dimanche 28 novembre 2010

Être libre - P.

Etre libre


        Problématisation : Une liberté radicale, c'est-à-dire de " l'essence de la liberté " est-ce concevable, c'est-à-dire peut-on isoler une forme pure de la liberté ? 

        Être entièrement libre, ce serait ne subir aucune contrainte. Supposons un homme qui ne serait pas sujet à une limitation, c'est une fiction irreprésentable. Voir Descartes, Première Méditation à propos de la peinture fantastique (J Bosch). Les peintres fantastiques forment des corps de monstres, c'est-à-dire ils combinent des éléments qu'ils prennent sur des animaux réels. Leur pratique est combinatoire et non créatrice. Supposons néanmoins un peintre qui pourrait inventer par création, c'est-à-dire tire une forme hors du néant. Ce peintre aurait encore besoin de couleurs et il les prendrait dans la réalité (couleur pure ou mélange). 
        Conclusion de Descartes : même dans la pensée, l'homme est limité. Son imagination n'est pas créatrice. Notre liberté n'est pas entière.
        D'où l'autre hypothèse : l'homme serait beaucoup plus limité qu'il ne le croit et sa condition serait une entière servitude.
        ex : une totale dépendance à l'égard d'une force supérieure comme l'inconscient.
Cette thèse n'évite pourtant pas une contradiction : celui qui l'énonce oublie qu'il doit "s'excepter" (de cette loi universelle) pour dénoncer le malheur d'une condition déplorable. Or, de deux choses l'une : 
- ou tous sont soumis à la loi et dans ce cas nul ne peut en prendre conscience.
- ou il y a au moins une exception mais alors la loi n'est plus la loi. (= la servitude n'est plus universelle).
        Conclusion : aucune forme pure, il reste à interroger les formes mixtes = notre expérience quotidienne. Cette référence nous offre-t-elle un modèle cohérent de liberté ? 
        NB : On recherche ici la consistance = ce qui fait le caractère "logique" d'une idée. C'est donc ce qui évite toute contradiction = une incompatibilité entre deux termes (ex : cercle carré).

       1- Vouloir
               A- Le "libre arbitre"
        La première certitude serait double : 
a- il y a du donné, par exemple des perceptions (+ des souvenirs …)
b- j'ai à tout moment le pouvoir de suspendre mon jugement
Voir Descartes, Principes de la philosophie (articles 5/6°.
        Notre première certitude est l'existence de notre libre-arbitre. Le cogito serait lui aussi la première certitude, mais il présuppose le libre arbitre qui est à la fois une faculté c'est-à-dire un pouvoir et une décision, c'est-à-dire un acte. Autrement dit, je peux douter et je doute. 
        "La liberté se connaît immédiatement et par la seule expérience que nous en faisons". Descartes.
nul besoin de médiation, c'est-à-dire aucun instrument pour entrer dans la liberté, elle s'offre à nous. 
        Libre arbitre : c'est un arbitre libre = un pouvoir de juger et avant tout d'affirmer ou de nier. Ce pouvoir semble entier, mais il ne peut pas l'être (voir problématisation). D'où la nécessité de préciser au regard de quoi nous sommes libres.

        B- Métaphysique de la liberté

        Une liberté radicale est absolue, c'est-à-dire dépourvue de toute relation à une réalité extérieure. Du coup, une seule vraie liberté : celle d'un être capable de créer = de défier toute dépendance. Voir le dieu chrétien, celui qui créé ex nihilo. Le modèle monothéiste = une seule autorité suprême.
       Descartes : notre religion a compris ce qui faisait la cohérence de l'idée de Dieu. Notre pensée a besoin de poser un absolu et il ne peut pas y en avoir 2. (pourquoi?) L'un des deux devrait se soumettre à l'autre et il deviendrait relatif. 
        Descartes : notre Dieu n'est pas comme "Jupiter assujetti au Styx et aux Destinées". (les 3 Parques / Moires)
Les grecs/anciens n'ont pas de schéma cohérent car ils n'ont pas de vision systématique (qui se tiendrait ensemble). L'absolu est nécessairement la liberté entière et totale (ou alors il n'a rien d'absolu). D'où l'idée de volonté : Dieu n'a qu'un vouloir = décider de cela arbitrairement, c'est-à-dire sans exigence pré-établie. Descartes expose la théorie d'une création des vérités éternelles. (Voir 1630, lettres à Mersenne.) Saint Augustin exposait une création de l'univers matériel, mais l'univers spirituel était incréé puisqu'il était en Dieu = la pensée de Dieu. 
        Objection de Descartes : ce Dieu n'est pas une pure liberté, il reste soumis à des idées qui forment un ordre immuable, une sagesse donnée une fois pour toutes. 
Conclusion : le Dieu chrétien a créé aussi l'univers spirituel, c'est-à-dire il a décidé sans motif (arbitrairement) et cela nous dit sa puissance.
        ex : il pouvait faire 2+2 ne faisant pas 4 ou encore les montagnes sans vallées. Notre esprit ne peut pas le concevoir et son esprit y parvient.  Dieu, c'est la volonté qui s'exerce sans refus de l'entendement. En d'autres termes, il peut se représenter tout ce qu'il décide, ou encore, pour lui, tout est pensable.
Sa volonté est infinie et son entendement aussi. 
Problème : pour notre esprit, c'est plutôt un dogme = un enseignement qu'il faudrait recevoir comme vrai, une idée que nous devrions former, mais sans pouvoir la vivre, c'est-à-dire mettre un sens sous les mots = une hypothèse quasi verbale. D'où le caractère irreprésentable de la chose et la nécessité de prendre en compte le plan humain de la liberté vécue. 
ATTENTION : NB : 2+2 font 4 est une violation de l'arithmétique dans ses princeps fondamentaux.
Montagnes sans vallées = l'équivalent pour la logique : violation du principe de contradiction. 
        C- Anthropologie de la liberté 

(schémas) 










        Notre esprit vit sa liberté, c'est-à-dire il l'éprouve. Deux sens : 
a- il la connait par expérience
b- il la met à l'épreuve
Notre liberté minimale (il n'y a pas de liberté à moins) c'est celle de la pensée = le jugement (attribution dune propriété à un sujet (de pensée, de discours …). Cette opération résulte du concours de deux facultés : 
        a- l'entendement : il comprend, c'est-à-dire il saisit des vérités plus leurs relations. Voir deux qualités indispensables :
               - d'une part la perspicacité pour saisir des intuitions, c'est-à-dire des vérités simples = indivisibles. 
                - d'autre part la sagacité pour saisir l'enchaînement de ces intuitions et avant tout faire des déductions.
        b- la volonté, faculté d'affirmer ou de nier, poursuivre ou fuir. La volonté tranche, elle arrête le jugement = par elle, grâce à elle, notre esprit se prononce. Dans tous les autres cas, nous doutons, c'est-à-dire nous connaissons une irrésolution.
        Question : d'où viennent les erreurs ? 
Réponse : aucune des deux facultés n'est en cause.  C'est leur relation, ou plutôt leur disproportion qui explique l'erreur. L'entendement est limité, il ne comprend pas tout. La volonté est infinie. Entre le oui et le non, la distance est infime c'est-à-dire, nous tranchons de façon binaire. Commettre une erreur, c'est trancher sans avoir compris = la volonté se prononce quand l'entendement n'a pas terminé.
       ex : un problème de maths.

