L'Europe de 1945 à de nos jours
Chapitre A : L'Europe de l'Ouest en construction jusqu'aux années 80
➞ Pourquoi la construction européenne a-t-elle pris dès ses débuts un caractère essentiellement économique ?
1- Les débuts de la construction européenne (1945-1954)
a- La lassitude des "guerres civiles européennes"
Le réveil de l'idée d'une Europe unie en 1945 résulte d'abord du bilan que font les européens de la première moitié du 20ème siècle et du triomphe du principe d'état nation. Les deux GM véritables "guerres civiles européennes" ont été désastreuses pour le continent. Pour beaucoup les nationalismes agressifs doivent donc être dépassés par un projet de convergence, voire de fédération européenne garantissant la paix.
A cela s'ajoute le souci, pour des pays amoindris, diminués, menacés de perdre leur empire colonial (Belgique, Pays Bas, France) de conserver ensemble une existence sur la scène mondiale, face aux deux Supers grands. En fait, ce projet exprime le désir des vaincus de constituer un espace de substitution aux cadres nationaux déconsidérés et démoralisés. Les courants politiques démocrate chrétien et social démocrate (socialisme) sont les partisans les plus actifs du projet de dépassement des états nations. Ils sont en effet naturellement portés à une vision supranationale, qu'elle culturelle, religieuse ou ouvrière. Ils sont donc nombreux à plébisciter l'idée des "états unis d'Europe" lancée par Winston Churchill en septembre 1946.
L'arrivée au pouvoir dans la plupart des pays d'Europe occidentale de chefs politiques issus de la démocratie chrétienne comme Jean Monnet et Robert Schumann (MRP) en France, Konrad Adenauer en Allemagne, Alcide de Gasperi en Italie (Democrazia Cristiana) … va permettre d'amorcer la construction européenne. Ils sont d'ailleurs considérés comme les "pères fondateurs" de l'Europe.
b- Le contexte de la guerre froide
Les débuts de la guerre froide favorisent également le rapprochement des pays de l'Europe de l'Ouest. Leur situation interne est marquée par d'immenses difficultés matérielles. Les USA qui craignent l'expansion soviétique créent en 1947 le plan Marshall pour aider le relèvement du continent. Les 16 pays d'Europe qui en bénéficient acceptent de créer l'OECE. Ils s'engagent à coordonner leurs actions, harmoniser leurs politiques économiques et baisser leurs droits de douane.
La crainte de la puissance soviétique alimentée par le coup de Prague en 1948 et le blocus de Berlin en 1948-1949 pousse la plupart d'entre eux à signer le traité de l'Atlantique Nord et à intégrer l'Otan.
Les premiers rapprochements entre pays européens sont donc dus aux USA. Cela débouche sur la mise en place d'une Europe occidentale atlantisme.
c- Les premières réalisations
A l'issue du Congrès de la Haye (1948)n la volonté d'unité aboutit à la création du Conseil de l'Europe en 1949 à Strasbourg. Disposant de peu de pouvoirs, il a surtout pour but d'affirmer les principes démocratiques et libéraux inscrits dans la "Convention européenne des Droits de l'Homme".
Concrètement le rapprochement entre pays européens ne commence ç se faire qu'au début des années 50 et essentiellement sous forme économique. J. Monnet et R. Schuman proposent une intégration en apparence limitée mais dont ils espèrent qu'elle sera efficace et porteuse d'avenir : une intégration par secteur de production. Leur objectif est d'abord de permettre par ce biais une réconciliation entre la France et l'Allemagne par la gestion commune du charbon et de l'acier. Ces deux pays vont ainsi former la CECA en 1951 et l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg décident de se joindre à eux. L'exploitation de ces deux produits est mise en commun et gérée par un organisme supranational : la haute autorité de la CECA.
La guerre de Corée va déplacer les perspectives européennes dans le domaine militaire. Les Américains incidente leurs alliés européens à intégrer leurs forces militaires. La CED (Communauté Européenne de Défense) prévoit en 1952 la constitution d'une structure militaire supranationale rassemblant les forces armées européennes y compris l'Allemagne. Le refus du Parlement français de la ratifier fait échouer le projet en aout 1954. Communistes et gaullistes s'y sont opposés par crainte de la renaissance du militarisme allemand et d'une perte de la souveraineté de la France. La question militaire est pour longtemps écartée de l'intégration européenne. La perspective fédéraliste s'éloigne. Seule l'approche économique semble réalisable.
