mardi 29 mars 2011

Corrigé de la pensée - P.

            CORRIGÉ DE LA PENSÉE 320 DE PASCAL

            Les variations du « juste » dans l’espace (mais aussi dans le temps) :
La justice se veut universelle et nécessaire, mais nous la voyons particulière et contingente. Elle dépend des séparations géographiques, par exemple un besoin de faire autrement que le voisin.
            Voir aussi 294, l2 : caprice, c’est-à-dire l’arbitraire d’une volonté qui est imprévisible pour le sujet lui-même.
            Les peuples vivent sur des conventions : la première est de se soumettre aux lois, aux mœurs, aux usages du pays où l’on se trouve (même en qualité d’étranger). Il s’agit d’une véritable mosaïque de pratiques très diverses : elle déploie une « remarquable fantaisie », c’est-à-dire une activité de l’imagination, qui se moque de toute règle, c’est-à-dire qui ne distingue pas entre régulier et irrégulier. Et pour cela, la convention s’appuie sur des riens, par exemple des données indifférentes (un côté ou l’autre de la rivière) ou encore des distinctions propres à l’astrologie, voir le zodiaque. Bref, rien qui touche à une science, c’est-à-dire une connaissance authentique.
            « Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà ».
Problème : les hommes sont pris dans une contradiction : d’une part, ils voient que nos lois sont contingentes et particulières. D’autre part, ils veulent croire qu’il existe non pas une justice plus forte, mais bien LA justice c’est-à-dire la référence. Et cela sous la forme de « lois naturelles ».
            L’histoire humaine nous offre des exemples de touts. Et elle a présenté comme acte de vertu tel ou tel crime = notre histoire a tout justifié. Conclusion : si l’on justifie tout, on perd toute sensibilité au mal, et alors, il ne faut plus parler de justice.  



            D'où trois thèses sur l'essence de la justice :
1-    La force des lois
2-    Le bon plaisir, l’arbitraire
3-    La coutume, c’est-à-dire l’usage, les usages.

C’est le trois qui nous inspire une certaine foi, c’est-à-dire une pratique contingente qui devrait passer, mais elle s’impose, elle persiste, elle fait de nous comme des fidèles. Et pourquoi ? Cela pour une seule raison : nous la respectons, non pas parce qu’elle porterait une certaine rationalité, mais parce qu’elle existe.
            Nous butons sur un faux problème : nous croyons que les lois redressent les torts. La loi n’a qu’une valeur : son existence. Si nous lui prêtons une autre valeur, par exemple une justice absolue, une raison supérieure, nous capitulons devant l’imagination, c’est-à-dire « cette puissance trompeuse, maîtresse d’erreurs et de faussetés ».
Elle nous fait prendre pour réel ce qui n’existe pas.
            Conclusion : il faut cacher la vérité au peuple pour tuer toute forme de soupçon : c’est-à-dire un peuple trompé mais fidèle à la loi sera toujours fiable, loyal et obéissant. D’où la perpétuation de la société, c’est-à-dire la paix. Mais un peuple qu’on veut désabuser ne peut pas savoir que faire de ses lumières. Du coup, ce peuple entrera dans la dispute, c’est-à-à-dire la confrontation, la dissension.

            Paragraphe 295 : « Le cœur de l’homme est plein d’ordure ». Pascal.
Le péché originel a fait de nous des égoïstes. Chacun privilégie son moi = chacun veut s’approprier, même le plus dérisoire. D’où l’usurpation, c’est-à-dire je prétends à un bien qui ne me revient pas = négation de la justice (donner à chacun son dû).
           
            Paragraphe 298 : La justice nous oblige (rapport moral), la force nous contraint (rapport physique). La justice a besoin d’une effectivité. La force a besoin d’une moralité (qui la justifie). Il faut les concilier sous la forme la plus raisonnable. Or, on ne trouve pas deux individus pour s’accorder sur la justice, alors que tout le monde reconnaît la force.
            Conclusion : les hommes n’ont pas pu fortifier la justice. Ils ont donc justifié la force.
            NB : paradoxalement, Pascal serait un des premiers théoriciens de l’idéologie. Il en fait la critique de façon limitée mais réelle. Il dénonce l’ordre établi comme un désordre établi.

