samedi 4 décembre 2010

Tous les matins ... - Analyse.

Tous les matins du Monde - Analyse du film 
         Le scénario : 
- le film est présenté comme une adaptation, mais la réalité est un peu différente. 
Ainsi, le réalisateur, Alain Corneau (qui d'ordinaire est plutôt tourné vers le genre policier)  voulait faire un film sur la musique baroque. De ce fait, on lui conseille d'aller voir Pascal Quignard, passionné de musique du 17ème et lui-même musicien. À la demande de Corneau, il répond qu'il ne sait pas écrire de scénario, qu'il n'a jamais eu affaire au cinéma mais lui propose d'écrire un roman / une nouvelle qu'il pourra ensuite adapter. Corneau repart dubitatif, mais quelques mois plus tard il reçoit un appel de Quignard lui disant que sa nouvelle est prête. 
Cependant, le roman est une oeuvre littéraire à part entière tout en étant une oeuvre pro-filmique. 
D'ailleurs, Quignard a déjà une écriture cinématographique :
- la nouvelle est courte, ce qui évitera de nombreuses coupes
- il y a un petit nombre de personnages
- et certains détails sont très visuels (couleurs : cheveux de Toinette, son teint …)

               Analyse de quelques séquences : 
- Chapitre 4 : 18min19sec

Toinette vient interrompre la leçon de viole de Sainte Colombe à Madeleine. 
- D'abord, le texte de Quignard, à quelques exceptions près se trouve dans le film. C'est l'artifice de la voix off qui permet de le faire entendre. 
- L'intégralité du film est tournée en plan fixe (on compte seulement 2 mouvement de caméra). 
- De ce fait nait la difficulté de caser tous les personnages en présence et l'action dans le cadre : on change ainsi souvent d'échelle de cadre, et on alterne avec des champ/contre champ.
- La composition du cadre et de ce qui s'y trouve est d'ailleurs très picturale et n'est pas sans rappeler la peinture de l'Europe du Nord et notamment Vermeer.
- Dans le roman, Toinette et Madeleine s'opposent de par leur caractère, ceci est rendu à l'écran par le physique des actrices mais aussi la place qu'elles occupent dans le cadre. 
- Comment Toinette va-t-elle montrer sa jalousie, son désaccord dans cette scène ? 
Elle va physiquement s'interposer entre sa soeur et son père. Sa jalousie passe aussi par la voix, mais de manière très simple : "moi aussi !".
- Les plans fixes sont ordonnés, bien "rangés", le geste Toinette va introduire ici le désordre en  faisant irruption dans un cadre calme. 
- Sainte Colombe donne toujours l'impression d'être ailleurs, il est ainsi le dernier à remarquer la jalousie de Toinette.
- Puis : ellipse on passe directement au plan de l'escalier (plan large).
- Les pommes en bas à droite constituent la seule touche de couleur de l'image. Toinette va les faire tomber. Elles prennent une sorte d'importance symbolique : plus tard Toinette se marie, elle "aime le plaisir", aura 5 enfants. La pomme représente la vie, la vie qui brûle en Toinette. 

- Séquence du cadeau de Pâques : 

- "elle avait la tête enfouie dans son pourpoint" : c'est déjà du langage cinématographique. Le cinéaste va s'emparer de ces détails. 
- Toute la sensibilité de Sainte Colombe semble se concentrer dans la musique qu'il joue. 
- La séquence commence par un plan d'ensemble qui montre que le lieu où habite Sainte Colombe est considéré comme une campagne. 
- Ellipse, puis on se trouve chez le luthier. 
- Chez Sainte Colombe, il n'y a que quelques objets : violes, écritoire, nourriture, et ils sont tous chargés d'une fonction dans l'existence des personnages (ex : les chaussures de Marin avec les lacets desquelles Madeleine se pend). 


