mercredi 24 novembre 2010

Chapitre E - H.

 Chapitre E Le Tiers-Monde : indépendances, 
affirmation, diversification
En quoi la décolonisation est-elle à l'origine de ce qu'on appelle les rapports Nord / Sud ? 
( p114-115)

1- Les premières indépendances
a- Les ébranlements des empires
La guerre a profondément affaiblit les puissances coloniales : Royaume Uni, France, Pays Bas, Belgique … Surtout, leur prestige est durement atteint. La défaite française de 1940, les premiers revers des anglo-saxons face aux Japonais (Singapour, Philippines …) ont altéré le mythe de la supériorité de l'homme blanc, surtout en Asie. 
La guerre a par voie de conséquence stimulé les mouvements nationalistes. Ainsi, Gandhi exige dans le manifeste "Quit India" en 1942, le départ immédiat des britanniques alors même qu'ils sont dans une situation désespérée. 
Les puissances coloniales ont donc du multiplier les promesses. Durant la conférence de Brazzaville en février 1944, le Général de Gaulle s'engage à promouvoir une politique de réformes d'ailleurs ambiguës, au lendemain du conflit (2nde guerre mondiale). Toutefois, les faits ne suivent pas, ainsi les insurrections de Sétif de mai 1945 et de Madagascar en mars 1947 sont brutalement réduites.  
La guerre a par ailleurs profondément modifié l'ordre stratégique mondial (hiérarchie des puissances). Les deux Grands sont en effet hostiles à l'ordre colonial. L'URSS estime que le colonialisme est l'aspect le plus brutal de "l'exploitation de l'homme par l'homme". Elle cherche aussi à renforcer ses positions et à affaiblir le camp occidental. Les Usa, ancienne colonie, soutiennent par principe les mouvements d'émancipation à condition qu'ils ne soient pas communistes. Ils ont évidemment conscience du caractère très contre productif de leur alliance avec les principales métropoles coloniales. 
Enfin, l'ONU devient dès sa création le lieu privilégié des campagnes anti-colonialistes. 
b- Les Indes britanniques, une indépendance consentie

Les Indes britanniques se caractérisent pas l'ancienneté de sa civilisation et l'existence d'élites indigènes nombreuses et déterminées : Gandhi, Nehrou, Mohamed Ali, Jinnah … Au lendemain de la guerre, l'indépendance parait inévitable. La véritable question est de savoir comment procéder. La majorité hindoue et une forte minorité musulmane s'opposent en effet violemment. 
La Grande Bretagne décide donc d'en finir rapidement. Attlee annonce que le pouvoir sera transféré entre les mains indiennes au plus tard en juin 1948.
Le plan de partition, élaboré par Lord Mountbatten, dernier vice roi des Indes aboutit le 15 août 1947 à la création de deux états indépendants : 
- Le Pakistan, musulman composé de deux parties séparées par presque 2000km, et dirigé par Jinnah.
- L'Union indienne, théoriquement ouverte à tous mais très majoritairement hindoue, et dirigée par Nehru. 
     Les transferts de population entre les deux états s'effectuent entre les affrontements et les massacres inter-religieux.
En 1947, La Grande Bretagne accorde leur indépendance à Ceylan et à la Birmanie. Il faut attendre 1957 et l'écrasement de l'insurrection communiste pour que la Malaisie obtienne la sienne. 

c- L'Indonésie et l'Indochine : des indépendances arrachées 

- Contrairement à la Grande Bretagne, les Pays Bas refusent de renoncer à leurs riches colonies indonésiennes (Indes néerlandaises). Toutefois, ils se heurtent après 1947, à une guérilla mais aussi à une puissante campagne anti colonialiste qui réunit les Usa, le monde communiste, et surtout les nouveaux états indépendants (Inde, Pakistan …) Les Pays Bas n'ont guère les moyens de s'y opposer et accordent en décembre 1949 leur indépendance aux Etats Unis d'Indonésie dirigé par le leader nationaliste Achmed Sukarno.

- En Indochine, Hô Chi Minh (=celui qui éclaire) fondateur d'un mouvement de résistance : le Viêtminh proclame l'indépendance du Viêtnam 2 septembre  1945. La France, qui voit dans l'Empire l'ultime garantie de sa grandeur ne peut pas ss'y résoudre. Le bombardement en novembre 1946 du port d'Haïphong par la marine française marque le début de la guerre d'Indochine. Guerre coloniale à l'origine, elle devient aussi à partir de 1949, un aspect, un avatar, de la guerre froide. Le Viêtminh, qui bénéficie de l'appui chinois et soviétique s'avère impossible à détruire. Malgré le soutien américain au nom du containment, la France s'enlise dans une guerre épuisante. Le 7 mai 1954, , elle subit même une défaite retentissante à Diên Biên Phu. Cet échec l'oblige à négocier à partir  de juillet les accords de Genève. Ceux ci reconnaissent l'indépendance du Cambodge, du Laos, et de deux Viêtnam de part de d'autre du 17ème parallèle. 

