiance initiale des occidentaux, une climat de confiance parvient à s'instaurer entre Gorbatchev et Reagan qui est en position de force. Il permet la reprise des négociations sur les armements. En décembre 1987, le traité de Washington décide la suppression des missiles de portée intermédiaire dont les euromissiles. En 1991, le traité START à Moscou prévoit la diminution des armements nucléaires stratégiques. Par ailleurs, l'URSS retire ses forces à partir de 1988 de nombreux pays (Angola, Éthiopie …) En 1989, l'Armée Rouge évacue aussi l'Afghanistan. 

        b- La disparition du camp communiste

        Gorbatchev reconnait aussi à partir de 1987 la possibilité pour chaque démocratie populaire de poursuivre sa propre voie. Il met ainsi fin à la doctrine Brejnev de la souveraineté limitée. La Pologne et la Hongrie se libéralisent dès 1985. La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 provoque une accélération de l'histoire. Privés du soutien de Moscou, les régimes communistes de RDA, de Tchécoslovaquie et Roumanie s'effondrent en quelques semaines. En 1990, la CAEM et le Pacte de Varsovie sont dissous. Tous les liens entre l'URSS et les anciens satellites disparaissent. L'Europe retrouve son unité. La réunification de l'Allemagne le 3 octobre 1990 en est le meilleur symbole. La fin du bloc communiste met un terme stupéfiant à la guerre froide. Les occidentaux l'ont donc emporté par défaut. Au début de 1991, lors de la guerre du Golfe et de l'opération tempête du désert, les USA n'ont aucune difficulté à réunir une vaste coalition pour chasser les irakiens du Koweit. Moscou ne cherche à aucun moment à s'y opposer. 

        c- L'implosion de l'URSS

        En URSS, les réformes de Gorbatchev se révèlent inefficaces. Les tentatives de compromis entre écomonie planifiée et économie de marché (Perestroïka) accentuent la désorganisation et les paralysies. 
Avec la levée de la censure (Glasnost) une partie de l'opinion se montre de plus en plus hostile au régime. Le communisme, ciment de l'URSS est largement discrédité. Les nationalisme s'exacerbent en particulier dans les républiques baltes et caucasiennes de l'URSS. Le processus de dislocation commence par la proclamation de l'indépendance des pays baltes. La Russie elle-même affirme sa souveraineté en élisant à sa tête le réformateur Boris Eltsine en juin 1990.
        Gorbatchev apparait de plus en plus tiraillé entre les partisans du retour au communisme (conservateurs) et les partisans d'une politique libérale intégrale menée par Eltsine.  Les conservateurs, désireux de sauver l'URSS à tout prix lancent un putsch le 19 octobre 1991. Mal organisé, il échoue rapidement. Ce fiasco inflige le coup de grâce à l'autorité de Gorbatchev, au pouvoir central et au PCUS. Ce dernier est même déclaré illégal en Russie par Eltsine qui apparait comme le nouvel homme fort. Surtout, les républiques, Russie en tête proclament leur indépendance les unes après les autres. Elles consacrent ainsi de fait la disparition de l'URSS. Gorbatchev, président pathétique, sans état et sans pouvoir ne peut que démissionner le 25 décembre 1991.
Les fondements majeurs du monde de l'après guerre s'effondrent. La fin de l'URSS et de la confrontation Est-Ouest ouvre une nouvelle phase pleine d'incertitudes. 

