Le "je pense", la conscience, l'inconscience
( ou suis-je ce que j'ai conscience d'être ?)
↓
habere
↘ habitude
L'habitude : ce que je crois posséder (habere), ce qui est en moi jusqu'à devenir constitutif de mon être. L'habitude, c'est le plus familier, l'aspect transparent de la vie quotidienne et du même coup, ce dont il faut se méfier. ➝ Nietzsche : le plus connu est nécessairement le moins connu, puisque nous le croyons dépourvu de mystère sur le modèle d'ne connaissance immédiate.
Et ainsi, nous perdons toute méfiance (esprit critique, la volonté de juger) et oublions pour cela de prendre ses distances. L'habitude nous prive de recul, elle nous condamne à l'inconscience de ce que nous sommes. Pourquoi ? Nous mettrons en question ce poste d'observation que nous nommons "conscience". Son ambiguité devient évidente : d'une part, elle forme une vie perceptive qui produit une connaissance immédiate, d'autre part, elle nous confronte à des expériences énigmatiques ainsi, la passion ou le désir (dont la source nous échappe). Nous nous demanderons si la conscience est bien ce poste d'observation un et indivisible que nous tendons à protéger.
1- Une subjectivité au coeur de la conscience
Il faut douter au moins une fois dans sa vie, mais il ne faut pas douter tout le temps, sans quoi l'on ne vit plus.
Dans notre enfance, nous avons accumulé des préjugés.
Il s'agit d'obtenir une certitude (qui atteste la solidité et la fiabilité de notre conscience). La certitude est l'état où se trouve l'esprit qui ne peut pas douter. Le doute est donc l'instrument parfait qui peut établir une certitude, c'est la pierre de touche qui permet de mesurer la validité d'une connaissance pour la distinguer de l'erreur et de l'illusion. D'où le projet de Descartes : établir les principes de la connaissance humaine, qui supposent :
a- par le doute : restituer ce qui est absolument certain
b- procéder avec ordre et sans précipitation
c- respecter une dépendance des idées. Ainsi, les principes sont premiers et les conséquences doivent suivre.
L'origine des préjugés, c'est l'enfance = ce qui précède la maturité. Et ainsi, l'illusion, les préjugés forment un tout qui met en jeu notre esprit = tous ses fondements dans l'histoire individuelle, soit toute sa genèse = l'enfance. C'est un bloc : ou on le prend, ou on le récuse. Le doute préfère le second parti.
A- Le cogito (la chose qui pense)
➝ Article 2 : La méthode, c'est-à-dire, littéralement le chemin qui conduit à la vérité. Il s'agit d'utiliser le doute comme une méthode c'est-à-dire un procédé qui distingue le vrai du faux. Et, à cette fin, on utilisera un certain excès, c'est-à-dire que l'on traitera comme faux ce qui n'est que douteux. (voir la corbeille de fruits dont certains sont manifestement à jeter mais d'autre échappent à notre vigilance, il faut donc vider toute la corbeille, et passer au crible chaque pièce.) Le doute est ici une méthode = un moyen. Ce n'est pas une fin en soi, c'est-à-dire que Descartes n'est pas sceptique. Le scepticisme cultive le doute comme une forme de connaissance et il en attend une philosophie pratique, cad une morale (voir par exemple : PYRRHON qui utilise le doute comme un moyen d'être heureux) Descartes rejette tout cela, pour lui, on cherchera la vérité pour elle-même. Donc le doute est un moyen de parvenir à la vérité, bien qu'il faille en sortir à un moment.
➝ Article 3 : Le doute se justifie dans "la conduite de notre vie". Toute vie est une série d'urgences, c'est-à-dire de contraintes temporelles auxquelles il faut réagir ici et maintenant = de façon immédiate. D'où, un doute limité à la recherche de vérité. (l7) La vie est le domaine du vraisemblable, c'est-à-dire de ce qui parait vrai, et du coup, nos opinions ne reposent pas sur des certitudes absolues. (opiner ; dire son sentiment, se prend souvent au sens positif. Opiner ≃ donner son accord, adhérer).