2- Les indépendances en Afrique
a- L'Afrique du Nord entre compromis et guerre

La défaite de Diên Biên Phu est un avertissement supplémentaire et décisif pour la France de la nécessité de se résigner à la fin de l'empire (appelé Union Française depuis 1945). Il est donc temps de négocier. Cela conduit en mars 1956 à accorder l'indépendance à ses protectorats d'Afrique du Nord : Tunisie, et Maroc. 
En Algérie par contre, le processus d'indépendance va se révéler très violent. La situation de cette colonie de peuplement est en effet tout à fait particulière, environ 1,5 millions d'européens coexistent avec 8 millions de musulmans (arabes ou berbères). Les pionniers, par crainte de "submersion" démographique bloquent toute évolution démocratique. Peu à peu, les élites musulmanes abandonnent le légalisme. Parmi eux, des jeunes, partisans de l'action violente créent le FLN : Front de Libération Nationale. Ils organisent le 1er novembre 1954 une série d'attentats sanglants : la "Toussaint rouge".
Les gouvernements français successifs décident de mener une politique de fermeté. Et à partir de 1956, ils engagent le contingent (ceux qui font leur service militaire) dans une une guerre qui ne dit pas son nom (les évènements d'Algérie). Au terrorisme souvent aveugle et à la brutalité du FLN, l'armée française répond par des exactions (tortures, ratissages …) qui font peu à peu basculer la population musulmane, d'abord dans l'expectative dans le camp de l'insurrection. La France finit par l'emporter sur le plan militaire mais elle ne peut empêcher l'expansion de la cause nationale algérienne notamment à l'étranger (ONU, monde arabe, communiste …).
Progressivement, la lassitude gagne l'opinion publique métropolitaine.  Aussi, en 1959, le général de Gaulle propose-t-il l'auto-détermination aux algériens. Il enclenche ainsi le processus d'une indépendance qu'il juge inévitable. Celle-ci est finalement proclamée en juillet 1962 après la signature en mars des accords d'Enviant. Des centaines de milliers d'européens d'Algérie vont alors connaître un exode dramatique, tandis que les harkis (auxiliaires musulmans de l'armée française) abandonnés par la France sont systématiquement massacrés par le FLN. 

b- L'Afrique noire, un processus globalement pacifique 

Du fait du petit nombre des élites indigènes, l'Afrique noire est la dernière région à être touchée par la décolonisation. Grande Bretagne et France vont mener une politique similaire. Il s'agit d'être pragmatique et d'éviter toute confrontation pour maintenir des relations privilégiées dans l'avenir. Les indépendances apparaissent en effet inévitables. 
En 1957, Londres accorde son indépendance au Goldcoast. Ce processus pacifique sert de modèle à toutes les autres possessions britanniques : Nigeria, Kenya, Tanzanie …
En Afrique francophone, l'insurrection algérienne accélère le processus d'émancipation. Votée en juin 1956, la loi cadre Defferre permet une évolution importante vers l'autonomie. En 1958, tous les territoires, à l'exception de la Guinée acceptent d'intégrer la "Communauté" que propose le général de Gaulle, une sorte de Commonwealth à la française.    Celle-ci ne durera pas longtemps, dès 1960, ils accèdent tous à l'indépendance tout en maintenant avec la France des liens de coopération extrêmement étroits (ex : le Sénégal avec Léopold Sédar Senghor, ou la Côte d'Ivoire, avec Félix Houphonit ? Boigny).
Au Congo belge, les autorités n'ont pas encouragé la formation d'élites. Mal préparée la proclamation de l'indépendance en juin 1960, s'accompagne d'affrontements sanglants marqués par des rivalités ethniques. L'avenir du Zaïre (Congo), du Rwanda et du Burundi apparait dès l'origine lourdement compromis. 
A la                des années 1970, l'Afrique australe reste le dernier bastion du colonialisme, notamment                        . 
En avril 1974, la révolution des oeillets à Lisbonne renverse la dictature. L'indépendance est alors très vite accordée à l'Angola, au Mozambique. L'émancipation des peuples colonisés s'est donc faite en 30 ans. La Namibie obtient quant à elle son indépendance en 1990 de l'Afrique du Sud, celle-ci étant en train de démanteler l'apartheid. 