3- Un monde unipolaire ?
a- L'affirmation de l'hyperpuissance américaine

Avec l'effondrement de l'URSS, les USA triomphent. L'historien américain Francis Fukuyama annonce la "fin de l'histoire". Il n'y a pas d'autre alternative que la mondialisation libérale "heure et démocratique", inspirée par l'Amérique. Les Etats Unis font désormais figure d'hyperpuissance.
       Jusqu'en 1992, le républicain Bush, ancien chef de la CIA s'impose avec une certaine retenue. La riposte militaire à l'invasion du Koweit par l'Irak se fait ainsi dans le cadre de l'ONU. 
Sous le démocrate Bill Clinton (président de 1993 à 2001), l'hyperpuissance est de plus en plus assumée au nom d'une "hégémonie bienveillante" (expression de Madeleine Albright, secrétaire d'état). Les USA jouent ainsi un rôle d'arbitre au Proche Orient. Ils décident des engagements en ex-Yougoslavie, notamment en Bosnie et surtout au Kosovo (en 1999), sans nécessairement obtenir un consensus  international. 
       Ils abandonnent ainsi peu à peu l'idée de multi-latéralisme. Les attentats du 11 septembre conduisent G.W. Bush à adopter une vision unilatéraliste. Elle s'inspire de la doctrine des néo-conservateurs (Kristol, Kagan …). Les USA doivent déterminer seuls ce qui constitue une menace pour la sécurité du monde. Bush proclame ainsi la nécessité de mener une croisade contre un "axe du mal" formé par les "états voyous" (rogue states). 
L'intervention contre les Talibans qui hébergent Ben Laden à l'automne 2001, se fait avec l'accord de l'ONU, en revanche, la guerre préventive contre l'Irak est décidée unilatéralement. En avril 2003, après 3 semaines de guerre, Bagdad est conquise. Le succès est néanmoins plus apparent que réel, l'Irak libérée sombre dans l'anarchie tandis que les oppositions à l'hégémonie se manifestent de plus en plus fortement. 
        L'élection de Barack Obama, en 2008 conduit à une réorientation spectaculaire des options diplomatiques. La nouvelle administration présidentielle est en effet obligée de tenir compte des bouleversements intervenus sur la scène internationale.

        b- L'émergence de nouveaux acteurs

       De nouvelles puissances se sont en effet révélées de manière spectaculaire. L'Union Européenne est une concurrente commerciale et tente difficilement de se doter d'une politique extérieure commune.
La Russie, après une décennie de repli catastrophique, cherche à regagner son influence sur les anciens pays de l'URSS, notamment l'Ukraine ou la Géorgie (guerre de l'été 2008).

        Surtout, la Chine est aujourd'hui en voie d'obtenir une place prépondérante en Asie. Elle peut espérer grâce à son poids démographique, économique et militaires, ainsi que ses réussites technologiques (premier taïkonaute en 2003) faire à brève échéance jeu avec les USA. Dans une moindre mesure, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud suivent son exemple. 
Depuis 1991, l'ONU a également retrouvé des marges de manoeuvre, s'affirme comme un acteur, et cherche à promouvoir le multilatéralisme. Ses missions se multiplient. Il s'agit de diplomatie préventive, d'opération de maintien de l'ordre (Côte d'Ivoire, Nord Kivu) L'ONU encourage aussi l'émergence d'un droit international en créant des TPI (Tribunal pénal international) comme ceux de Yougoslavie, du Rwanda ou encore du Cambodge. Des acteurs non étatiques apparaissent également sur la scène mondiale : des ONG jouant un rôle de sensibilisation et de pression. De même, la mondialisation a fait émerger des mouvements alter-mondialistes souvent hostiles à l'omnipotence des USA. On est donc en train d'assister à l'émergence d'un monde multipolaire après une vingtaine d'années au cours desquelles les USA auront disposé d'un quasi monopole / d'une véritable hégémonie. 

4- Un monde toujours instable
a- La multiplication des conflits locaux

La bipolarisation de la guerre froide avait favorisé une certaine stabilité. Sa disparition laisse de nombreux états livrés à eux-mêmes. Le vide idéologique créé par l'effondrement du communisme contribue également à la renaissance de rivalités nationales ou religieuses. C'est le cas notamment dans les Balkans, et dans l'ex-URSS. Ainsi, en Yougoslavie, à partir de 1990, l'éclatement s'effectue dans la violence. Dans le Caucase, une guerre oppose les Arméniens chrétiens aux Azeris musulmans dès 1991. Les russes interviennent par deux fois pour empêcher la sécession de la Tchétchénie, petite république musulmane de Russie. 
L'Afrique s'enfonce dans les guerres inter-ethniques alimentées par un arrière fond de pauvreté, la corruption et la dissolution étatique. En 1994, au Rwanda, les Hutus se livrent ainsi à un génocide à la machette de leurs compatriotes Tutsi. Enfin, de l'Algérie à l'Afghanistan éclatent de nombreuses guerres civiles liées à l'islamisme. 
La multiplication des conflits à dimension identitaire alimente alors la vision hungtigtonienne du conflit des civilisations. 