Dans la vie, il faut affronter l'aléatoire. (latin, aléatoire : les dés que l'on jette), le hasard, bref l'inconnu et l'imprévisible, d'où la distinction de deux attitudes :
a- le manque de méthode et d'ordre = l'activité tournoyante
ex : le voyageur égaré dans la forêt et tenté de tourner en rond ou de chercher à l'aventure.
b- la méthode et l'ordre c'est-à-dire la décision exécutée avec résolution
ex : le voyageur tire au sort une direction et s'y tient jusqu'au bout. Voir Descartes, Discours de la méthode, 3ème partie, 2ème maxime de la morale par provision.
NB : on remarquera le chiasme (chassé croisé) : la connaissance traite comme faux ce qui est douteux, tandis que la connaissance transforme le douteux en quasi-vérité (= le plausible).
➝ Article 4 :
1ère étape du doute : la fréquente déception des sens : je crois à l'existence d'un corps qui se révèle à l'épreuve des faits inexistants : de pure fiction. Il faut y voir un effet de mes sens, ou alors de ma fantaisie (imagination) mais dans tous les cas, l'illusion sera due à mon corps, c'est-à-dire une réalité physique qui vit, c'est-à-dire qui doit réagir avec d'autres corps (nos sens nous disent non pas ce qui est, (en soi), mais comment les choses doivent nous apparaitre = utiles ou nuisibles. Do'ù l'argument du rêve : c'est-à-dire une perception absolument infondée. Le rêve est redoutable parce que clair : présent et manifeste à un esprit attentif. Le rêve est invraisemblable mais nous y croyons fermement.
CONCLUSION : il faut rejeter l'existence des choses sensibles (comme si aucun corps n'existait)
NB : aucun corps n'existe : pas même le mien.
➝ Article 5 :
2nde étape du doute : Deux raisons de douter :
a- L'exemple des esprits les plus éminents
b- la dépendance à l'égard du Dieu créateur qui nous a fait capable de saisir la vérité mais dans quelle mesure ?
Une créature faillible est exposée à l'erreur permanente, voir la fiction du malin génie, c'est-à-dire celui qui peut nous tromper au moment même ou notre certitude est maximale. On suppose aussi bien un acteur ou un "créateur" soit un dieu, soit un homme ou moi-même et alors, les raisons de douter seront plus fortes.
➝ Article 6 : Le libre arbitre = la faculté de suspendre notre jugement = de ne pas adhérer à une idée ou à une combinaison d'idées. Il constitue une sorte de proto-certitude, il affirme un pouvoir dont nous faisons l'expérience, dont nous ne doutons pas et qui rend possible le doute. " La liberté se connait immédiatement et par la seule expérience que nous avons d'elle. " Descartes.
➝ Article 7 : Le cogito exposé par le biais d'un raisonnement : je doute, ce qui est une façon de penser, un certain mode de la pensée. Or pour penser, il faut être : JE PENSE, DONC JE SUIS.
1ère vérité dont dépendront toutes les autres (voir Médiations métaphysiques : "je suis, j'existe".)
Pourquoi ces deux formulations ? ("je suis, j'existe", & " je pense, donc je suis ").
je pense, DONC je suis : déduction, démarche, raisonnement = domaine discursif
↗
cogito
↘ je suis, j'existe . : domaine intuitif
Je pense donc je suis : formulation discursive (elle déploie les médiations d'un raisonnement). Le "donc" met à nu.
Je suis, j'existe : formulation intuitive = un acte simple donc indécomposable qui saisit une vérité de façon immédiate : sans médiation.
➞ Pourquoi 2 formulations ?
Le cogito comme principe des principes appelle 2 formulations qui saturent le domaine du pensable.
Âme = chose qui pense (res cogitans)
↙
Latin : la chose, mais aussi substance (sub : en dessous, stance : stare, qui se tient)
Substance : ce qui se tient sous les accidents, support des affections diverses et variées.
savoir que je suis : existence
ce que je suis : essence
Le cogito détermine une existence sans aller jusqu'à une essence. Il faut donc franchir le pas : "je suis une chose qui pense" = une conscience = une connaissance immédiate de ce qui est en nous. Du coup est prononcée la distinction réelle entre l'âme et le corps (en général), par corps, on entend ce qui est matériel, cad divisible et étendu, tandis que par pensée, on entend le contraire (immatériel, indivisible). Pour former l'idée de l'âme, chose qui pense, il faut rejeter l'idée de corps, l'idée d'une réalité géométrique, et réciproquement.