            Paragraphe 304 : nous avons deux cas de dépendance par le respect :
a-    d’une manière générale, c’est-à-dire sans faire acception de personnes, nous sommes liés par des cordes de nécessité.
b-    Quand il s’agit d’une personnalité particulière, d’une soumission à une ou plusieurs lois : c’est-à-dire il faut qu’une hiérarchie nous préserve de l’anarchie.
Problème : nul n’obéit à une « autorité en général ».
Conclusion : il faut que les autorités particulières puissent persuader le public et du coup notre esprit est porté à justifier l’arbitraire pur, c’est-à-dire prêter un sens à ce qui n’en a pas (= travail de l’imagination).
            Par exemple : en France, c’est le gentilhomme qui peut accéder aux affaires comme la magistrature etc … mais en Suisse, c’est interdit.
D’où la mise en scène des privilèges, c’est-à-dire le costume, le décorum.

            Problématisation : l’autorité politique n’offre-t-elle pas le spectacle d’un pouvoir qui s’exerce arbitrairement, et a toujours raison de tout ?
Réponse possible : le paradoxe du pouvoir s’éclaire, selon Pascal, quand on comprend que l’arbitraire s’impose non pas par ce qu’il ordonne mais parce qu’il ordonne. Nous aurons à nous demander si la volonté de faire régner par « quelque chose d’incontestable » ne surestime pas le pouvoir pour cela seul qu’il est sans raison : l’ordre n’est pas en toute matière politique. 


Le mouvement du texte se compose d’un premier temps qui livre une constatation et d’un second temps qui en propose l’explication. Pascal constate que l’arbitraire pur a triomphé, et cela contre l’évidence du droit et de la raison. Après quoi il remarque que ce même arbitraire peut décider et par là se fonder, donc se justifier, c’est-à-dire devenir juste.

            La coutume présente de parfaites folies qui constituent comme une seconde nature. Ce sont nos pratiques, nos usages, « notre culture ». Bref, le « monde », l’espace que les hommes composent. D’où le rôle que joue notre histoire (« deviennent »), c’est-à-dire nos pratiques ne sont pas des données immuables, des essences, elles varient, se défont et se refont. Et surtout, certaines résistent à l’épreuve du temps. Et du coup, elles peuvent vaincre la folie des hommes qui se neutralise elle-même et se stabilise en se limitant (l1-2). Il s’agit des hommes et non de l’homme, c’est-à-dore ce qui l’emporte, c’est une infinie diversité, et non un effet de norme spécifique. A la limite, l’homme n’existe pas, mais nous voyons des hommes et toute leur bigarure.
            « Tot capita, tot sensus ». (comparaison n’est pas raison ???)
A ce moment, apparaît l’arbitraire en personne. La question du choix qui retient la personnalité habilité à gouverner.
Les hommes sont d’une infinie diversité. Ils se distinguent qualitativement, et aucun dénominateur commun n’apparaît. D’où la question de l’excellence, ou mieux, l’éminence. Le pouvoir doit revenir à celui qui a le plus de raison, c’est-à-dire qui décidera le mieux. Exercer le pouvoir, c’est gouverner, c’est-à-dire maîtriser le déplacement d’un vaisseau sur un océan de contingences. Pour cela, il faut une compétence de type professionnel (un métier). D’où la notion du « capitaine’ : celui qui est à la tête.
            Que faut-il savoir pour gouverner ce vaisseau qu’est l’Etat ? Fait-il mieux connaître le bien commun ? Ou alors les hommes ? Mais qui peut le prétendre ?
D’où l’analogie brisée :

Conclusion : il n’existe pas d’éminence politique fondée sur la naissance (« la meilleure maison) ». Le dauphin est « primus inter-pares ».
Problème : comment identifier le prétendant légitime ?