        La volonté est infinie, c'est-à-dire, c'est la marque de l'ouvrier sur son ouvrage = la trace de Dieu. Et en quelque sorte, un aspect "divin" de l'homme. 
"Dieu a fait 3 miracles : tout à partir de rien, l'homme-dieu (Jésus), et le libre arbitre" Descartes. 
Trois mystères, c'est-à-dire trois choses inaccessibles pour notre esprit :
       1- La création au sens strict, au sens fort.
        2- Le mystère de l'Incarnation : le pur esprit s'est fait
        3- Le libre-arbitre : notre volonté, c'est-à-dire le seul absolu présent en nous
       D'où 3 formes  de liberté selon les combinaisons des deux facultés : 
1- indifférence négative, c'est-à-dire être libre c'est ne pas être attiré par un parti plutôt que par un autre.
        ex : je fais les 100 pas, et au bout d'une série je me retourne par la gauche et non par la droite = je n'avais aucune raison de préférer telle partie à telle autre. mais cette indétermination m'a laissé libre.

2-  la liberté éclairée ou liberté du sage, je vois quel est le meilleure parti et je me porte librement c'est-à-dire volontiers, c'est-à-dire de mon plein gré vers ce parti = l'exécution. D'où, être libre c'est s'incliner devant l'évidence = devant le travail de l'entendement. Bref, liberté = rationalité c'est-à-dire ma conduite est raisonnable parce que ma connaissance est rationnelle. Si je vois le meilleur, je l'accomplis, et dans les autres cas, le mal devient possible.
        Voir Socrate : "nul n'est méchant volontairement". C'est-à-dire nul ne veut le mal pour le mal. On fait le Mal quand on ne voit pas le Bien : la sagesse consiste à apprendre l'indulgence, c'est-à-dire à comprendre que le prétendu méchant est en fait un malheureux.Être philosophe, c'est voir que le Mal du méchant n'est qu'une apparence et qu'il nous cache une réalité profonde, un individu très démuni.
       NB : Socrate et ce Descartes de la 2ème forme (2) jettent les fondements d'un rationalisme moral, c'est-à-dire les lumières avant la lettre. 
La seule foi qui sauve, c'est la décision de croire en la raison. D'où le projet d'éclairer les populations c'est-à-dire la connaissance qui ouvre l'esprit. On réduit la part de barbarie, de l'intolérance et des désirs les plus destructeurs (fanatisme, obscurantisme …) D'où la notion d'optimisme pratique (qui devient parfois un pessimisme raisonné). Voir Voltaire, Candide, dernière page. Le Bien sortira du mal que nous ferons au Mal.

        La première forme représente un entendement sans détermination (aucune connaissance) et une volonté qui doit tout faire, c'est-à-dire décider sans la lumière de l'entendement. 
        La deuxième forme présente la volonté qui suit l'entendement. "Une grande lumière dans l'entendement est suivie de la plus grande résolution dans la volonté". Le sage voit le Bien et le vrai et il sert ces deux causes spontanément (+ avec une grande pugnacité, combativité)

3- L'indifférence positive, même si l'entendement voit l'évidence, la volonté peut s'affirmer (contre cette détermination).

        Rappel sur l'indifférence : la volonté confrontée à un néant de connaissances. Elle pourrait nous condamner à une totale indétermination, donc à l'irrésolution et nous n'agirions pas. 
Voir l'âne de Buridan (philosophe médiéval - 14ème siècle) : un âne situé à égale distance de deux sacs de son / deux seaux d'eau identiques doit se laisser mourir de faim / de soif. Cette fiction illustre par l'absurde notre faculté d'auto-détermination toujours observable même dans une totale indifférence. 
        La liberté 1. est le "plus bas degré de la liberté" c'est-à-dire le plus pauvre. 
L7 à L10 : l'indifférence se double d'un autre profil malgré sa nature négative.
L'idée : il s'agirait d'affirmer ou de nier indifféremment face à deux parties contraires, la faculté de se porter vers n'importe quelle partie et cela sans distinction directe.
        Examen critique de la notion d'indifférence (l10 à l18) : l'indifférence serait présente dans tout acte libre, c'est-à-dire à tout moment nous pouvons fuir le vrai ou le bien = nous pouvons dire : "cela m'est indifférent" = cela ne me détermine pas. 
Je peux affirmer ou nier à volonté.
        NB : forme 1. : l'entendement ne fait rien connaître mais la volonté tranche tout            
                                   de même.
         forme 2. : l'entendement fait connaître le vrai et la volonté de suivre.
                forme 3. : l'entendement fait connaître le vrai, mais la volonté peut le nier,  
          peut le fuir.
L16 : "moralement" : difficile de fuir effectivement le vrai et le bien. "Moralement" = qui concerne les moeurs = l'action. Je vois le bien et le plus souvent je l'exécute.  Néanmoins (voir l18) je peux fuir le bien.
"Absolument " c'est-à-dire dans l'intimité de ma volonté : le plus grand sage a toujours dans un recoin de sa personnalité de quoi faire le plus grand fou.
L18 à 22 : La possibilité d'un acte "gratuit" c'est-à-dire soit dépourvu de toute raison d'être soit fondé sur le sujet d'une raison d'être qui s'imposerait comme une évidence (théorique ou pratique) = dans la connaissance ou dans l'action.
        NB : voir Gide - Les caves du Vatican.
       La mystique de l'acte gratuit autochtone (né de lui-même). Dans un train, il jette par la portière un homme qu'il ne connait pas pour se prouver qu'il peut agir contre l'évidence morale = le vrai et le bien. Voir aussi Dostojevski / voir la crise nihiliste : les valeurs que la société privilégie sont du néant (nihil). Voir le bien, le vrai, la sainteté etc … Donc : il faut savoir nier ces valeurs, c'est-à-dire affirmer notre volonté. Etre libre c'est vouloir contre l'entendement, la raison, l'intellect ...