Le cogito se développe comme identification à une "chose qui pense" = une substance dont la nature est de se représenter diverses choses.
Une substance : noyau irréductible qui demeure identique sous les changements.
ex : c'est la même âme qui fait de la géométrie et qui a peur d'un danger. La variété des pensées ne transforme en rien l'identité et l'unité de l'âme.
B- L'union substantielle
Le rapport de l'âme au corps est une distinction réelle = entre 2 res = 2 substances, c'est-à-dire pour penser l'une, il faut mettre entre parenthèses l'autre.
Idée claire et distincte :
- clair : présent et manifeste à un esprit attentif.
- distinct : analysable cad décomposable en éléments reconnaissables discernables de tout autre
âme / corps = pilote / navire
➞" La nature … " cette distinction vient buter sur une observation : la relation de l'âme au corps est une réalité qui déborde la simple distinction = il existe une union de l'âme et du corps.
A/B = C/D ou aile/oiseau = nageoire / poisson
➞ ANALOGIE
Depuis l'Antiquité, on répète une analogie : l'âme donnerait des ordres au corps comme le pilote à son navire. Pour Descartes, cette vision ne peut rendre compte de toute notre expérience et avoir l'affectivité, c'est-à-dire la connaissance extra-intellectuelle.
ex : les besoins, la douleur, les états d'âme (passions), bref, ce que nous sentons comme effet direct du corps (ce n'est donc pas toute perception en général)
Selon Descartes : la douleur est un mode de connaissance spécifique, rien à voir avec la vision du pilote devant la rupture de son mât, ou encore les raisonnements qui veulent expliquer ce phénomène. La douleur est vécue de l'intérieur par un sujet, elle est donc la subjectivité au coeur de la conscience.
(voir MALEBRANCHE : " tous les hommes voient que deux et deux font quatre, mais nul ne peut sentir ma douleur", parce que ma douleur c'est subjectif.) Une expérience de ce genre prouve l'union de l'âme au corps = tous deux forment un tout. (on ne le définit que par la pensée)
L'union de l'âme au corps est le domaine du clair-confus. Une douleur a quelque chose d'irrécusable, elle n'est jamais obscure, mais en même temps, il est impossible de l'analyser, par exemple, de déterminer le trajet des infos nerveuses, c'est pourquoi toute douleur est confuse (plutôt que distincte)
• Que faire de cette union ? Nous sommes tous exposés à des circonstances difficiles, par exemple une passion qui peut nous assaillir de façon intempestive. passion ? : le fait d'être passif = subir.
a- L'âme commande au corps : le corps est passif
b- L'âme ressent les effets d'une activité physique, somatique. On parle d'une passion de l'âme, cad d'un retentissement affectif, accompagnant une activité physique.
L'union a lieu dans la partie centrale du cerveau, la seule partie simple, et qui existe à une seul exemplaire : épiphyse ou glande pinéale. Elle fait la synthèse des informations : l'âme communiques alors avec le corps et réciproquement, par exemple : un mouvement du corps s'accompagne d'une passion pour l'âme cad d'un retentissement psychologique.
➝ Une passion : fait que l'âme subisse l'action du corps.
➝ Article 40 : La passion a sa raison d'être (justification), c'est une réaction physique et elle s'accompagne d'un retentissement affectif = la peur, c'est la fuite automatique accompagnée d'une volonté renforcée, (de fuir). La peur n'est pas une volonté mais un équivalent infaillible de la volonté (de fuir).
➝ Article 52 : Les passions nous sont utiles, c'est-à-dire qu'elles se rattachent à ce qui peut favoriser notre bien être (notre santé, notre puissance, notre bonheur le plus général). Bref, toute passion satisfait un intérêt vital.
NB : par vie on entendra : a- un phénomène biologique : les passions nous sont salutaires, elles nous sauvent la vie.
b- vie = une suite d'évènements. Les passions colorent notre vie.
