Chapitre C Deux grands modèles idéologiques :
Les Etats Unis et l'URSS dans les années 50 et 60
Comment expliquer la formidable attractivité et l'opposition des modèles américains et soviétiques ?
1- Le modèle américain
a- Un idéal démocratique et libéral
La démocratie est fondée sur la Constitution de 1787, la plus ancienne au monde (bien que très courte). Elle organise une stricte séparation et l'équilibre des pouvoirs dans le cadre d'un régime démocratique et présidentiel.
- Le président : élu pour 4 ans, rééligible 1 fois incarne l'exécutif. Depuis Roosevelt, ses prérogatives se sont beaucoup accrues, on parle même de " présidence impériale ".
- Le Congrès formé de la Chambre des Représentants et du Sénat incarne le pouvoir législatif.
- Le pouvoir judiciaire appartient à la Cour Suprême (juges -9- nommés à vie par le président.)
Le modèle américain est aussi fondé sur le fédéralisme : chaque état dispose de compétences considérables entre les mains d'un exécutif local : un gouverneur. ( moyen pour devenir président : être gouverneur OU sénateur ).
La presse, le fameux 4ème pouvoir dispose d'une influence considérable comme le montre l'affaire du Water Gate.
La vie politique est quant à elle basée sur deux partis :
- Le parti démocrate (les bleus) est plus favorable à l'intervention de l'Etat et au développement de la protection sociale. Il apparait aussi comme le parti des minorités (Juifs, Noirs, Asiatiques, Irlandais …) Quelques présidents démocrates : Truman, Kennedy, Johnson …
- Le parti républicain apparait plus conservateur, belliqueux et croit d'avantage aux vertus du marché. Attire d'avantage les suffrages des WASP (White Anglo Saxon Protestant). Quelques présidents républicains : Eisenhower, Nixon … )
La Constitution et les 10 premiers amendements garantissent les libertés fondamentales, politiques mais aussi religieuses. Elles s'appuient sur la tradition des pionniers du 17ème siècle, la tradition libérale britannique (Habeas Corpus) et enfin l'héritage des pères fondateurs (Franklin, Jefferson…) inspirés des Lumières.
Modèle économique : répond à la même logique et affirme principe de libre entreprise. Chacun peut par son travail et sa motivation atteindre la richesse. ➞ Richesse : principal critère de la réussite sociale et de l'élection divine.
S'ajoutent d'autres valeurs : optimisme, confiance en soi, patriotisme, ferveur religieuse.
b- L'attractivité de l'American way of life
Attractivité des USA : vient de son modèle politique. Toutefois encore plus liée à la prospérité insolente du pays après la guerre dans un monde marqué par les pénuries. Guerre : a fait définitivement sortir USA de la crise des années 30. Elle leur donnent même une avance technologique et une puissance financière sans précédent.( Bretton Woods) Durant cette période de forte croissance, USA développent un style de vie fait de confort matériel et de consommation de masse.
L'American way of lie se développe d'autant plus facilement qu'USA développent une culture de masse accessible au monde entier. Films réalisés par Hollywood répandent des valeurs comme : réussite individuelle, optimisme.
Diffusion de ce modèle : constitue une arme idéologique redoutable dans le cadre la Guerre Froide.
c- Les limites du modèle
Modèle Américain : présente pourtant qqes contradictions :
- Les libertés dont on se réclame sont parfois bafouées. C'est le cas au début des années 50 avec la "Chasse aux sorcières" . Lancée par le sénateur Joe Mc Carthy elle vise toute personne suspectée de sympathie communiste. Une vague d'hystérie s'empare du pays et se traduit par un climat de suspicion et de délation généralisée.
- Société Américaine : reste profondément inégalitaire ⋍ 1/4 des personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Pour majorité des Américains, leur situation relève de l'échec individuel et non pas d'une responsabilité collective.
- A cela s'ajoute le "pêché originel" de l'Amérique : héritage de l'esclavage et la ségrégation raciale, présente dans les états du " deep South " (vieux Sud). Mais la lutte pour les doris civiques se développe sous l'influence du pasteur Martin Luther King. Face à l'image désastreuse de la ségrégation dans le monde, le Président Eisenhower n'hésite pas à imposer la loi fédérale aux états récalcitrants (Arkansas). Président Kennedy : lance politique de réforme contre la discrimination raciale et le chômage : c'est la nouvelle frontière.
Après son assassinat en novembre 1963, son successeur Johnson mène à bien son programme : Medicare, Medicaid et l'intégralité des droits civiques pour les Noirs. Mais progrès n'empêchent pas déferlement des violences ethniques dans les grandes villes (émeutes de WATTS à Los Angeles) Volonté de pacifier la société américaine semble avoir échouée. ( mais faux )
- Par ailleurs, contestation de la jeunesse américaine fait émerger une contre culture qui dénonce la société de consommation pourtant au coeur du modèle américain, mais aussi la société extérieure des USA ( ex : HAIR)
L'Amérique parait alors remise en cause. Mais le rêve américain n'est pas mis à mal comme le montre le déferlement migratoire après que Johnson ait libéralisé l'accès au pays en 1965.
- déclaration du Président Nixon -
Déclaration du 15 aout 1971. USA traversent période difficile liée au rejet de la guerre du Vietnam, mais aussi à l'essoufflement des Trente Glorieuses.
Nixon : candidat malheureux face à Kennedy en 1960, élu 8ans plus tard.
Ce que Nixon dit : suspension de la convertibilité or-dollar. Car :
- l'inflation des années 60 a stimulé croissance en favorisant endettement des entreprises, mais a aussi conduit à une crise de confiance et au gonflement de la masse monétaire.