générosité : âme qui use au mieux de sa liberté. (au 17ème)
        Mise en perspective des trois formes de liberté avec l'idée de générosité. L'homme est capable d'initiatives = il est le point de départ de ses propres actions. (dans tous les autres cas, sa liberté serait illusoire, comme celle d'une marionnette) . 
initiative = initium : commencement, début … 
La liberté est la condition nécessaire du mérite, c'est-à-dire de la reconnaissance que nous vaut une décision, une préférence, surtout, un effort, une peine, un travail = un acte qui n'allait pas de soi. 
Raisonnement par l'absurde : si l'homme était parfait, une action vertueuse ne lui couterait aucun effort. 
        L'homme a une volonté infinie (marque de l'ouvrier sur son ouvrage). D'où deux aspects de la générosité = le sentiment d'une noblesse qui oblige, c'est-à-dire une place à tenir :
        a- 1er aspect : la conscience : une "libre disposition de nos volontés".
NB : Descartes est rationaliste, selon lui la raison doit pouvoir vaincre toutes les difficultés, mais sur ce point, il n'est pas intellectualiste, cad pour lui l'entendement, l'acte de comprendre n'est pas la clé exclusive de notre esprit (de l'agencement de nos facultés, leur relation etc …) Pourquoi ? Descartes soutient une certaine préséance du libre arbitre.
        b- 2nd aspect : être généreux, c'est être capable d'une volonté résolue = continuée par opposition à la velléité c'est-à-dire un effort qui ne se soutient pas et qui capitule devant l'obstacle. 

        Difficulté : Descartes privilégie le libre arbitre au nom de la connaissance immédiate = comme un objet d'expérience. D'où son aspect radical jusqu'à la forme la plus troublante. (n°3) Néanmoins, le rejet de l'évidence n'est pas pleinement établi, voir la possibilité d'un acte "gratuit". Il prouve encore une fin (prouver notre libre arbitre). Donc, la volonté affirmée comme telle est encore la recherche d'un bien. 
Voir la lettre à Meslan (l21) : dans ce cas la volonté se soumet à une évidence, c'est-à-dire à une connaissance et peut-être  à l'entendement.
 
        2- Comprendre ? (Spinoza)
              A- Critique du libre arbitre 

Le libre arbitre se rattache à des manifestations immédiates, à des perceptions, à des impressions souvent fortes, parfois faibles ou fugitives. Il nous apparait dans une épreuve que nous pouvons faire à tout moment : celle d'une maîtrise à exercer sur notre jugement. En apparence, nous pouvons suspendre notre jugement et cela librement, en deux sens : 
        a- Le sujet serait le point de départ de son doute, c'est-à-dire la suspension ne viendrait pas de l'extérieur. 
        b- Ce pouvoir serait arbitraire = détaché de toute exigence rationnelle, raisonnable et motivée. Il pourrait s'affirmer comme tel, c'est-à-dire comme pure autorité de décision. 
        Le doute par exemple s'explique profondément par l'absence d'idées claires et distinctes. (= une perception qui n'est pas adéquate et consciente d'elle-même). Le doute renvoie à la connaissance (et non à la volonté). 
       ex : L'enfant qui joue s'immerge dans une scène imaginaire. Voir Montaigne : 
"les jeux des enfants ne sont pas des jeux"
Le jeu c'est l'éducation d'un jeune esprit par lui-même, par exemple l'apprentissage du possible et de l'impossible. L'enfant qui joue est sérieux et non frivole, c'est-à-dire son monde est fiction plus forte que la réalité (une sorte de surréaliste). D'où une adhésion parfaite aux personnages et aux rôles (ni distance, ni recul). 
Donc : l'enfant qui joue Pégase se croit Pégase = il est Pégase. Aucun doute possible.   
         L'équivalent se trouve dans le rêve : nous adhérons à son contenu sans liberté de suspendre notre jugement. Mais parfois, "nous rêvons que nous rêvons", c'est-à-dire le rêve se disqualifie, le charme est rompu, et nous n'y croyons plus.

       "La suspension du jugement" est une perception et non une libre volonté. En fait, le jugement se suspend = se désigne comme impropre à susciter l'adhésion c'est-à-dire au fond, il ne peut pas cacher ce qu'il a d'incertain, ce qui fera hésiter. Nous percevons des idées, c'est-à-dire des représentations et c'est à nous de leur imposer un traitement sensé. Une représentation a toujours un fondement réel. 
         par exemple : - la tour carré qui parait ronde me parvient comme phénomène, c'est-à-dire non pas comme chose en soi, mais comme chose "pour moi". 
                                          - le soleil me parait parfois très proche alors qu'il est très éloigné : ce n'est pas un néant ou une chimère, c'est la résultante, l'effet des corps extérieurs sur le mien etc …
CONCLUSION : Quand je vois une apparence, elle s'impose à moi et ce n'est pas aberrant, c'est-à-dire l'erreur se produira dans mon jugement (mais elle n'est pas déjà effective). 

        "Une idée n'est pas comme une peinture muette sur un panneau". Spinoza.  
L'idée est inanique et non statique. Elle est vivante et non inerte, c'est-à-dire elle s'impose par des qualités "représentatives", elle nous fait croire à quelque chose, par exemple à une existence. L'idée se définit par une puissance d'affirmation (et parfois de négation ou de rejet).
        ex : une idée indubitable de type mathématique s'affirme de façon définitive et il est impossible d'en douter. 
Voir l'objection de Spinoza à Descartes : douter de tout c'est-à-dire de 2+2=4 c'est une attitude purement verbale, c'est-à-dire le doute n'est pas effectif.
Question : sommes nous prisonniers des idées ? L'humanité devait-elle rester dans les toutes premières idées, les plus faciles, celles qui produisent l'ignorance, la barbarie, la superstition etc … ? Comment expliquer que nous possédons la science (Galilée) ? 
Voir Éthique - appendice de Spinoza.
" Le genre humain serait resté dans l'ignorance si la mathématique ne lui avait pas apporté une autre norme de la vérité."
L'humanité a commencé par les apparences et elle a cru que l'univers était ordonné par un tyran insondable, d'où la superstition et la question pourquoi, c'est-à-dire pour quoi ? = à quelle fin ? (cette croyance prêtait une finalité à toute chose, il fallait exécuter des ordres). 
     D'où l'obscurantisme et la haine de la raison au profit de la superstition. Mais la mathématique a apporté une discipline de l'esprit, il s'est éduqué lui-même = il s'est intéressé aux nombres et aux propriétés des figures. Du coup, la question était comment ? c'est-à-dire comment les choses sont-elles faites ? 
Voir toute l'histoire des maths depuis Euclide + leur redécouverte début 17ème avec la science moderne. 

        Ce qui sauve l'homme, ce n'est pas de croire et de savoir = ce n'est pas adhérer de façon immédiate et sans faire de comparaison. C'est élaborer une connaissance, c'est-à-dire se mettre à l'école de la nécessité. (modèle de l'activité mathématique, par exemple les déductions). La liberté, c'est l'apprentissage de la nécessité. 