➝ Article 212 : réduction du malheur et du bonheur au seul fait des passions, cad de la vie affective. Il existe un cas particulier, celui des passions que l'âme se donne ( en tant que active et passive à la fois, c'est-à-dire qu'elle s'affecte elle-même) ex : la joie purement spéculative (philo, maths etc …)
L'essentiel de notre vie s'explique par l'union de l'âme et du corps, c'est (l4) l'émotion qui nous vaut de la douleur.
( schéma à insérer)
La grande affaire du bonheur, soit une question de fortune à l'état pur (les évènements qui nous sont favorables ou non) soit une technique qui utilise les passions, soit le retentissement psychique de ces évènements. Descartes réactive une inspiration antique (voir les stoïciens et EPICTÈTE : Manuel : " distinguons entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous, d'une part le jugement, d'autre part, la fortune (le train des évènements) Le bonheur consiste à savoir interpréter les évènements = leur attribuer un sens favorable ou au moins supportable.
Descartes modernise ce stoïcisme, il introduit l'idée de transformer la nature, non pas dans ses lois, qui restent inviolables, mais dans sa disponibilité (aux besoins de l'homme). "nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature".
NB : Les Modernes et les Anciens s'opposent ici : Avant la Renaissance, l'Ancien monde se propose de vivre "conformément à la nature". Les grecs se fixent un tel but très souvent. Les Modernes veulent la domestiquer, c'est-à-dire l'utiliser. On distinguera la nature hors de l'homme et la nature dans l'homme. 1er cas : l'action technique au sens commun (par ex : lutter contre les fléaux naturels : maladie, famine, les désagréments géographiques)
2nd cas : agir sur la nature en l'homme : développer l'action médicale et chirurgicale et maîtriser les passions, cas les rendre dociles et toujours favorables à nos intérêts.
La maîtrise des passions, c'est une technique qui utilise des lois inviolables pour en tirer profit, par exemple : voir le danger fait peur.
Descartes : "Les passions sont toutes bonnes de leur nature".
➝ Toute passion défend un intérêt vital. Mais une passion peut devenir intempestive, c'est-à-dire notre ennemi, parce que ça n'est pas le moment.
ex : un excès ou un défaut, ce qui manque la juste mesure.
ex : un soldat pris de peur en pleine bataille. Donc un excès de peur devient un déshonneur (si fuite) ou une condamnation à mort.
D'où deux ruses qui sont des actions techniques :
a- Compenser un excès ou un défaut par son contraire.
ex : une peur dépassée par un excès de hardiesse.
b- se représenter des images, des idées associées à la passion compensatrice
➝ Article 41 : L'âme qui subit une passion ne peut pas agir directement (sur cette passion = sur le corps). Il lui reste l'action indirecte par le biais de la glande pinéale : le principal lieu de l'union de l'âme au corps.
➝ Article 44 : La vertu technique par excellence, l'industrie = l'ingéniosité (la ruse) qui produit des outils, des machines.
Problème : la nature a rattaché certains mouvements du corps à une finalité de type organique et non à une volonté de notre esprit.
ex : la pupille se dilate ou se contracte en fonction de ce qu'elle regarde, et non en fonction de ma volonté. Pour commander à cet organe, il faut donc passer par un objet extérieur (action indirecte).
b- La seconde ruse : se représenter des images, des idées associées à la passion compensatrice (par ex : le soldat qui songe au déshonneur que lui vaudra la fuite, mais aussi à son devoir de défenseur ou encore la considération que connaissent les héros)
C- Difficulté
Ame : - res cogitans
- immatérielle
- incorporelle
- indivisible
- inétendue
Le corps présente les propriétés contraires.
➝ Comment ces deux substances peuvent-elles communiquer ? cad comment passer de la distinction réelle à l'union substantielle ?
Problème du dualisme : c'est-à-dire un système qui repose sur 2 principes bien distincts (spécifiques et irréductibles l'un à l'autre).
Tout dualisme pose un problème d'unité.
voir la correspondance avec Elisabeth de Bohème :
(…)
Réponse de Descartes par la pratique :
1ers conseils : se réconcilier avec les passions et plus généralement avec la nature. Pourquoi ? Descartes : il faut se soustraire à l'agitation. Par exemple : des évènements qui perturbent notre vie d'application et de travail.