            Paragraphe 2 : explication de cet état de fait. Nos pratiques sont déraisonnables, c’est-à-dire absurdes. Mais au fond, c’est une pure apparence. Très souvent, le pouvoir appartient à un individu dont la compétence est fort douteuse. Il la tient de sa naissance. Peut-on en faire un argument et prétendre aux avantages les plus prestigieux c’est-à-dire à la reconnaissance la plus élevée ?
Réponse de Pascal : en faire une loi, serait avouer l’absurde et le professer. On autoriserait, c’est-à-dire on donnerait autorité à un certain ridicule (surestimation de soi, ce qui fait un sot), mais aussi à une réelle injustice).
            Voir Ulpien : « être juste, c’est donner à chacun son dû ».
Pascal – Pensée 414 : « Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie que de n’être pas fou ».
Nous sommes tous corrompus par le péché originel, et du coup, chacun surestime son moi. Nul n’a le sens des proportions. La valeur des choses nous échappe, nous ne pouvons pas penser, c’est-à-dire juger = peser. Ne prétendons pas à une sagesse inaccessible. Assumons notre folie et sachons autoriser l’arbitraire : nul ne peut être chef, mais il en faut un. Notre histoire n’est que le mouvement par lequel l’absurde se justifie. Cette loi devient « raisonnable et juste ».
Deux exigences feraient l’homme de pouvoir digne de ce nom. D’un part, la vertu, c’est-à-dire la moralité (la réduction de l’orgueil). D’autre part, une disposition technique qui identifie les moyens propres à réaliser cette fin. Cette situation conduit à une sorte de guerre de chacun contre chacun qui évoquerait l’ultime dégradation de l’état de nature chez Hobbes. Nous serions dans une phase pré-juridique et régressive, c’est-à-dire avant tout établissement humain, et en manque de cet établissement.
            D’où la recherche de l’ « incontestable », c’est à dire ce qui met fin à toute « dispute » (discussion compliquée en querelle).
L’usage établi se porte sur le dauphin par filiation, « fils ainé du roi ». La filiation est un fait positif. Et du coup l’arbitraire est devenu un ordre comme un commandement.
            Conclusion : la raison ne peut pas dépasser cette limitation de la folie. Elle en tire même une folie assagie : l’homme ne peut pas atteindre progressivement la sagesse, mais il peut limiter sa folie.  Pourquoi ? Il lui suffit de rappeler le spectre de la guerre civile, c’est-à-dire le frère qui tue le frère, et alors nous voyons que tout est bon pour le conjurer. (l’ordre public vaut mieux que toute tentative pour raisonner à contre-sens. Nous pouvons toujours contester les institutions et le pouvoir, mais le risque est grand d’abolir l’état civil et d’avoir à supporter l’état de nature, la grande régression.
            Critique : ce qui compte, ce n’est pas ce que décide le pouvoir, mais le fait qu’il décide. Du coup, il nous faut un pouvoir plutôt qu’une liberté illimitée et en cela tout tiers est exclu, c’est-à-dire ce sera soit le pouvoir absolu dans la monarchie héréditaire de droit divin, soit l’anarchie.
            On peut se demander si Pascal ne réduit pas la justice à l’ordre. Pascal ne dit rien de ce verbe qu’il utilise deux fois : qu’est-ce que le «devenir » humain ? L’auteur ménage une ambiguïté autour de l’idéologie, c’est-à-dire un système de représentation visant à justifier un état de fait (historique, social, culturel).
            par exemple : la monarchie héréditaire est l’idéologie de la féodalité.
A l’origine, une domination s’établit, mais en même temps, un pouvoir arbitraire occupe les lieux et profite de la situation. D’où l’oppression et l’exploitation. Pour Pascal, cette origine ne fait qu’un avec la déraison, la folie des hommes, c’est-à-dire un sage pourrait gouverner mais il lui manquera peut-être l’envie de le faire, ou la libido dominande. Mais Pascal dit aussi qu’il faut accepter le déraisonnable, c’est-à-dire ne pas chercher mieux que l’ordre établi. Le texte est une profession de foi conservatrice, c’est-à-dire l’état de fait est contingent, mais sachons le rendre nécessaire. Tout cela est arbitraire, mais justifions le. Le pouvoir ne peut pas revendiquer une fondation autre que le maintien de l’ordre. Il n’est pas légitime en soi, mais nous le légitimerons. D’une part, Pascal a compris ce qu’est l’idéologie. D’autre part, il se plait à habiter cette idéologie et à l’illustrer. D’où notre question : Antigone peut-elle se satisfaire de ce que l’ordre règne ? Peut-elle réduire la justice à la promesse d’une sécurité collective ? Le juste est-il l’urgence de la survie ? Bref, la légitimité se réduit-elle à la légalité ? Réponse : non.
            Penser, c’est avant tout refuser de réduire le droit au fait.