3- Affirmation et diversification du Tiers Monde
a- La conférence de Bandung

La décolonisation a donné naissance à de nouveaux états désireux d'affirmer leur identité. La conférence de Bandung en Indonésie, en avril 1955 marque ce désir de reconnaissance et une (la première) remise en cause de l'ordre bipolaire de la guerre froide. Elle réunit 29 pays d'Asie, du Proche Orient, d'Afrique représentés par de prestigieux leaders comme Sukarno, Nehru, Nasser, Zhou Enlaï … 
Malgré de nombreuses divergences, l'unanimité se fait autour de quelques grands principes :
- la condamnation du colonialisme sous toutes ses formes. 
La France alors en pleine guerre d'Algérie est tout particulièrement montrée du doigt. 
- le refus de toute ingérence des pays développés, en particulier des ex-métropoles dans les affaires des nouveaux états indépendants. 
- la mise en oeuvre d'une coopération économique entre les pays riches et eux-mêmes. Le sous-développement est en effet systématiquement imputé à la colonisation. 
     Bandung a en fait une portée surtout symbolique, elle marque la naissance d'une troisième force. Le démographe Alfred Sauvy l'appelle Tiers monde en référence au Tiers Etat de l'Ancien Régime. Selon Léopold Sédar Senghor, elle signifie la "mort du complexe d'infériorité des pays de couleur".

b- L'impossible unité 

Dans les années qui suivent, plusieurs initiatives accréditent l'émergence d'une 3ème force, celle d'un Tiers-Monde solidaire et uni :
- en 1961, à Belgrade, naît le mouvement des non-alignés à l'initiative de Tito et de Nehru. Il est composé de 25 membres qui entendent s'affirmer comme "des acteurs à part entière dans le système international". Ils rejettent donc par principe toute alliance avec une grande puissance, même si dans les faits ils manifestent une certaine sympathie pour le bloc communiste (Cuba). Le mouvement prend de l'ampleur dans les années qui suivent.
- En 1964, 67 pays organisent la CNUCED (conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement). En 1973, ils exigent à Alger un nouvel ordre économique international. Il s'agit de mettre fin à ce qu'ils estiment la domination néo-coloniale du Nord sur le Sud. 
En fait, le Tiers-Monde va échouer dans sa volonté d'unité et de visibilité internationale. Il est en effet marqué par des querelles nationales ou idéologiques. Ainsi, l'Inde et le Pakistan sont en conflit permanent sur le Cachemire. Assez rapidement, la majorité des pays du Tiers-Monde adhère au clivage idéologique mondial et s'aligne soit sur l'Union soviétique, soit sur les USA. Pour l'essentiel, ils se dotent de régimes dictatoriens. Du fait de cet échec assez piteux, un mouvement Tiers-mondiste révolutionnaire apparait désireux d'incarner la cause des peuples déshérités et d'en découdre avec l'impérialisme occidental. Che Guevara devient ainsi dans les années 60 le symbole du combat de tous "les opprimés d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine". Sa mort en 1967, en Bolivie marque toutefois l'échec de cette voie révolutionnaire.

c- Un Tiers-Monde éclaté 

En fait, le processus de diversification doit d'avantage encore aux évolutions économiques. En 1973, en effet, ) la suite de la guerre du Kippour, les pays de l'OPEP (organisation des pays exportateurs de pétrole) décide de relever le prix du baril de pétrole brut pour sanctionner Israël et les pays occidentaux. Ce qui apparait alors comme une victoire du Sud contre les pays industrialisés se traduit en fait rapidement par un éclatement du Tiers-Monde : 
- d'un côté les pays producteurs d'hydrocarbures et surtout ceux qui bénéficient dans les années 80 et au delà des délocalisations, deviennent de nouveaux pays industriels. C'est le cas notamment des pays de l'Asie de l'Est et du Sud-Est (4 dragons : Corée du Sud, Hong Kong, Singapour, Taiwan, Brésil, Mexique …) 
- de l'autre côté, les pays pauvres pour lesquels les frais d'importations du pétrole devient insupportables et qui s'enfoncent dans la spirale du sous développement. Ce sont pour l'essentiel des pays de l'Afrique sub-saharienne.

Alors qu'ils regroupent 15% de la population mondiale ils ne représentent que 2% du PIB mondial. A cela s'ajoute l'instabilité politique, les conflits ethniques (Rwanda, Libéria …). Les PMA s'estiment d'ailleurs toujours victimes de l'héritage colonial qui aurait entravé leur développement (frontières artificielles, sous industrialisation …) Ils dénoncent aussi la domination néo-coloniale du Nord, endettement … Pour certains, cette situation relève plutôt de la mauvaise gouvernance dont les PMA sont responsables. 
- Entre ces deux extrêmes on trouve une large gamme de situations contrastées. 

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