samedi 22 janvier 2011

L'homme à la caméra - A.

        Le documentariste et ses outils à travers les âges

Deux révolutions techniques majeures dans l’histoire du documentaire : 
- arrivée du son synchrone et caméra légère
- apparition de la vidéo 

        Le son

    Dès son apparition, dans les années 30 : permet l’émergence du cinéma de propagande dans l’Allemagne nazie, l’URSS puis aux Etats-Unis (films qui utilisent souvent une voix-off qui vient donner du sens aux images avant même que le spectateur se soit posé la question). 
A la fin des années 50’ : invention du nagra. Dans les années 60’, c’est donc le début du son synchrone. On a plus d’équipements conséquents (en général, un camion devait être prévu pour le son uniquement), handicapant à la réalisation d’un documentaire. Aussi, il n’y a plus besoin de re-synchroniser le film au montage (tâche difficile pour les monteurs de documentaires puisqu’il n’y avait évidemment pas de clap sur le tournage). 

      Le passage à la vidéo

    La caméra désormais légère, facile à manipuler et son coût avantageux offrent de grandes opportunités aux documentaristes. Aussi, on elle permet de voir les images tournées immédiatement.
Mais : elle incite à tourner dès que l’occasion se présente. La contrainte du coût de la pellicule disparue, les documentaristes, sans limites, ont tendance à ne pas faire de choix au tournage et à réfléchir le film tardivement (au montage seulement).

         Différence entre le documentaire et le reportage

Reportage : démarche journalistique : il exige mois de temps, d’écriture, de réflexion. Son but est de trouver une information et de la diffuser. Les images et le son complètent ou illustrent un texte, un propos. 
Documentaire : démarche cinématographique : il exige une réflexion = le documentaire se pense. Le documentariste doit notamment se poser la question du rapport qu’il entretient avec ce (ou ceux) qu’il(s) filme(nt). Ex : Depardon s’interroge sur les liens qui l’unissent aux paysans et confie « filmer sa famille ». (Le cinéaste vient en effet du monde rural). 
Pour le documentariste, il s’agit de répondre dans l’immédiat aux offres de la réalité (c’est un mélange de préparation et d’improvisation).

         Place de l’engagement politique et idéologique

       Le documentaire permet ainsi à des mouvements, souvent radicaux (ex : mouvement féministe), de prendre de l’importance.
Il peut également montrer le travail, la condition ouvrière ou des catégories sociales qui n’ont pas accès à l’image… C’est le cas du cinéma des frères Dardenne, par exemple.
D’autres, comme Mariana Otero avec Histoire d’un secret, abordent des sujets tabous. 
Pour les documentaristes engagés (en général, de gauche), il faut porter un regard sur des milieux qu’on a pas l’habitude de voir. (ex : Camping de Didier Nion).

  Berlin, symphonie d’une grande ville, Walter Ruthman, 1927.

       Points communs avec L’homme à la caméra :

- Un principe commun: montrer le déroulement d’une journée, de l’aube à une nuit avancée, pour faire un tableau d’une ville. On considère la ville comme un grand organisme. C’est un monde entier avec ses enfants, ses boutiques, ses bars,… 
- Des chapitres communs : ville quasi déserte le matin, les machines, les transports en communs, le travail, les loisirs… 
- Quelques plans quasi-identiques : tramways, regards, locomotives qui sortent du dépôt, persiennes qui s’ouvrent, automates et mannequins dans les vitrines… 
- Un exercice de montage : on filme des « éléments » de cet organisme (il s’agit d’une ville qui serait agitée par des mouvements d’ordre mécanique et humain). On veut saisir ces mouvements et cela nécessite un nombre de plans est important. Le montage, frénétique, ne peut donc pas être narratif (au mieux, il est chronologique). Le réalisateur se permet toutes les associations possibles : on retrouve des liens métaphoriques, métonymiques (on part de l’ensemble pour arriver au détail) ou purement esthétiques (de ressemblance plastique) entre les images. 
- Un montage formel (ce qui sera reproché aux réalisateurs) et musical ( d’ailleurs annoncé par le titre). Idée de faire de « Berlin, symphonie d’une grande ville » un film musical : Edmund Heisel. 
- Une mise en scène : le suicide (mettre en scène, ce n’est pas mentir). Intérêt : on voit Berlin telle qu’on ne la verra jamais plus. 

Donc : une parenté très proche (y compris au niveau de la forme du film, de sa durée)

Différences :

- La mise en scène de la construction du film : dans l’Homme à la caméra, on voit constamment les opérateurs et même la monteuse, contrairement au film de Ruthman. Pour Dziga Vertov, il est important de montrer à la fois le produit et le moyen de sa production. Cette mise en scène de son propre travail a un but idéologique : les gens du cinéma font partie du monde des travailleurs. Vertov rejette l’illusion. Aussi, cela montre une certaine solidarité entre les filmeurs et les filmés. 
- Des traits ironiques apparaissent chez Ruthman (et que Vertov ne se permettrait pas en URSS : l’ouvrier n’est pas un simple bœuf qui va à l’abattoir) 

         L’idée du film est de Carl Mayer, scénariste de l’expressionnisme allemand (majoritairement), il est notamment l’auteur de l’Aurore, réalisé par Murnau auquel il donne une sorte de poésie urbaine à la ville moderne. En effet, il est également l’auteur de grands textes poétiques. Très créatif et fasciné par la grande ville, il apporte au film des associations d’idées surprenantes.

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