            Pensée 323 : deux cas :

            1- Que vise le curieux regardant les passants ? Réponse : les gens. Il veut "voir du monde", ils "sont là". Bref, on ne vise personne en particulier. Il n'y a donc pas de moi, c'est-à-dire pour le poste d'observation, autrui est un sujet indéterminé.
            2- L'amoureux vise l'être aimé, c'est-à-dire quelqu'un en particulier. On s'attendrait à une situation diamétralement opposée. Néanmoins on retrouve presque les mêmes effets, c'est-à-dire autrui = un sujet indéterminé.

            On suppose un moi qui existerait au delà de certaines qualités (physiques, morales etc …) Mais, il faut être honnête, c'est-à-dire nommer ce moi de son vrai nom. Ce sujet serait une substance = un support invariable, identique à lui-même et présent sous une multitude d'apparences successives = les accidents (ce qui affecte cette substance).
            Or, cette prétendue substance se réduit à une abstraction c'est-à-dire on la détache par une simple illusion de tout ce qui est connaissable.
            Double conclusion :
            a- le moi n'existe pas autrement que comme pure combinaison de qualités
            b- chacun est condamné à l'inauthenticité. Je trompe autrui, et en même temps je me trompe, c'est-à-dire je m'entretiens dans l'illusion que j'existe comme une personne = un sujet unique et irremplaçable. "Chacun se la joue".
           
            Si nous sommes lucides, nous cesserons d'accuser le pouvoir avec ses insignes, ses emblèmes, ses symboles, ses cérémonies extérieures. Bref, la tromperie qu'il organise.
            NB : critique possible : Spinoza, le désir constitue son objet dans un mouvement quasi créateur. Pourquoi ? Le désir n'est pas expression d'un manque, mais activité vitale qui affirme une existence en utilisant telle ou telle rencontre comme un moyen pour développer cette même existence. 

            Pensée 324  : Où est la sagesse ?
Réponse de Pascal : elle ne consiste pas à penser sous la forme de la contestation, mais à suivre le train du monde.
            1- Le peuple évite l'angoisse, c'est-à-dire le sentiment de sa propre vacuité en recherchant le divertissement, c'est-dire ce qui détourne l'attention. Il préfère la chasse à la prise, c'est-à-dire l'activité et le changement plutôt que le repos ou l'état. D'où les railleries des "demi-savants" = les demi-habiles, c'est-à-dire les contestataires qui en profitent pour stigmatiser la folie universelle. En fait, c'est bien cette même folie qui "a raison". Les contestataires se surestiment.
            2- Il y a une sorte de "sagesse populaire". Il faut un pouvoir et des repères incontestés, même si cette autorité tient par le dehors, c'est-à-dire simple surface sans profondeur.
            3- Honorer les conventions sociales, c'est-à-dire ce qui tient le corps politique et le préserve de la dissolution. Pour Pascal les préjugés sont fédérateurs. Il faut avoir déjà jugé pour être à l'abri des erreurs de jugement. Grâce aux préjugés, on pense pour vous.
            4- Courir des risques et même les provoquer, c'est-à-dire aller au devant.
            par exemple : lancer un défi à l'océan, ou se moquer de l'imagination qui domo le vertige et s'imposer de passer sur une planche entre les deux tours de Notre-Dame.

            Pensée 325 : Pascal contre Montaigne : il faut respecter la coutume, mais ne pas lui prêter une pertinence qu'elle n'a pas. Montaigne croit juste cette coutume, le peuple de même. Mais en fait, la coutume n'a qu'un mérite, elle existe. Et du coup, elle comble un vide insupportable (celui du repère introuvable).
            Paragraphe 2 : la soumission aux lois repose sur un argument classique : ce qui résiste à l'épreuve du temps est fondé (en raison). Le peuple ne distingue pas entre durée et pertinence. Pour lui, ce qui dure est justifié.
            Conclusion : il faut se méfier de la relativité, c'est-à-dire on peut toujours ridiculiser une loi. La contestation consiste à modifier la perspective, c'est-à-dire ce qui paraissait justifié devient aberrant.
           