- demandes de conversion en or plus fréquentes (De Gaulle, 1965 et 1966).
De ce fait : stock d'or a tendance à fondre : 1960 : encore 50% du stock mondial
1968 : 33% seulement.
Mesure destinée à : - éviter manoeuvres et spéculations des autres PDEM.
Conséquences : - monnaies qui se définissent selon système "de changes flottants".
- capitaux s'orientent vers spéculation monétaire plutôt que vers investissements productifs.
- peut être origine de la dépression contemporaine.
2- Le modèle soviétique
a- Un idéal égalitaire et volontariste
Issue de la revolution d'Octobre 1917, L'URSS (Union des Républiques Sociales Soviétiques) est un état qui se réclame du communisme (du marxisme-léninisme). Il entend créer une société universelle et égalitaire, débarrassée de l'exploitation de l'homme par l'homme. ( A noter que le nom du pays ne fait référence à aucune nation, ce qui témoigne de son caractère universel). Ce modèle optimiste repose sur l'idée que tout peut se transformer, aussi bien la Nature et l'Homme plus encore. Ce volontarisme se traduit par de gigantesques projets d'aménagements de l'espace (détournements de fleuves en Asie Centrale …) et industriels (combinats géants …) Surtout, on cherche à créer "l'Homme Nouveau", dévoué à la collectivité et capable de se lancer dans toutes les entreprises pour l'émancipation de l'homme. Youri Gagarine, 1er homme de l'espace en 1961 illustre la conception du "héros socialiste".
Cette image de progrès économique et social irrésistible et la victoire sur le nazisme suscitent une véritable fascination dans le monde. En Occident, deux catégories sociales y sont particulièrement sensibles :
- les intellectuels s'engagent en masse auprès des partis communistes, notamment en France et en Italie (Arago, Picasso, Sartre …)
- mais surtout les ouvriers qui fournissent les gros bataillons militants et électoraux. Ils considèrent que l'URSS est le paradis des travailleurs. Enfin les peuples colonisés peuvent trouver dans l'URSS un soutien et un modèle alternatif (Hô Chi Minh)
L'écrasement de l'insurrection hongroise, en 1956, le rapport de Khrouchtchev (successeur de Staline) et surtout, la fin tragique du "Printemps de Prague", en 1968 altèrent toutefois gravement la séduction du modèle soviétique.
b- Un pouvoir totalitaire
Pour parvenir à ses objectifs ambitieux, le pouvoir est concentré dès l'origine dans les mains du Parti communiste (PCUS). Il incarne la "dictature du prolétariat". Une phase théoriquement provisoire, destinée à briser les résistances bourgeoises et à assurer une société sans classes s'impose alors.
Dès 1928, Joseph Staline s'impose à la tête du parti en éliminant ses rivaux : Trotski (gauche), Boukharine. Il va aggraver la dynamique totalitaire du régime :
- Le culte de la personnalité atteint des sommets jamais vus, et la confusion du parti et de l'état est absolue.
- L'idéologie imprègne tous les aspects de la vie économique, sociale et culturelle, quitte à parfois même nier les réalités. ( ex : Lyssenko et les dérives de la biologie soviétique) Ainsi, intellectuels et artistes sont obligés de se limiter au cadre étroit du réalisme socialiste. La société est donc encadrée et embrigadée afin de se conformer aux objectifs idéologiques.
- Un système de répression basé sur une police politique redoutable (NKVD, puis MGBn puis KGB) et un système concentrationnaire (Goulag) qui atteint son apogée au début des années 50. L'objectif est d'éliminer les opposants et surtout de trouver des bouches émissaires, pour justifier des échecs.
Après la mort de Staline, le 5 mars 1953, Nikita Khrouchtchev s'impose à la tête du parti et de l'état. Au cours du 20ème Congrès du PCUS, il dénonce devant un public médusé les crimes du stalinisme et assouplit quelque peu le régime (fin du Goulag). C'est le "dégel". Sa politique de réforme ne remet toutefois pas en cause le modèle et la suprématie du parti. Il finit par être écarté du pouvoir en 1964.
Son successeur, Léonid Brejnev renoue avec certaines politiques staliniennes toutefois beaucoup moins brutales que celles des années 50.
c- Une économie et une société dévitalisées
L'économie soviétique repose sur la propriété publique des moyens de production. Le régime a imposé une collectivisation brutale des terres (Kolkhozes) et les étatisations de l'industrie. Les plans quinquennaux élaborés par le Gosplan fixent les objectifs à atteindre. Jusqu'à la fin des années 1960, la priorité va au secteur A : industrie lourde + matériel militaire tandis que les industries de consommation sont négligées. Le pays connaît toutefois des réussites incontestables, notamment dans le domaine aéro-spatial. Elles cachent cependant mal les échecs liés à la faiblesse de la productivité et au manque de motivation de la main d'oeuvre. Les entreprises sont paralysées par des lourdeurs bureaucratiques et l'absence d'esprit d'initiatives. La situation est particulièrement désastreuse dans le domaine de l'agriculture.
La propagande exalte les avancées sociales comme l'absence de chômage, la gratuité de l'enseignement et de la médecine. Pourtant le niveau de vie reste bas, la société souffre de pénurie permanente. L'égalité n'est elle-même souvent que de façade. La Nomenklatura qui regroupe l'élite de la bureaucratie et de l'armée bénéficient d'avantages économiques et matériels considérables. La société soviétique souffre de l'absence de libertés et surtout du décalage entre les objectifs grandioses et la réalité.
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