être capable de distancier la vie, les évènements etc…
"Considérer les évènements ce cette vie comme ceux des comédies" Descartes.
➝ La vie est un processus naturel en ce sens qu'elle est spontanée = nous vivons sans réel effort et par un mouvement qui est en nous. Il s'agit de la redécouvrir, c'est-à-dire de gouter la urée vécue, c'est pourquoi on ira dans la nature elle-même = dans un cadre naturel et coup on atteindra ce qui semble inaccessible.
"imiter ceux qui se persuadent qu'ils ne pensent à rien" Descartes.
➝ Il est impossible de se représenter le néant. On ne peut pas non plus cesser de penser. ("l'âme pense toujours puisque sa nature est de penser".) Une âme sans pensée serait une contradiction.
Le vrai projet consiste à procéder par soustraction, c'est-à-dire on met à distance les pensées qui obsèdent ou qui envahissent, par exemple le deuil ou la frustration, ou la perte irréversible. Et ainsi on peut se "renaturer", gouter à nouveau à l'essentiel = se laisser vivre et cultiver la relâche des sens, cad ne pas les faire travailler, les laisser vagabonder et leur éviter toute application.
D'où un paradoxe : il y aurait un "empire des sens" mais ils exercent leur pouvoir par relâchement.
" ne penser à rien " c'est donc refuser l'activité de médiation et refuser les concepts, l'intellect, c'est donc se fermer à la raison.
Descartes résout le problème par une pratique qui le nie, (sur le plan théorique).
NB : "ne penser à rien" est accompagné d'une formule très contournée qui traduit le sentiment profond de Descartes. 2 difficultés :
a- le problème de l'union n'est pas résolu sur le plan théorique
b- Descartes sent une force contraire à la conscience, une résistance, mais que peut-il en faire ?
(schéma)
Descartes entrevoit une sorte de contreconscience mais il la rejette dans la sphère physique, c'est-à-dire celle du corps. S'il y a un inconscient, il n'est pas psychique = il n'est rien dans la pensée.
Voir la contradiction de Descartes sur le désir : il le présente tantôt comme une passion ( de l'âme) tantôt comme une action de cette même âme, c'est-à-dire un mouvement assez proche de la volonté.
Descartes a privilégié la conscience(1ère certitude), du coup, il ne peut rendre compte de ce qui lui est réfractaire. Il s'agit donc de renverser la perspective.
II- L'objectivité, comme détour nécessaire
A- L'illusion
B- Le conatus
C- difficulté (critique)
A- L'illusion
"L'esprit est toujours la dupe du coeur".
dupe : être trompé par. / coeur : passions. / esprit : esprit critique.
L'ivrogne se trouve toujours les meilleurs raisons de boire, c'est-à-dire de justifier l'injustifiable. Tout commence par un agrément (voir Pascal) puis une habitude, une accoutumance s'endurcit sous la forme d'une dépendance et l'esprit, c'est-à-dire la puissance critique invente des raisons artificielles, des arguments contournés pour justifier un mal.
L'illusion triomphe alors, c'est-à-dire que le leurre persiste et que le sujet l'entretient (voir Pascal pour Mr de Roannez : on ne découvre les raisons qu'ensuite) Selon Pascal, ces raisons résultent non pas d'une découverte mais d'une invention, elles viennent après = je dois les trouver quelque part (je n'en dispose pas déjà)
➝ voir La Rochefoucauld : l'esprit, c'est la fonction critique, c'est l'intellect, ce qui peut peser le pour et le contre, grâce à cela je peux me raisonner. Cette puissance est frappée d'impuissance quand le coeur prend le pouvoir, c'est à dire l'affectivité à l'état pur, le règne des désirs, bref, l'élément incontrôlable, "irrationnel".
Il nous faut donc laisser de côté la subjectivité, c'est-à-dire le cogito (qui devient chez Spinoza "l'homme pense".) et pour cela emprunter un détour, c'est-à-dire considérer la pensée comme un objet (au même titre que les autres).
➝ Spinoza : "Ethique" :
Le corps est donc le point désigné pour un second départ.