       - Séquence d'ouverture :


Un noir est très long, fondu au noir puis plan séquence (gros plan sur un visage : on ne peut que deviner l’endroit où le personnage se trouve) = inhabituel.
On a un environnement sonore qui devient insupportable, la voix comme la musique (le spectateur partage alors le sentiment de Marin Marais)

« Toute note doit finir en mourant », Marin Marais. Cette première phrase annonce le film.

-         une réflexion sur la mort (de quelle manière on la conçoit, on l’approche, au 17ème)
-         une réflexion sur l’art
-         une réflexion sur le silence, le calme (ce que Sainte Colombe demande à Marin Marais pendant tout le film , alors qu’il ne cesse de s’agiter, de faire du bruit)

Jouer de la musique nécessite de la force, du dynamisme, que Marin Marais n’a plus. Pour être capable de raconter son histoire, il lui faut de l’ombre.

-         thème majeur de Quignard : au sens visuel (clair obscur) et au sens symbolique, métaphysique (les enfers). Pour lui, la vie est un moment entre deux zones d’ombres.


SEQUENCE DE FIN : On a le principe inversé du début (un noir assez long pendant lequel on entend la musique).

DIEGESE


La chronologie du film a été bouleversée par Corneau. Il y a une date que l’on ne peut pas changer : celle de la naissance de Marin Marais, en 1658. Corneau est alors obligé de bousculer l’histoire de 10 ans, pour que Madeleine ne soit pas trop vieille pour Marin Marais et que leur histoire soit une véritable histoire d’amour. D’ailleurs, il ne fait que suggérer un rapport sexuel entre Marin Marais et Toinette (qui est explicite dans le texte).

LES LIEUX


Tout se passe dans un lieu unique clos : la demeure de Sainte Colombe. Les seuls déplacements sont ceux chez le luthier, le peintre puis la chapelle.
Cet éloignement est renforcé par le fait que, bien que « Tous les matins du monde » soit un film historique, les événements historiques, politiques, sont comme un écho lointain : ils ont peu d’importance. Le foyer est le centre de l’histoire. Toutes les informations que l’on apprend viennent de l’extérieur (ce ne sont pas les personnages qui vont les chercher).

On a un autre lieu clos : la cabane. Lui aussi semble très éloigné de tout autres bâtiments. Le « déménagement » dure un temps infini comme s’il y avait une grande distance entre la maison et la cabane. Corneau donne l’impression de distance en dilatant le temps.
-         lieu de l’isolement
-         lieu de la création
-         lieu du calme, de l’obscurité, du silence.

Ce n’est pas un hasard si c’est ici qu’a lieu l’apparition de Mme de Sainte Colombe. A la fois épouse et mère, elle apaise M. de Sainte Colombe.

LA PREMIERE APPARITION : succède à la scène où il rêve qu’il se noit. Le thème de la mort est lié à celui de la naissance, de la renaissance.
On a une image déséquilibrée. Le vide doit être comblé par Mme de Sainte Colombe (au niveau de l’image, comme pour le personnage).


LA MUSIQUE (de Jordi Savall)

Des comédiens qui ne savent pas jouer de la viole. Sur le plateau, la main gauche de Marin Marais n’est pas celle de Depardieu mais celle d’un musicien.

Le film a rendu populaire la musique baroque (ignorée du public) et Jordi Savall qui connu alors un succès fou.

LA PEINTURE


Les deux travellings sont liés aux tableaux (ce sont quasiment les seuls mouvements caméra).

Les peintures, des natures mortes (« still-life » en anglais), invitent le spectateur à se poser des questions sur la vie. On représente des vanités : c’est magnifique mais éphémère (comme la vie).
= une sorte de contradiction : on jouit de cette représentation, de ce plaisir mais il est éphémère.

« Le dessert de gaufrettes » de Baugin. (il n’y a pas plus sympbolique)
 
-         les gaufrettes : beau mais fragile
-         le vin : on boit beaucoup dans le film, dimension religieuse

Une opposition entre l’esthétique baroque et l’esthétique classique.

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