            Pensée 326 : Il ne faut pas détromper le peuple, le désiller. Il faut l'entretenir dans l'illusion d'une soumission fondée. La justice donne à chacun son dû c'est-à-dire elle donne la soumission au peuple = la condition de la paix et d'un certain bonheur.

           Pensée 327 : schéma :
                                                          grandes âmes
                                                          dévots
            habiles                                    habiles
            demi-habiles                           demi-habiles
            peuple                                                peuple

Tripartition de la société :
1- Le peuple : il fait un certain ordre social, parce qu'il croit au caractère sacré des lois (1er degré).
2- Les demi-habiles contestent cet ordre, mais ils n'ont pas compris les risques auxquels ils exposent la société = ils se surestiment.
3-  Les habiles = ceux qui utilisent au mieux l'ordre social. Ils reconnaissent leurs limites, c'est-à-dire ils savent qu'ils ignorent la vraie justice (absolue). D'où la reprise d'un concept médiéval : la docte ignorance c'est-à-dire l'autocritique la plus poussée : "une ignorance savante qui se connait".
            Voir la profession de foi socratique : "je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien".

            Pensée 328 : "L'homme est vain" c'est-à-dire il vit dans l'ignorance, il se débat dans le néant, un vide dont il fait quelque chose.
            Voir l'imagination, "puissance trompeuse".
D'où une sorte de non-sens qui fait la relative "santé" du peuple, c'est-à-dire la masse ne conteste pas, elle perpétue l'ordre établi. Mais en fait, ce même peuple ne sait pas où est la vérité : il a raison mais pour de mauvaises raisons = il sacralise les lois parce qu'il les croit justes, mais elles ne le sont pas.
Conclusion : en fait, les opinions du peuple sont très "malsaines" c'est-à-dire cette santé des esprits demeure instable.

            Pensée 335 : "tout le monde est dans l'illusion"
Le train du monde, la ronde universelle suppose un leurre auquel nous croyons tous. le peuple sacralise les lois. Les demi-habiles les désacralisent. Il reste la "caste" des habiles, c'est-à-dire une société fermée qui ne se fait pas d'illusion mais possède un art très particulier pour se replonger dans l'esprit ambiant et se réconcilier avec les deux autres éléments du corps politique.
            Conclusion : Pascal peut dénoncer une illusion parce qu'il la manipule.
Voir 336 ; "la pensée de derrière". Le point de vue supérieur c'est l'ignorance savante qui se connait, c'est-à-dire une pensée qu'on ne livre pas, on la garde pour soi, on ne s'en vante pas. Ce n'est pas bassesse, ni orgueil mal placé, ou surestimation de soi, c'est le fait d'un esprit sans illusion et qui accepte une folie universelle.

            Pensée 337 : Conclusion : On peut distinguer 5 niveaux dans la société selon une gradation :
            1- Le peuple croit à la valeur objective des gens biens nés
            2- Le demi-habile y voit un objet de mépris, ils expliquent les privilèges de la filiation par le "hasard", c'est-à-dire une rencontre fortuite, c'est-à-dire pourquoi tel homme plutôt que tel autre ? Aucune raison de préférer celui-ci à celui-là.
            3- Les habiles, c'est-à-dire un apparent retour à l'esprit du peuple, mais en fait, une remarquable distance, ("la pensée du derrière"). L'autorité établie n'a rien en soi pour elle, mais elle a le mérite d'exister.
            4- Les dévots : en apparence, ils valent mieux que les habiles puisqu'ils introduisent la notion d'une providence, mais ils méprisent le pouvoir comme un vulgaire exécutant, un simple bras séculier.
            5- Les "chrétiens parfaits" rejoignent le peuple mais "par une autre lumière supérieure". L'ordre a quelque chose de divin pour eux. 