        B- Liberté et nécessité 

(doctrine de Spinoza : panthéisme) 
        Soit l'idée la plus élevée dans la hiérarchie des idées = celle de la totalité. 
Ce tout ne peut pas être contraint par une chose extérieure. Il n'y a rien en dehors du tout. Il est soumis à la seule nécessité de sa nature c'est-à-dire il agit par lui-même mais dans un contexte de nécessité qui tient à sa perfection. 
Dieu est tout ce qu'il a à être, c'est-à-dire rien ne lui manque. Donc il agit en exprimant sa nature, en développant son essence, mais il est tout le contraire d'un tyran ou d'une volonté arbitraire de type cartésien. 
        CONCLUSION : pour Dieu, être libre n'est pas faire n'importe quoi ou pouvoir faire n'importe quoi. Être libre (dit Spinoza) c'est déployer son ordre nécessaire, c'est-à-dire son ordre immanent sans rien devoir à quoi que ce soit d'autre. 

Lettre n°58 à Schuller :
        NB : Dieu n'a pas à décider, c'est-à-dire à transformer quelque chose. Pourquoi ? Il est et cela suffit. Donc son activité n'est pas l'exécution d'un projet ni l'affirmation d'une volonté. "Il se connaît" = il prend acte de sa propre nécessité. Dieu est cause de soi = il a en lui-même sa raison d'être et il ne doit pas son existence à une autre réalité que lui-même. 
Dieu est l'accomplissement de la nécessité et il n'y en a qu'une. (de toute éternité)

Supposons des "choses créées" ou plutôt l'existence particulière donc produite par une cause extérieure. 
par exemple : une pierre lancée. On distinguera deux aspects de sa trajectoire. 
        a- La nécessité "physique" c'est-à-dire le mouvement et sa persistance. Comme tel, le phénomène n'est pas une contrainte. C'est une nécessité physique et elle n'est pas subie. 
        b- La contrainte elle-même, c'est-à-dire le fait que ce mouvement vient d'une cause extérieure : il ne se produit pas lui-même. 
       Paragraphe 3 : prêtons une conscience à la pierre : la pierre a connaissance d'un effort = contais, c'est-à-dire puissance d'affirmation dans l'existence. Elle sait qu'elle se déplace, elle ignore sa dépendance, c'est-à-dire l'action d'une main (par exemple) ou d'un autre corps. La pierre se croit cause de son mouvement. Elle se prête un libre arbitre parce qu'elle ignore la cause qui la fait agir. 
        Application à l'homme : l'homme croit décréter, c'est-à-dire exercer un pouvoir discrétionnaire, c'est-à-dire arbitraire. Le libre arbitre, c'est l'illusion qu'on peut "faire ou ne pas faire" = c'est une caricature de liberté, une croyance de type superstitieux = nous imaginons qu'il y a place pour la contingence dans l'ordre universel des choses = les lois physiques seraient suspendues, leur nécessité serait prise en défaut, bref, notre monde serait un parfait chaos (la prévisibilité n'existerait plus).


contingent : ce qui peut ne pas être ≠ nécessaire : ce qui ne peut pas ne pas être

        Nécessité et contingence
        Ce qui est déterminé c'est ce qui se prête à une connaissance vraie et effective= qui produit des effets. Notre existence peut très bien être déterminée et se déployer avec une certaine liberté. La connaissance nous donne la médiation entre ce que nous subissons et ce que nous pouvons faire (=puissance enfin libérée). 
Voir vers 1620 : Francis Bacon : "on ne commande à la nature qu'en lui obéissant" = notre esprit connait peu à peu les lois physiques et leur inviolabilité = la nécessité universelle. Nous en tirons des applications techniques = nous exploitons ce qui est immuable dans les corps, nous en tirons des effets prévisibles. 
        ex : le feu est un corps dont les propriétés défient toute action magique, par exemple toute action à distance. Le feu a donc une structure chimique inaltérable et compatible ou non avec d'autres corps. 
        ex : il brûle dans un cas, fait fondre dans un autre, réchauffe dans le 3ème …
Bref : il est toujours le même (inaltérable) mais ses effets sont variables, d'où la diversité, la finesse de l'action technique. 
CONCLUSION sur ce passage : c'est la nécessité qui nous libère = qui nous donne de quoi agir sur le monde. Ce monde est avant tout une nature, c'est-à-dire un ensemble de lois inviolables.

        NB : distinction entre nature et monde : 
Nature : principe de connaissance par opposition à l'artifice. La nature a en elle-même son principe d'action tandis que l'artifice doit tout à un concepteur et à un travail = une élaboration matérielle. 
        Nature = lois physiques avec la reproductibilité infinie des phénomènes.
Monde : c'est avant tout le changement et par exemple la vie des hommes. (leur présence, leur organisation)
       Monde = a- univers, totalité dans laquelle on évolue.
                      b- histoire c'est-à-dire ensemble de singularités (de choses qui ne se répètent pas).
        C- Les genres de connaissance 
        Ce qui nous libère, c'est la compréhension de la nécessité (savoir comment l'utiliser). "perfectionner l'entendement" c'est développer la connaissance sur ce modèle de la rigueur, de la mathématique. 
Spinoza expose une Ethique et non une morale. Chez lui, aucune opposition entre être et devoir être. Au contraire, on compare l'homme à lui-même c'est-à-dire sa force à sa faiblesse.
        - La faiblesse c'est l'ignorance, la superstition = la croyance de type magique par exemple l'obsession de l'irrationnel. La foi en certaines modalités d'exception comme le miracle est très généralement une sorte de naïveté qui fait croire à la contingence = un esprit peu éduqué quoique les lois de la nature peuvent être transgressées = elles seraient le commandement divin énoncé par un pouvoir arbitraire et quelques individus pourraient les transgresser, par exemple les prophètes (pour ne rien dire de Dieu lui-même). 
        ex : un séisme serait une colère extraordinaire de Dieu ou encore un phénomène astronomique inexplicable. 
Bref, nous serions mûrs pour le fanatisme, l'intolérance etc … Tout ce qui entretient l'obscurantisme. 

        - La force c'est-à-dire la puissance de transformation, d'action, etc … L'homme qui parvient à vaincre tous les fléaux naturels (famines, maladies). La science des Lumières qui développe l'envie de connaître. Bref, le désir présenté comme enrichissement et non servitude. 
        "La joie est le passage d'une plus petite à une plus grande perfection". 
La tristesse est le passage inverse. 
Ethique est une pratique de la joie, c'est-à-dire un développement du désir qui forme l'homme. Plus il connait, plus il peut agir = il étend sa puissance et il vit de façon de plus en plus accomplie. D'où la dénonciation des passions tristes, par exemple : l'idée que Dieu est un tyran et gouverne par l'arbitraire (voir le pouvoir des prêtres) ou encore ce prince injuste qui gouverne de façon irrationnelle pour asseoir sa domination. Le pouvoir qui utilise les passions tristes, mais surtout la crainte, c'est-à-dire le sentiment de la soumission nécessaire. 

