mardi 31 mai 2011

Travail / technique - P.


APERÇU SUR LA TECHNIQUE ET LE TRAVAIL

            Deux questions très proches mais irréductibles l’une à l’autre. La technique = la question des procédés, les moyens qui rendent possibles la réalisation d’une fin. Le travail c’est la question de la peine qui accompagne cette procédure et qui affecte aussi un groupe social qu’un individu. Distinction des deux questions : on peut imaginer une technique qui réduit le travail à zéro. Exemple : le machinisme poussé à l’extrême.
Réciproquement, on imaginera un travail qui réduit la technique à zéro, c’est-à-dire qui se dépense mais en pure perte, et sans réel égard pour une fin. Problématique commune : dans les deux cas, il s’agit de faciliter la vie = de dépasser la simple survie (quasi animale). Cette promesse est-elle tenue ?

            1- Sens

            L’homme transforme la nature à son profit, c’est-à-dire pour satisfaire ses besoins. Voir Aristote : « La technique achève ce que la nature n’a pas mené à bien ». Par exemple l’homme n’est pas pourvu comme les animaux. Il est le plus démuni. D’où le rôle du vêtement, de l’habitation, de l’outil, mais aussi de la parole, de la monnaie et globalement de la cité, c’est-à-dire l’unité collective sans laquelle l’homme est soit une bête, soit un dieu.
            Cette technique suppose une peine particulière : le travail, ce qui distingue l’homme de l’animal. L’animal agit de façon immédiate = par instinct. L’homme agit par médiation, c’est-à-dire par détour = calcul, planification qui suppose un recul, donc raison et liberté. « Ce qui distingue du premier coup l’architecte le plus maladroit de l’abeille la plus experte, c’est que le premier a construit la maison dans sa tête avant de la faire dans la cire ». Marx.
            L’homme progresse par sa perfectibilité, voir Rousseau : faculté d’accumuler les progrès indéfiniment.
            Critique : Nous serions face à un « progrès », c’est-à-dire une marche en avant qui serait la seule loi de l’histoire. L’homme vivrait de mieux en mieux. Or, nous voyons le contraire, c’est-à-dire nous observons des progrès (partiels) mais tout cela s’accompagne de régression. Par exemple des occultations (on ne voit plus un mal qu’on voyait un siècle plus tôt). On a perdu cette sensibilité au mal.

            2- Non-sens

            Technique et travail auraient favorisé l’apparition d’une certaine absurdité c’est-à-dire d’une contradiction vécue .
            Sur le plan technique : la technique a rompu avec le modèle antique, médiéval, Voir Descartes : « Nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ». Pour les Anciens, la sagesse consistait à s’intégrer au cours naturel des choses : « vivre conformément à la nature ». Pour les modernes, il s’agit de la domestiquer c’est-à-dire de l’utiliser pour rendre l’humanité plus forte.
            Exemple : guérir les maladies, en finir avec les famines, mais aussi utiliser les forces naturelles pour réduire les peines des hommes. La technique réduirait le pénible (?).  Voir Descartes : grâce aux divers artifices, « on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y rapportent ». La technique moderne veut servir l’homme. Ce projet est humaniste = il place l’homme au centre de la vision du monde = anthropocentrisme.
            Réponse de Heidegger : cette vision nous conduit à l’absurdité. Pourquoi ? Le Rhin a été une œuvre d’art, par exemple le titre d’un poème de Hölderlin. Aujourd’hui, c’est un séjour pour les touristes, et un lieu où l’homme construit des barrages hydrauliques. Autrefois, on utilisait la force de l’eau ou du vent en passant. Aujourd’hui on procède au stockage de l’énergie. « Le fleuve est muré dans la centrale ». Heidegger. Le grand danger, c’est moins le nucléaire que la volonté humaine. La volonté se porte vers un objet qui est elle-même. = la volonté est volonté de volonté. La chose est perceptible déjà chez Descartes. Pourquoi ? Le cogito est un volo, c’est-à-dire « je veux ». Le cogito présuppose le libre arbitre. D’où un renversement spectaculaire, pour les Anciens, impossible de réduire l’être à l’étant, c’est-à-dire à son participe présent. Pour les modernes, l’être se réduit à l’étant c’est-à-dire la grande question devient une pure forme de disponibilité (être prêt à servir, sous la main). L’être une question : pourquoi existe-t-il quelque chose plutôt que rien ?

            (Critique ?) : Le travail n’est plus une distinction franche entre deux conditions politiques : d’une part le citoyen (libre). D’autre part, l’esclave. Voir Marx : le capitalisme a inventé l’occultation de la plus-value = le travail (non payé). Voir le fétichisme de la marchandise c’est-à-dire le problème de la valeur d’échange = la réification qu’elle suppose. Toute marchandise apparaît sur le marché comme un produit fini. Le travail vivant est devenu invisible. Cette illusion achève et parfait la dissimulation propre au mode  de production capitaliste. L’employeur fait croire qu’il achète du travail, mais en fait, il achète la force de travail : la liberté humaine : l’inaliénable. Solution de Marx : la société sans classes = abolition de toute distinction entre posséder et travailler. 

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