lundi 28 mars 2011

DG - Structure et organisation

2-La structure et l'organisation


Spécificité des chapitres
            Le Tome III des Mémoires de Guerres, comme les tomes I et II, est divisé en chapitres. Il en comporte 7 - un de moins que les tomes précédents. Ces sept chapitres s'imposent comme deux ensembles distincts dès leur présentation en table des matières: quatre substantifs précisés par un article défini, suivis de trois autres sans déterminant et à un préfixe négatif. Toutefois leur véritable spécificité est établie sémantiquement. Leur titre, en effet, les caractérise soit comme un événement soit comme un thème.
            Le tableau ci-dessous précise les dates et les sujets qui permettent de distinguer ou d'associer ces différents chapitres:

Chapitre éventuels
Dates
Sujets
Ch. 1 : "La Libération"
Sep. 1944 - Nov. 1944
La libération de la France
Ch. 4 : "La Victoire"
Oct. 1944 - Mai 1945
La participation des armées françaises à la défaite de l'Allemagne
Ch. 7 "Départ"
6 Nov. 1945 - 19 Jan. 1946
Le retrait du pouvoir du Général De Gaulle
Chapitres thématiques


Ch. 2 : "Le Rang"
23 Oct. 1944 (P. 58) - Avril 1945
Politique étrangère : l'activisme diplomatique du Général De Gaulle pour la grandeur française
Ch. 3 : "L'Ordre"
Hiver 1944 (p. 114)  - Avril 1945
Politique intérieure : L'activisme réformateur provisoire du Général De Gaulle
Ch. 5 "Discordances"
Juin 1945 - Oct. 1945
Politique étrangère : une victoire mal réglée par l'hégémonie américaine
Ch. 6 : "Désunion"
15 Mai 1945 - 21 Oct. 1945
Politique intérieure : Partis de gauche et syndicats contre De Gaulle

Les chapitres événementiels
            Ces trois chapitres se rapportent à trois événements majeurs de la période 1944-1946. "La Libération" développe un récit limité aux lendemains les plus immédiats de la Libération: "Depuis que paris est repris, dix semaines se sont écoulées" (p.54). Ce qui est raconté ce situe entre septembre 1944 et le début du mois de novembre 1994. "La Victoire" s'ouvre en évoquant "les coups décisifs" que "les alliés de l'Ouest" préparent "à la mi-automne" (p. 159). À travers des étapes narratives datées avec précision et formant une suite chronologique de mois en mois, d'octobre 1944 à mai 1945, on parvient, à la fin du chapitre, à la victoire du 8 mai 1945 : "J'en ai fait l'annonce, par la radio, le 8 mai à trois heure de l'après-midi" (p.213). "Départ" est le plus bref des chapitres. Ce qui y est raconté permet de suivre exactement le calendrier de la démission du Général De Gaulle du 6 novembre 1945 au 19 janvier 1946 et de poser quelques dates sur les mois qui ont suivi son départ du gouvernement et de son retour à Colombey-les-deux-églises.

Les chapitres à objet thématique
            Au-delà des précisions chronologiques qui rattachent ces chapitres à l'histoire rapportée des années 1944-1946, on découvre dans chacun d'eux un thème conducteur dominant qui construit une réflexion de politique étrangère ou de politique intérieure.
            Les chapitres "Le Rang" et  "L'Ordre" font se succéder ces deux types de réflexion autour du thème de redressement national. "Le Rang" s'attache à la lutte diplomatique menée pour permettre à la France de "prendre part à la victoire"  et de "redevenir une grande puissance" (p.103). "L'Ordre" développe la méthode gaullienne pour "la reprise de la vie normale" (p. 114) dans une France "début de […] convalescence" (p.143). Le chapitre sert à illustrer la volonté du Général de "gouverner à coups d'initiatives, de risques, d'inconvénients" (p. 115).
            Il en est de même pour la suite des chapitres "Discordances" et "Désunion" qui restent centrés sur le thème de "l'ordre des choses humaines" (p.244) défini, "dès lors que la guerre cessait" (p. 244), comme l'inévitable montée des "intérêts", des "préjugés" et des "antagonismes" (p.244). "Discordances" met en lumière le renoncement des grandes diplomaties à "l'harmonie mondiale" (p.250) et l'installation de la "rivalité [entre le] monde libre et [le] monde soviétique" (p. 250), avec le partage du monde en deux blocs. "Désunion" éclaire cet "ordre des choses humaines" d'un point de vue non plus international mais national, en soulignant et condamnant l'"infirmité" et la "décadence" des partis (p.286), "leur désir de disposer de l'Etat" (p.324), au travers de la consultation référendaire et électorale d'octobre 1945.