        "La béatitude n'est pas la récompense de la vertu mais la vertu elle-même". Spinoza. 
Vertu ne désigne pas la qualité de celui qui se conforme au devoir (concept moral). C'est la puissance c'est-à-dire l'aptitude à transformer les choses (pour augmenter, pour étendre le domaine des passions joyeuses par exemple l'amour). 
Définition de l'amour selon Spinoza : "l'amour est la joie accompagnée de l'idée d'une chose extérieure". 
       La joie nous vient de la connaissance. C'est donc une expérience affective mais en même temps, c'est le signe d'une extension de notre connaissance. D'où la vertu au sens éthique : aptitude à agir en connaissance de cause = par des idées claires et distinctes. 
"Une affection qui est une passion cesse d'être une passion aussitôt que nous en formons une idée claire et distincte". La science libère (grande idée de Spinoza) : elle donne distance et recul. D'où la libération proprement éthique, c'est-à-dire le rejet de la dualité Bien/Mal. 
       "Si les hommes naissaient libres, il ne formeraient aucun concept du Bien et du Mal aussi longtemps qu'ils seraient libres". Spinoza. 
Donc : le Bien et le Mal sont des illusions, ils supposent un Dieu exerçant une volonté, c'est-à-dire commandant ceci et interdisant cela. Or, dieu n'a pas à vouloir puisqu'il n'est séparé de rien (rien ne lui est extérieur). Il est = il déploie sa nécessité interne. 
Conclusion : le pseudo-bien c'est ce qui réussit aux hommes, c'est donc l'utile. Le pseudo-mal c'est donc le nuisible. 
        ex : une pomme nous donne de la joie, elle nous fortifie = elle augmente notre puissance d'agir. Pourquoi ? C'est un corps qui compose avec le notre. 
Mais la cigüe nous est nuisible, c'est-à-dire décompose notre rapport spécifique. La béatitude suppose la compréhension de ces vraies valeurs qui sont l'utile et le nuisible. 
D'où une libération, un cheminement par 3 genres de connaissance : 

       1- connaissance par ouï-dire + expérience vague.
C'est la connaissance minimale représentée sous deux aspects : 
        - 1er cas : je connais le jour de ma naissance. (ouï-dire)
        - 2nd cas : "un jour, je mourrai". (expérience vague)
Remarque : je sais quelque chose, mais je ne saisis pas une cause. Donc je sais sans savoir. Le genre numéro doit presque tout à des signes. Ca n'est pas une réalité vécue ou à laquelle je peux faire correspondre une expérience.

        2- La raison = les notions communes (communes à toutes les choses)
J'accède à une connaissance authentique grâce à l'idée de relation par exemple entre les ? . Et je comprends l'explication de ces relations, donc j'entre dans la pratique du calcul = du travail de l'esprit = de la démarche intellectuelle ou plutôt rationnelle (ratio en latin = calcul). 
C'est le niveau des notions communes c'est-à-dire des rapports universels par exemple les lois du mouvement et du choc dans la nature (principes généraux de la physique ou alors les fondements de l'arithmétique + géométrie, algèbre + les principes de pensée). 

       3- L'entendement = connaissance intuitive.
Cette fois on ne passe plus par la médiation des relations. On saisit la chose même, par elle-même. Une connaissance qui n'a pas besoin de calcul ni de comparaison. 
        ex : la 4ème proportionnelle. 

1er genre : les marchands, c'est-à-dire ceux qui vendent sur des marchés savent qu'on multiplie les deux nombres intermédiaires pour diviser ce produit par le premier nombre = ils appliquent une règle arithmétique mécaniquement et sans savoir quels sont ses principes, sur quoi elle repose. 
2ème genre : un esprit qui a des rudiments en la matière connait l'égalité du produit des extrêmes avec celui des moyens. Il peut expliquer ce qu'est une proportion, donc, la connaissance par la raison c'est-à-dire des relations entre les nombres. 
3ème genre : un expert ne calcule même pas, c'est-à-dire il voit immédiatement = sans médiation le résultat (intveri). 
Le 3ème genre nous fait accéder à la plus totale nécessité c'est-à-dire nous saisissons la chose même, pour ce qu'elle est. D'où un modèle de connaissance et même d'attitude face à la vie c'est-à-dire connaître c'est saisir toute réalité telle qu'elle et sans la rapporter ou la comparer à un modèle qualifié de "supérieur", par exemple un monde meilleur, une utopie etc … Le système invite à se réconcilier avec la vie. Ne pas rire, ne pas s'affliger, ne pas prendre en haine mais comprendre. 
        Voir Nietzsche : "amor fati" : amour de la nécessité c'est-à-dire aimer cette vie même dans les pires épreuves. 

        Critique : 
       La liberté serait l'intelligence de la nécessité. Spinoza s'inscrit dans le droit fil d'un programme "technique" c'est-à-dire qui offre à l'homme le projet d'une domestication de la nature. Voir Descartes : nous rendre comme possesseurs de la nature. Donc ce qui libère.
La connaissance libère, sous entendu par la voix technique. L'ignorance asservit. 
Problème : la connaissance nous dit ce qui est mais en aucun cas ce qui doit être. Or, dans un domaine cette préoccupation est légitime : le droit. Spinoza ne peut pas dans l'état fonder le droit pénal, c'est-à-dire il ne dit pas sur quoi nous appuyer pour estimer, évaluer, poser la responsabilité d'un agent. La liberté en est dernier ressort, dernière analyse l'affaire de l'action. 

        3- Agir ? 
                A- L'antinomie 

antinomie : conflit entre deux lois.
anti : idée de conflit
nomie : loi

       Le 1- réduit la liberté au libre arbitre = une volonté qui peut se déterminer sans référence à une autorité extérieure. 
        Le 2- réduit la liberté à la compréhension du donné, c'est-à-dire de ses structures et dans ce cas, notre esprit reconnait un ordre (dont il n'est pas l'auteur). D'où une opposition sous la forme d'une incompatibilité. Deux lois de la raison entrent en conflit : 
ANTINOMIE :
       - thèse : il existe un univers au moins une cause libre (= une cause qui n'est plus un effet). 
        - antithèse : il n'existe pas mais tout ce qui se produit advient par le fait des lois de la nature et de leur mécanisme. 
La thèse revendique les droits du libre arbitre. L'antithèse ne les reconnait pas et met l'accent sur la nécessité de connaître, c'est-à-dire la science.  