        b- La montée de l'islamisme

       L'islamisme est un mouvement qui cherche à faire de l'islam la base unique de la vie spirituelle, mais aussi politique et sociale du monde musulman. Il souhaite reconstituer l'Emma, un ensemble sans frontières, sans état nation, regroupant la communauté des croyants. 
Né dans les années 30 en Egypte, il connait un remarquable essor à partir des années 70, notamment dans le monde arabe et au Moyen-Orient (Iran). Il est lié à l'échec des politiques de développement s'inspirant du modèle occidental souvent  autoritaire (Iran du Shah) et plus encore du panarabisme soutenu par l'URSS (Egypte, Algérie …). Il prospère ainsi sur un fond de crise économique, de chômage de masse, de corruption et de népotisme (privilégier les "copains") des régimes en place. Les défaites militaires du nationalisme arabe incarné par Nasser face à Israël (1956-1967-1973) favorisent également ses progrès au sein des populations déçues et frustrées. 
        L'islamisme connait alors trois poussées successives :
  - Le révolution de 1979 en Iran est sa première grande victoire. Le rayonnement de la théorie fondée par Khomeny est toutefois limité par son adhésion à l'islam chiite. 
  - Dans les années 80, l'islamisme sunnite est relancé par la guerre d'Afghanistan. L'opposition à l'invasion soviétique suscite l'essor de groupes islamiques venus de l'ensemble du monde musulman. Ils sont financés par l'Arabie Saoudite, entrainés au Pakistan par la CIA. En Algérie, le FIS (Front Islamique du Salut) se pose comme la principale force d'opposition au FLN. Interdit après son succès électoral de 1991, il déclenche la guerre civile. Menée par des anciens d'Afghanistan, les GIE (Groupe Islamique Armé) se livrent ) à des exactions particulièrement brutales. Cette vague finit par être jugulée. 
  - Depuis la fin des années 90, un nouveau courant islamiste apparait sous la forme du réseau terroriste mondialisé : Al-Quaïda. Fondé par le saoudien Oussama Ben Laden,  il se développe dans un contexte de rancoeur et de frustration vis à vis de l'Occident. Il entend mener la guerre sainte, en particulier contre les USA et Isréaël.  Le 11 septembre 2001, il parvient à frapper le coeur même de l'hyperpuissance américaine. L'islamisme sous sa forme terroriste connait depuis peu un reflux.  Al-Quaïda est devenue une sorte de franchise dont se réclame une nébuleuse assez peu structurée. Il se consolide toutefois dans le domaine sociétal : le fondamentalisme. Il conduit avec succès la ré-islamisation des sociétés, notamment au Moyen Orient ou des communautés immigrées en Occident (généralisation du port du foulard …) Il s'intègre parfois aussi dans le jeu politique. En Turquie, l'AKP, parti islamiste dit modéré parvient ainsi au pouvoir en 2002, et semble respecter les libertés publiques. 
        L'islamisme a donc un rôle important dans le nouvel ordre international. 
Il brouille les rapports entre occidentaux et musulmans et déstabilise les équilibres nationaux et internationaux. 

        c- Le conflit israélo-palestinien : un abcès de fixation révélateur

       La Guerre du Golfe permet d'envisager à partir de 1991 la solution au problème palestinien. L'OLP (organisation de libération de la Palestine) qui a soutenu l'Irak est dans une position de faiblesse. Sous l'égide de Bill Clinton, un accord est signé à Washington en septembre 1993 entre Yasser Arafat et Itzhak Rabin. Ce texte prévoit un territoire autonome pour les palestiniens dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie. Il doit être gouverné par un embryon d'état, "l'autorité palestinienne". L'implation de colonies israéliennes dans les territoires occupés et la reprise des attentas par les islamistes du Hamas interrompt le processus de paix. 
        En septembre 2000 éclate la deuxième Intifada ou révolte nucléaire. Aux attentats suicides palestiniens, répond la répression de l'armée israélienne. Le gouvernement mené par Ariel Sharon décide alors d'ériger un mur séparant Isarël des territoires palestiniens. Depuis lors, malgré la restitution de Gaza aux palestiniens,  et les tentatives de l'autorité palestinienne, la situation ne s'est pas améliorée, comme le montre l'opération israélienne à Gaza de janvier 2009. 
        Ce conflit apparait comme un résume de la géopolitique actuelle. Il est un conflit d'abord national opposant deux peuples pour une terre. Il possède également une dimension religieuse, civilisationnelle essentielle. L'impasse politique nourrit l'islamisme radical. Les marges de manoeuvre de l'ONU, de l'UE ou de la Russie pour résoudre le conflit apparaissent limitées. Seule la puissance américaine semble - à condition d'en avoir la volonté - en mesure de favoriser une évolution pacifique.

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