Spécificité des documents et cartes:
Comme les tomes I et II, le tome III des Mémoires du Général De Gaulle possède en annexe une importante suite documentaire, constituée d'éléments d'archives très variés: discours, lettres, télégrammes, conférences, entretiens, ordonnances, cartes… Ces pièces servent à authentifier le contenu historique du texte et à valider ainsi le témoignage du mémorialiste. Mais il faut aussi leur reconnaître une fonction éclairante pour certains épisodes du Salut. On peut en particulier relever les trois entretiens du Général De Gaulle avec Staline (pp. 392-409) et celui avec Harry Hopkins, envoyé spécial du président Roosevelt (pp. 428-432). Ces documents permettent de cerner de façon très détaillée les points d'affrontements entre les protagonistes. Les allocutions publiques du Général (ex. : pp. 351-361 et pp. 479-484) viennent éclairer quant à elles, ce que Le Salut restitue de son exceptionnelle popularité. La lecture que l'on peut en faire dans les "Documents" fait accéder à la grande éloquence gaullienne comme clef de la force des enthousiasmes publics souvent évoqués dans les chapitres du Salut.

Les structures d'un double drame:
            À la fin du premier paragraphe de "L'Ordre", Charles de Gaulle se compare, pour le redressement de la France, à "Macbeth devenant la marmite des sorcières" (p.113). Il associe par là sa mission politique et militaire aux complexités du tragique Shakespearien. Les structures du tome III et de ses Mémoires de guerre invitent aussi à établir des analogies avec le théâtre et plus particulièrement avec les principales forces agissantes de l'action dramatique: un objet autour duquel se noue l'action de premiers et seconds rôles pour en achever le règlement.
            On a, certes, un drame assez complexe à décrire en termes d'unité. Il en présente, en effet, le jeu d'un objet central, la reconstitution de la grandeur nationale et internationale de la France, sous la direction de Charles de Gaulle, qui se clôt en deux dénouements successifs et contraires: victoire et départ/démission. Cet aspect du texte éclaire ainsi plutôt la succession de deux drames : le premier met en jeu des forces agissantes de guerre (quatre premiers chapitres), le second des forces agissantes de paix (trois derniers chapitres).

Le drame de la fin de la guerre:
            L'exposition du drame et de ses acteurs se fait dans " La Libération". À la fin de cette ouverture, l'objet dramatique est clairement indiqué : "La France en guerre se retrouve chez elle. Il s'agit, maintenant, qu'elle reparaisse au dehors" (p.55). L'action qui s'engage à pour finalité un retour à la grandeur. Le nœud de l'action s'inscrit dans le chapitre suivant, "Le Rang", avec l'offense de Yalta : de Gaulle, bien que le Gouvernement provisoire de la République française ait été reconnu par les Alliés "en bonne et due forme" (p.58), n'a pas été invité à participer à cette conférence destinée à organiser le monde d'après la victoire. Roosevelt est celui des "Trois" (p.101) qui s'y est opposé (les deux autres étant Staline et Churchill). La figure du président des Etats-Unis devient ainsi celle d'un opposant à la "juste place" (p.160) de la France. Ce parti pris Américain stimule les efforts diplomatiques et militaires du Général De Gaulle " pour que la France s'affirme dans les débats et les décisions qui suivront les hostilités" (p. 261) La disparition de Roosevelt, en avril 1945, renforce sa position. Il souligne lui-même la dimension théâtrale des fins de conflits : " il en est de la guerre comme de ces pièces de théâtres où, à l'approche du dénouement, tous les acteurs viennent sur la scène" (p. 196). Tel qu'il "se joue" dans Le Salut, le dénouement qu'est la victoire alliée résout favorablement pour la France la problématique initiale, posée dans le premier chapitre. En effet, la France participe finalement aux côtés des Trois à la signature de la reddition du Reich. C'est la victoire gaullienne du 9 mai 1945, une victoire militaire et une revanche sur Yalta : "Le 9 mai, le général de Lattre prend place aux côtés des délégués militaires des grandes puissances alliées, sous une panoplie où le tricolore figure avec leurs drapeaux. À l'acte final de la capitulation allemande, le représentant de la France est signataire, comme ceux de la Russie, des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne" (p. 213). Le drame se termine ainsi par un "Bien joué !" pour de Gaulle.