        B- La résolution de l'antinomie

       Supposons un contexte judiciaire = il faut juger non seulement un acte mais aussi un agent = estimer son degré de responsabilité. Est-il pour quelque chose dans cet acte ? Est-ce volontaire ou non ? Et dans le second cas, est-ce le fait de l'inattention ou d'une violence qu'on a subi = je l'ai fait malgré moi ? 
        Au tribunal, deux discours (sur le prévenu) se succèdent : 
                a- L'avocat de la défense détaille le passé de son client et il multiplie des "circonstances atténuantes". Donc, il rattache l'acte à des causes qui le rendent nécessaires, c'est-à-dire inévitables. 
Le prévenu ne pouvait pas s'abstenir = il ne pouvait pas ne pas mentir. (enfance défavorisée, mauvaise éducation, caractère ingrat etc … + des tentations). La défense cultive une vision déterministe = une cause est ordonnée, son effet est déterminé. La défense traite les actions humaines comme des lois physiques.
                b- La partie civile. Le prévenu "pouvait ne pas". 
Le droit repose sur une préoccupation : une action n'est pas la simple continuation d'une série causale. Elle est une rupture, c'est-à-dire un commencement, une cause qui n'est plus un effet. Donc, juger un prévenu c'est le supposer innocent avant son crime (par exemple refuser de le traiter comme un criminel endurci qu'il faudrait "comprendre". )


        La liberté serait dans un commencement absolu, c'est-à-dire inconditionnel (= sans restriction, sans réserves) et inconditionné, c'est-à-dire indépendant d'une cause qui le déterminerait. Un acte libre, c'est un acte qui est né de lui-même. 
La raison légifère = elle énonce des lois. Elle veut donner à notre expérience à notre vie une intelligibilité. D'où deux domaines d'application : 
        a- L'être : la raison énonce les principes de la connaissance en remontant au plus haut niveau = la métaphysique = ce qui dépasse les limites de notre expérience possible. 
        b- Le devoir être : c'est-à-dire la prescription des devoirs = des nécessités qui ne se réduisent pas à des faits de type physique. D'où plusieurs disciplines : la morale, le droit, la politique, et l'esthétique. 
       NB : Kant répète sans cesse que le droit ne se réduit pas au fait = la légitimité n'a rien à voir avec une nécessité brute comme celle des figures géométriques ou de la causalité physique (ex : le feu qui brule).  
Voir la séparation entre la science et toutes les autres disciplines. La science peut nous dire ce qui est = l'être, du moins jusqu'à un certain point (elle finit là où commence la métaphysique). Mais cette science ne nous dit pas ce qui doit être.
Voir la question des experts, par exemple : un chef d'Etat qui consulte des stratèges qui sont des experts dans le militaire. Ou encore toutes les questions de déontologie pour les spécialistes. 
         déontologie : théorie du devoir
        Le cynisme est la doctrine qui ne reconnait que des faits = pouvoir physiquement est un argument qui donne des droits. 
Voir les situations extrêmes comme la guerre. 
       ex : l'inscription que Louis XIV faisait porter sur ses canons : Ultima ration regum. 
Du coup, on traite la personne simplement comme un moyen.  
        Le sens réel de l'opposition entre la défense et la partie civile : 

        La défense a recherché un argument procédurier qui est le concours (de circonstances) c'est-à-dire une sorte de hasard malheureux (le hasard est la rencontre de deux séries causales indépendantes).
        La partie civile rejette cet éclatement, cette atomisation de l'acte, elle retient son unité irréductible, c'est-à-dire indivisible = sa simplicité c'est-à-dire le mensonge et la violation d'une loi de la raison qui commande le respect de la personne humaine. 
        La défense ne retient que des "mobiles sensibles", c'est-à-dire ce qui détermine notre volonté en la rendant passive (soumission aux circonstances, aux tentations, à la facilité). Bref, ce que nous nous contentons de recevoir. 
        La partie civile rejette ces mobiles sensibles au profit d'une activité du sujet (qui n'est plus soumis car il agit par raison). La partie civile prétend qu'il existe un caractère irréductible à l'élément empirique (observable). Le caractère sera dit "intelligible" : 
       a- sens négatif : les aspects inobservables de notre personnalité. Ce qui n'apparait pas. 
        b- sens positif : son activité rationnelle, profonde = le pourquoi elle se détermine. 

        Kant applique ici une distinction entre phénomène et chose en soi.
D'une part, ce qui apparait. D'autre part, ce qui se soustrait à l'emprise de notre connaissance. Le phénomène est accessible à la raison finie, c'est-à-dire l'homme, la chose en soi est ce que Dieu peut reconnaître = la raison infinie.
Cette seconde connaissance est parfaite puisque le sujet qui connait a créé l'objet connu. En revanche, la première connaissance caractérise un esprit qui reçoit l'objet connu. D'où une distinction entre phénomène et noumène. 
noumène : ce qui peut être pensé et échappe à tout connaissance c'est-à-dire ce qui n'apparait pas à notre regard mais que nous pouvons conjecturer. Nous pouvons esquisser une hypothèse = impossible d'affirmer ou de nier. 
        Chacun est pour les autres comme pour soi-même, à la fois connu et inconnu = à la fois un phénomène (ensemble de données observables) et un inconnaissable, un noumène = l'objet d'une hypothèse sur les éléments inaccessible à une personnalité. 
Voir la parole biblique : "Dieu seul peut sonder les reins et les coeurs". 
CONCLUSION : Le jugement d'imputabilité prouve que les hommes dénoncent toujours la réduction du droit au fait, c'est-à-dire souvent l'immoralité triomphe (le cynisme …) mais il reste dans le coeur de l'homme quelque chose d'inaltérable = son indignation devant le mal. Voir la négligence. 
L'homme échappe à deux conditions : 
        a- L'animalité pure, c'est-à-dire l'absence de maîtrise de soi.
       b- La volonté diabolique = maîtrise de soi dans le mal. 
 


        L'homme ne peut pas abriter en lui la volonté d'un mal universel et absolu = vouloir universellement le mal (et sans condition). Le modèle est double. 
        D'une part, la volonté de négation et de destruction. Voir Goethe, Faust : le diable se présentant au héros sous les traits de Méphistopheles :
 "Je suis l'esprit qui toujours nie et cela avec raison, car tout ce qui existe mérite d'être détruit. Il vaudrait mieux que rien n'existât."
Cette volonté touche à l'absurde et à la déraison (destruction de soi-même).
D'où une autre voie pour le mal. 
        D'autre part, l'idée de mensonge et de calomnie (diabolo). L'homme est capable de mentir à autrui mais surtout à soi-même. Chacun a une tendance à s'excepter = se poser hors de la loi morale = faire une exception en sa propre faveur = égoïsme. Le mal humain, c'est cette tendance de chacun à la préférence de soi-même. "La loi vaut pour les autres". 
        Selon Kant, l'homme est entaché d'un mal radical = qui affecte la racine. Il s'agit d'un aspect fondamental de notre constitution. D'où une disposition au mal. Mais la racine n'est pas toute la plante = ce mal n'est pas absolu (diabolique). L'homme a toujours en lui une petite flamme et une perception du bien. 

