samedi 12 février 2011

Un lieu symbolique : la cabane


Un lieu symbolique : la cabane

            - Un lieu naturel

La cabane de Sainte Colombe est une construction humaine mais qui semble faire partie intégrante de la nature environnante.
            Elle est installée au cœur du jardin, dans les branches mêmes du mûrier et faite de planches de bois brut (opposées aux lambris de Versailles).
De plus, ceux qui veulent saisir les airs du musicien, doivent se cacher dessous, se retrouvant assis « dans l’herbe, dans l’ombre et les racines ». Il donne à sa cabane le nom de « vorde ». La cabane semble réunir en elle tous les éléments de la nature : eau, terre, arbres : comme une sorte de microcosme entre ciel et terre. Dans le film les fenêtres sont obstruées par une membrane de peau translucide, comme si on état dans un organisme vivant.

            - Un lieu de recueillement

Sainte Colombe a besoin d’un lieu à l’écart des hommes, pour se consacrer à la musique.
            Il aurait cependant aussi bien put jouer dans sa maison, mais il ne voulait pas déranger ses filles. Le roman fait ainsi de la cabane, un lieu clos et protégé.  Elle apparaît comme une pièce très resserrée, filmée majoritairement en plans rapprochés (saut quand sa femme est là : elle semble apporter un peu d’espace). Les fenêtres laissent passer peu de jour et ne permettent pas de voir à l’extérieur.
Ses filles n’ont pas le droit d’y entrer, et s’arrêtent sur les premières marches de la cabane.
            La cabane préserve le secret de l’artiste, puis celui de l’époux, après la visite de sa femme.  C’est finalement bien plus dans cette cabane que s’accomplit la vie de Sainte Colombe. Celle-ci est d’ailleurs plus perméable qu’il n’y paraît : elle finit par s’ouvrir à Marais et au monde, lorsqu’il lui confie quelques airs.  

            - Un lieu d’initiation

La cabane est enveloppée d’une sorte d’aura sacrée qui la relie à certains rites traditionnels initiatiques.
            Elle représente la démarche de retraite, préalable à l’initiation. Son installation est d’ailleurs présentée comme une sorte de procession : chacun traverse le jardin, en portant un objet, comme s’ils étaient sacrés. De plus, pour s’en approcher de l’extérieur, il faut une sorte de fil d’Ariane : que ce soit Madeleine ou le « son de la viole ».

            Cette cabane connaîtra deux initiations, aux rites particulièrement ressemblants :

- L’initiation de Monsieur de Sainte Colombe 
            Dans cette cabane, après une longue étape de deuil et de dépouillement, « il avait renoncé à toutes les choses qu’il aimait sur terre », il va avoir accès à un autre monde, une autre temporalité en voyant sa femme apparaître.
La première visitation a d’ailleurs lieu après un bain dans la rivière, qui peut symboliser une purification, un baptême mais aussi le passage par une mort symbolique puisqu’il « y ensevelissait son visage ». La cabane, quant à elle avec ses planches de bois brut évoque plutôt un cercueil. Le rêve précédant la visitation rappelle aussi les croyances antiques/bibliques selon lesquelles le songe est une voie pour communiquer avec les morts.
            Dès lors, le Tombeau des regrets devient une sorte d’appel, la manière de héler son épouse. Ainsi, elle apparaitra « tandis que le chant montait ». Mais avant cela, le musicien doit remplir un autre rite : une sorte d’offrande aux morts : il va chercher gaufrettes et vin.

- L’initiation de Marin Marais
            Elle va se révéler plus longue et douloureuse, laborieuse et semée d’échecs est d’exclusions. Le jeune musicien semble vouloir s’emparer du travail de son maître de force, sans être prêt.
Dans le tout dernier chapitre, on a l’impression d’une multiplication des étapes : les épreuves du froid et de la nuit d’abord, puis une série de rites d’admissions : « approcher son oreille d’un interstice entre les lattes de bois ». Il ne comprend alors pas ce qu’il entend. Puis Sainte Colombe l’admet dans la cabane en deux temps : il « entrouvre la porte en la poussant avec son archet », puis il « pousse tout à fait la porte de la cabane ».
            Comme tout initié Marin doit alors se soumettre à une sorte d’examen, sous forme d’interrogations. Après seulement pourra commencer la véritable initiation, signifiée par la poignée de main, la descente à la cave, le fait que le gambiste lui confie la viole de Madeleine mais surtout le cahier rouge. (La transmission du cahier est d’ailleurs filmée de manière très solennelle). L’initiation se fera ensuite dans les larmes et le sourire partagé, comme pour le gambiste et sa femme.
            Toute initiation peut être considérée comme une nouvelle naissance :
La cabane de Monsieur de Sainte Colombe est à la fois un cercueil et un utérus, lieu où de la mort surgira une nouvelle vie, celle de Madame de Sainte Colombe et de Marin Marais, enfin initié à la vérité de la musique. 

3 commentaires:

  1. Merci pour ce commentaire détaillé qui m'a beaucoup aidé

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  2. ce commentaire est très clair,compréhensible!merci pour le travail que vous fournissez,ça m'aide beaucoup dans mes revisions!

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