Le drame de la paix et du renouveau
            Dans le second volet dramatique que présente les trois derniers chapitres du Salut, la problématique d'ouverture est précisée comme une exploitation opportune de "la période nouvelle" pour "entamer l'exécution du vaste plan […] formé" par de Gaulle "pour [son­] pays" (p. 215). Les objectifs internationaux de ce plan consistent en la paix et la force de l'Europe dont il faut faire "une des trois puissances planétaires" (p. 216) avec les USA et la Russie, et aussi en l'aménagement pour la France des voies de la colonisation : "obtenir que l'Union Française se transforme progressivement en libre association" (P;216). Les objectifs nationaux sont d'ordres économiques et institutionnels : de Gaulle est « en charge d'un pays ruiné, décimé, déchiré, encerclé de malveillance" (p.283). Le plan de redressement est un plan "de simple bon sens" (p.293), à savoir "une politique […] d'équipement et de modernisation" (p.284)
            Les complications qui apparaissent dans les "Discordances" et "Désunion", pour  la réalisation de ce plan tiennent à des rapports de force politiques :
            -   Sur le plan international, le nœud de l'action est situé dans la détermination des Grands à la relégation internationale de la France et dans la résolution du Général De Gaulle "de ne pas les laisser faire" (p.215).
            -   Sur le plan intérieur, le noeud de l'action de ce drame de la paix est inscrit dans "prétention des partis" (p. 287) à "disposer de l'Etat" (p.324) et à en éloigner de Gaulle, qui, lui, revendique de « demeurer le champion d'une République ordonnée et vigoureuse" (p.324). Il engendre comme une passe d'arme où les partis " [lèvent] leur bouclier" (p.305) et de Gaulle "engag[e] le fer" (p.308). Le dénouement est contenu dans ses mots du dernier chapitre :"démembrement du pouvoir de Charles De Gaulle" (p.335).
            Ces deux séquences dramatiques, sur les thèmes "guerre et paix" et "renaissance et éviction", renforcent les effets d'ambivalence du contenu mythique  du Salut.

Les structures d'un double mythe
             Le Salut apporte un contenu imaginaire, fait de représentations sublimes, qui semble orchestrer un passage de l'historique au mythique, mais l'inverse. L'ouverture des Mémoires de guerre initie le lecteur à cette imaginaire et à cette préséance du mythique à l'historique : "toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Ce qu'il y a, en moi, d'affectif imagine naturellement la France tel la princesse des comptes ou la madone et aux fresques des murs comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J'ai, d'instinct, l'impression que la Province la crée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires" (t. I L'Appel).

La dualité héroïque
            L'héroïsation qui caractérise le mythe se fait, dans le tome III, des Mémoires, autour de la France et du Général De Gaulle. Dès la première page de "La Libération" on voit que « l'être vivant d'une nation prend corps par le texte", selon les termes de Régis Debray. L'imagination du lecteur est, en effet, invité à la vision du "corps bouleversé de la France" (p.7). La France devient ainsi un être vivant. Dans ce commencement, l'auteur introduit aussi sa propre personne en "personnage quelque peu fabuleux, incorporant aux yeux de tous, cette prodigieuse libération" (p.10), et jugé capable " [d'] accomplir par lui-même tous les miracles attendus" (p.10).

Le caractère polymorphe de ce double mythe
            Trois types d'images maintiennent la dimension mythique de la France :; des images pathétiques, des images profanes, des images célestes.
            -   Les images pathétiques se rapportent au corps blessé ("le corps bouleversé de la France", p. 7), à la captivité ("la France reparaissait libre et vivant" p. 70 "on la regardait encore comme une captive énigmatique", p. 250), à la femme offensée ("vous avez outragé la France […] cela ne peut être oublié", p. 263)
            

Un grand merci à Barbara !