        C- L'autonomie

        Paragraphe 1 : 
Deux points de vue possibles sur l'homme qui agit : 
        a- spéculatif = théorique : la raison explique (elle rapporte un effet à une cause etc …) par régression à l'infini. Le but serait de déterminer la première cause (qui contient en germe tous les effets). On voit les affinités avec le discours de la défense. 
        b- le point de vue pratique = la raison examinant un acte dans la production même = comme ce qui engage une responsabilité (pouvoir répondre de ses actes). 
NB : pratique = qui concerne l'action. 

        Paragraphe 2 : 
La raison qui nous rend responsables nous fait agir = elle produit des effets. D'où des impératifs, des énoncés qui prescrivent une action. L'action libre suppose la moralité = le respect du devoir (en tant que devoir). D'où une certaine nécessité qui n'est pas celle des processus naturels. Par exemple, je peux désobéir à la loi morale mais je sais que le feu brûle. (aucune "désobéissance" avec les lois physiques). 
        L'entendement nous dit ce qui est = l'Etre mais il n'accède pas au devoir être. D'où une limitation évidente et grave.
L'entendement est la faculté qui fait apparaître une nature = "un ensemble de phénomènes coordonnés par des lois". Sa tache consiste à explorer une certaine nécessité = rejeter la contingence. 
       ex : le travail du physicien.  

        Du fait que quelque chose est, existe, il ne suit pas qu'autre chose doive être. 
D'un côté l'Etre, de l'autre, le devoir être. D'une part, le fait, de l'autre, le droit et tous les concepts apparentés (moralité, "politique").
        ex : la nature nous dit ce que sont les lois de la matière (physique, chimie, etc …) mais cette nature ne nous dit pas ce qu'est la justice. (comment donner à chacun son dû ?)
        Deux nécessités : 
être ≠ devoir être                          nature ≠ liberté 

       On distinguera une nécessité brute (voir la géométrie, les lois physiques etc …) et d'autre part une nécessité "morale" (mores : façon d'agir).
Voir H. Poincaré : "Il n'y a pas de liberté de conscience en géométrie". 
Le géomètre doit s'incliner devant un ordre qui s'impose de façon univoque. Mais, en morale, on peut s'interroger sur l'interprétation de la nécessité, par exemple la façon d'accomplir un acte, ou même une hiérarchie des devoirs, c'est-à-dire dans une seule et même nécessité morale le problème d'une priorité à accorder.
Voir la question du conflit de devoirs : Dois-je aller au front plutôt qu'au chevet de ma mère ?
        CONCLUSION : il faut distinguer deux domaines :
    a- Les "mobiles sensibles" c'est-à-dire ce qui détermine nos décisions dans les rencontres que nous faisons (avec autrui mais aussi avec des objets).
    b- La loi (morale) : elle prescrit le respect de l'humanité c'est-à-dire de l'être libre (il n'est pas un simple instrument). 
D'où :
    a- Vouloir en général c'est-à-dire se porter vers une fin.
    b- Devoir, c'est-à-dire se savoir soumis à la nécessité morale.

Impératif catégorique (absolu, inconditionné) : "Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle". 
Maxime = principes suggestif d'action. Le sujet parle de ce qui vaut selon lui pour sa propre action. 
        Par la pensée soumettre la maxime à l'épreuve de l'universalisation. 
Deux cas : 
        a- aucune contradiction n'apparait = la maxime prescrit un acte "moral". 
        b- une contradiction apparait = toute moralité disparait. 

         ex : le mensonge un acte dont le principe se détruit par la simple universalisation (simulée par la pensée). 
Pour mentir, il faut un interlocuteur qui ajoute foi à la déclaration du menteur. Un interlocuteur par son simple silence peut mentir en retour. Cet impératif est donc clair : dire la vérité est l'acte qui peut être commandé (par la raison pratique = par la moralité). D'où l'idée d'autonomie, c'est-à-dire le sujet qui agit par nécessité interne. C'est donc le contraire de la contrainte. En quoi ? Être contraint = subir l'action d'une cause extérieure : être obligé = s'exprimer par le fait d'une liaison avec un principe interne (l'action vient de l'intérieur = de la raison). 

        NB : ne pas confondre obligation et contrainte.
contrainte : rapport de fait.
obligation : rapport de droit .
D'une part l'être d'autre part le devoir être.
                fait

        La liberté c'est donc l'autonomie c'est-à-dire le fait moral qui n'a rien de physique. 
       auto  nomie : je me donne moi-même la loi.
moi       loi
        Rousseau, Le contrat Social, 1, 8, de l'état civil. 
"L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté".
L'autonomie est une relation typiquement réflexive du sujet à lui-même. La liberté est inconnaissable. Pourquoi ? Nous n'en avons aucune expérience = aucune connaissance sensible (ce qui nous plongerait dans une chaîne de causes et d'effets). Voir Alain : 
"Une preuve de la liberté tuerait la liberté". 
        Idée de Kant : qu'est-ce qui nous fait connaître la liberté ? Nous avons de la liberté un substitut de connaissance, une sorte de connaissance indirecte. C'est la loi morale, c'est-à-dire l'impératif catégorique. D'où une situation quasi paradoxale. 
       "Tu dois donc tu peux." Kant. 
Contresens à éviter : Kant ne prétend pas que notre conscience nous dicterait des actions parfois impossibles mais qu'il faudrait accomplir. Kant dit que le devoir est le signe de notre condition (humaine) c'est-à-dire il nous dit que nous ne sommes pas des animaux ou des choses. Autrement dit : le devoir nous rappelle que nous sommes doués de raison, donc libres par cette même raison. 

        Le mythe d'ER le Pamphylien (Pamphylie = Arménie)
Personnage laissé pour mort sur le champ de bataille. Il se réveille et raconte ce qu'il a vu dans l'équivalent des Enfers. Il assiste ainsi à la comparution des âmes qui choisissent leur vie nouvelle car elles seront "réimplantées" dans un corps. (mais pas nécessairement humain). Si on choisit une nouvelle vie, il faut le faire intelligemment.

       Conclusion : 
Mythe : un mythe est un discours de l'imagination qui prend le relais de la raison. D'où une part d'irrationalité. Un mythe ne s'explique pas. On ne peut pas épuiser sa substance en invoquant des causes et des effets, des principes et des conséquences. Un mythe s'interprète = il s'ouvre à l'exégèse = un commentaire qui passe sans cesse du manifeste au latent. Chez Platon, les mythes présentent souvent un "monde à l'envers" c'est-à-dire l'auteur veut dépayser son lecteur pour qu'il se questionne sur lui-même (= pour qu'il se contemple de l'extérieur). 
        ex : l'homme peut-il se percevoir comme libre ? En d'autres termes : peut-il faire l'expérience de sa propre liberté ? 