2- Un nouvel élan (1954-1989)
a- Le traité de Rome et la création de la CEE
Après l'échec de la CED la construction européenne semble marquer le pas. La reculade franco-britannique à Suez et les évènements de Budapest illustrent à nouveau la faiblesse des états européens. Elle semble montrer la nécessité de poursuivre le processus de rapprochement.
Le traité de Rome signé en mars 1957 par 6 membres de la CECA créée la CEE (Communauté Economique Européenne). Celle-ci doit former un marché commun par la suppression progressive des droits de douane. Cela l'oblige à suivre une politique économique commune. Les 6 créent aussi la Communauté Européenne de l'Énergie atomique (Euraton) qui doit développer le nucléaire à des fins civiles.
Ces institutions de la CEE introduisent un peu de fédéralisme. Ainsi, une Commission représente la Communauté. Toutefois la souveraineté des états est garantie car toutes les décisions doivent être prises à l'unanimité. par les conseils des ministres concernés. La CEE apparait rapidement comme un levier pour imposer le choix d'ouverture, de modernisation et de libéralisation économique.
b- L'Europe entre blocages et élargissement
La CEE enregistre rapidement de nombreux succès économiques. Toutefois les différences de conception sur ses finalités s'accentuent. Ainsi, le Général de Gaulle, revenu au pouvoir en 1958 se heurte à ses partenaires sur plusieurs points :
- sa politique d'indépendance nationale remet en cause toute idée de communauté politique européenne sur des bases fédérales. Contre l'Europe supranationale, il défend en effet "l'Europe des états".
- Le Royaume Uni a, durant les années 50 refusé de participer à la construction européenne, et a même constitué une institution concurrente : l'AELE. A partir de 1961, il demande son adhésion à la CEE. De Gaulle s'y oppose par deux fois, en 1963 et en 1967. Il accuse la GB d'être le "cheval de Troie" des USA et de privilégier ses liens avec le Commonwealth.
- il entend créer une relation privilégiée avec l'Allemagne fédérale du chancelier Adenauer (traité de l'Elysée en 1963) ce qui suscite la méfiance de l'Italie et du Benelux.
Le blocage politique et institutionnel de la CEE est levé après le départ du Général de Gaulle en 1969. C'est désormais la logique d'élargissement qui s'impose. Après des négociations, la CEE accueille le RU, le Danemark et l'Irlande en 1973.
La construction européenne a donc largement progressé du fait de la CEE.
c- Une consolidation difficile
Les années 70 et 80 se caractérisent par une certaine attitude de repli des partenaires européens du fait des différents économiques. Ainsi, Margaret Thatcher critique fortement l'intégration économique et monétaire et demande la réduction de la contribution britannique au budget communautaire ("I want my money back")
A cela s'ajoutent les défis de l'élargissement à la Grèce (1980), à l'Espagne et au Portugal en 1986. Ces adhésions contribuent certes à la stabilisation démocratique et au développement de l'Europe méditerranéenne. Toutefois elles aggravent les disparités économiques et commerciales de la CEE.
Face au défi d'un certain "europessimisme", la CEE essaie de se doter d'une légitimité plus forte. Elle met en place l'élection du Parlement européen au suffrage universel. En même temps, la coopération entre les états se renforce grâce notamment au rôle moteur du couple franco-allemand, symbolisé par la bonne entente entre ses dirigeants (Giscard/Schmidt ; Mitterrand/Kohl).
En 1974, les conseils européens deviennent réguliers.
Pour stimuler les échanges inter-communautaires, la CEE adopte en 1979 la système monétaire européen avec une monnaie de référence commune et fictive : l'écu qui annonce l'union monétaire. En 1986, le président de la Commission, Jacques Delors fait adopter l'Axe Unique. Il prévoit d'achever la réalisation du traité de Rome en faisant de l'Europe des 12 un "espace sans frontières intérieurs dans lequel la circulation des marchandises, des personnes et des capitaux est assurée."
À la veille des formidables bouleversement de 1989, la CEE apparait donc comme un pôle attractif mais ses intitulions politiques restent faibles.
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