D'où une mise en scene, une dramatisation pour mieux contempler.
        Paragraphe 1 : La théorie devient un théâtre. 
Les âmes des défunts sont réunies et vont choisir une vie nouvelle. On leur présente des paquets, des "lots".
        Paragraphe 2 : la fille de la nécessité : une vie n'est pas le fait d'une puissance extérieure au sujet qui vit. Elle résulte de sa propre liberté. 
Réponse à la sentence d'Héraclite (le plus célèbre des pré-socratique) : "Le caractère est pour un homme son démon"= son génie. Cette croyance réduit une vie à l'activité d'un accompagnateur, c'est-à-dire d'un décidues ou d'un conseiller, qui tranche en toute situation. 
        Platon veut établir qu'une vie est imputable au sujet qui la vit et à sa liberté. 
"Dieu est innocent" = hors de cause. Pourquoi ? Dieu sait le bien. Celui qui fait le mal ne peut pas se décharger de cette responsabilité. Il ne peut pas dire "c'est le bien qui est coupable de n'avoir pas su me convaincre". D'où une mise au point sur la responsabilité. 
        "Nul n'est méchant volontairement". - Socrate - mais nous n'avons pas le droit d'ignorer la loi (la connaissance est le respect du Bien). 
DONC : chacun est libre en ce sens que c'est lui qui décide pour lui-même et en engageant tous les autres.



          Théo   dicée : on juge Dieu
Dieu ⤶         la justice, le jugement 
Ce qui pose la question comment a-t-il pu créer un monde où le mal existe ? (Leibniz 1715).
        Question qui deviendra classique : "comment justifier le mal = l'injustifiable ? En d'autres termes, comment concilier l'existence du mal avec celle du bien, considéré comme un principe ? 
        Deux réponses : 
      a- Le manichéisme = système de MANES (ou MANI) (voir la Perse, 7ème siècle avant JC.)
L'univers tout entier résulte d'une lutte qui oppose un principe du bien (ORMUZD) et un principe du mal (ARIMAN).
      b- La théodicée : "la cause de Dieu plaidée par les raison". 
Ouvrage de Leibniz qui donne naissance à "l'optimisme moderne" : le mal existe mais il est intégré à un plan supérieur qui lui donne un sens. Ce qui parait injustifiable trouve sa justice dans un bien caché : il n'est pas dissimulé dans un lieu inaccessible, il est la totalité de ce qui est. 

        Optimisme : système de l'optimum.  Notre monde n'est pas celui qui exclut le mal, ni celui qui offre le plus de biens (=maximum). C'est l'optimum = le plus obtenu grâce au moins, c'est-à-dire le plus grand bien "payé" par le plus petit mal. 
       ex : comment justifier le péché d'Adam ? Réponse de Leibniz : Dieu a créé non pas Adam pécheur mais le monde dans lequel Adam a péché. Le mal ne résulte pas directement de l'activité du bien. Il est comme l'eau? au tableau c'est-à-dire ce qui conditionne un équilibre ou un stimulation ou encore un effet de compensation. 

        Paragraphe 3 : Pour chacun, les conditions de la décision : 
      1- un ordre de passage = de tirage. Il est contingent (nul ne sera privilégié ou lésé). 
      2- Confrontation des âmes avec des lots = les modèles de vie. Chaque lot combine une foule d'éléments = d'évènements selon des proportions très variables en fonction du bonheur et du malheur, de la richesse et de la pauvreté, du pouvoir et de l'impuissance, de la notoriété ou de l'obscurité. L'essentiel est de proposer aussi bien des combinaisons moyennes que des combinaisons extrêmes. 
        Paragraphe 4 : Dernier avertissement de l'hiérophante : 
L'ordre de passage ne recouvre pas un ordre préférentiel qui déterminerait des degrés dans les qualités de vie = la dernier qui choisira a le moyen de trouver quelque part une nouvelle vie propre à la satisfaire (dite convenable et bonne). 
L'avertissement produit des effets divers : parmi les âmes, certaines font preuve de discernement en sachant distinguer le bon du mauvais, la justice de l'injuste etc …
Il faut être judicieux pour décider. Être juste c'est :
        a- ne pas manquer de justesse (=exactitude) mais aussi connaissance des proportions et des ordres de grandeur.
        b- témoigner de justice c'est-à-dire donner à chacun son dû et savoir imputer telle responsabilité à tel agent. D'où la notion de mérite. 
        NB : l'équivalent dans la stricte théorie de l'action est la notion large de vertu. 
            vertueux
virtus  
            virtuose

        Le vertueux est aussi un virtuose, c'est-à-dire il maîtrise les notions du bien et du mal (vertueux) mais en outre, il sait en tirer des effets adéquats (virtuoses). 

        Le premier qui choisit se laisse tenter par "la plus grande tyrannie". La tentation primaire par excellence, c'est la cupidité qui se porte sur la racine de l'action = la passion du pouvoir = libido dominandi = l'empire. 
Le pouvoir fascine les esprits faibles. Pourquoi ? Parce qu'il dispose à sa guise d'autrui. Il limite et réduit la liberté d'autrui. La première des tentations relève de l'inconsidération (voir Kant texte 1, l11-12 : "inconsidération") et de la légèreté. 
        D'où le plus grand malheur (le tyran destiné à manger ses propres enfants). La jouissance du pouvoir donne une liberté de pure fiction et elle ne fait qu'accentuer la forme suraiguë des bêtises : l'aveuglement. D'où une première formulation de l'idée directrice : 
le futur tyran a "oublié" les avertissements : "choisir avec attention". 
Surtout, l'expression éclatante de l'irresponsabilité : "j'ai choisi mais je n'ai pas choisi". En somme, le mal est mon oeuvre, mais je le nie. 
       Paragraphe 5 : Ulysse, le dernier ("l'anti tyran") : il sait que la vraie liberté consiste à ne pas dépendre d'autrui = ne pas vivre dans un regard étranger. D'où le choix d'une condition obscure. Elle ne suscitera pas d'admiration ni d'envie mais elle pourra contenter.

C'est tout le contraire de l'aveuglement. L'extrême lucidité = la volonté de regarder la vérité en face même si elle déplait. Ulysse a été ambitieux (voir Ithaque, son périple + la lutte avec les prétendants). Il a pris en haine le pouvoir et l'aventure. Il lui faut l'obscurité = la paix, vraie liberté. Ulysse est libre et le restera. 
        a- Il ne vit pas dans le regard d'autrui, le pouvoir ne l'intéresse pas, c'est-à-dire agir sur la liberté d'autrui lui est étranger. 
       b- Ulysse se souvient de son passé = il ne le répètera pas, il le dépassera. 
Il respecte la première exigence du devoir de mémoire. Ce n'est pas la commémoration (par exemple d'un génocide), c'est l'autocritique, l'examen de conscience. 
        DONC : la liberté tient à une faculté de décision qui nous place à distance des évènements et qui nous arrache au temps. Le mythe d'Er c'est la dramatisation d'un concept difficile à penser, celui de choix intemporel.
Voir Kant, texte 1 : "La raison n'est pas elle-même dans le temps". 
La liberté est autre chose que la suite des causes et des effets.