(voir la constatation de Spinoza : nous supposons que le corps nous est connu comme une réalité très plate, une géométrie sans mystère, mais en fait le corps est infiniment riche, nous ignorons ce qu'il peut faire, c'est-à-dire ses modalités d'action mais en même temps ce qu'il peut subir, par exemple : recevoir, capter, enregistrer etc ...
EXEMPLE : le somnambulisme, soit un déplacement incontrôlable qui témoigne d'une audace et d'une habilité remarquables. Il s'agit d'une eclispe de la conscience qui semble donner l'initiative au corps.
NB : Spinoza évoque les lois physiques, c'est-à-dire la nature comme objet d'étude pour une science, donc un regard qui vise l'objectivité. Ces lois sont inviolables (nécessité absolue)
Il suffit d'évoquer une forme de légalité très commune mais inexpliquée, celle du mouvement involontaire (l'âme qui commence au corps).
la science de la physique = les lois de la nature
↱
la physique
↱
les corps
Le corps c'est ce qu'il faut considérer scientifique c'est-à-dire comme un objet plongé dans une nature = un monde ordonné de façon régulière (voir la notion de loi physique, ou lois de la Nature (inviolable))
➝ Début 17ème, oeuvre de Galilée : " La nature est un livre écrit en langage mathématique" : c'est-à-dire la connaitre, la mesurer et étudier des relations entre des mesures.
➝ Connaitre le corps, c'est cerner des rapports mathématiques (avec ou sans intervention de l'âme, faculté de penser).
➝ La science mathématise, c'est-à-dire qu'elle met à plat d'où la comparaison de tous les corps que l'on peut déployer selon un plan.
Les machines = totalités qui fonctionnent. Le mécanisme : vision du monde qui réduit toute chose étendue à une machine par exemple : le plus simple des végétaux est encore un ensemble de fonctions coordonnées = une machine.
attitude intuitive ↰
perspicacité
aptitude discursive
déduction ↰
sagacité : (art d'enchainer ses intuitions de façon régulière)
➝ Les hommes (genre humain) savent s'émerveiller des activités de l'âme (la pensée), ils font l'éloge de la volonté etc … Mais ils ne pensent même pas au corps, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas l'humilité de reconnaitre une certaine impuissance de leur pensée.
ex 1 : les animaux par instinct dépassent la sagacité humaine : une araignée tissant sa toile fait sans travail réel = sans intervention de la conscience une merveille de précision et d'ingéniosité. La spontanéité agit de façon immédiate.
ex 2 : le somnambulisme, c'est-à-dire un mélange de précision et d'habileté qui tient un échec la conscience, c'est-à-dire qui traduit l'activité de force soit physique, soit psychique mais non consciente.
A cela s'ajoute une vérification des impasses dualistes, par exemple la confrontation d'une âme inétendue avec un corps constitué de mouvements (d'où un réflexe hérité de Galilée : comment connaître ce qui échappe à la mesure ?)
langage spécieux : ce qui parait fondé sans l'être réellement, un langage flatteur.
latin : species
↙ ↘
spect spécieux
Le point de convergence pour les attaques de Spinoza c'est l'inconscience des hommes qui croient à un pouvoir de l'âme sur le corps (plus ils ont confiance, plus ils sous estiment la difficulté).
➝ 1ère objection des contempteurs du corps et des dualistes : peu importe les modalités d'action (de l'âme sur le corps), ce qui compte c'est l'expérience, la relation directe entre l'âme chose qui pense, et le corps, chose étendue.
La 1ère serait la condition nécessaire du mouvement et de la vie pour le second, faute de quoi l'inertie serait de rigueur.
décret : résulte de l'action décréter, décider que parce que l'on a à exercer un pouvoir.
décider, trancher
↰
discernere ➝ discernement (=jugement)
⤷ discretum
discrétionnaire : pouvoir qui tranche
➝ La volonté serait donc l'apanage, c'est-à-dire le ( privilège particulier de) de l'âme, seule capable de décréter, c'est-à-dire de discerner (ce qu'il faut faire) et de commander l'exécution.
Réponse 1 (1ère objection) : l'expérience présente aussi un autre aspect du corps = le repos = l'inertie (voir le sommeil) du coup l'âme cesse de penser (aucun calcul ni enchainement contrôlé des idées).
Le corps est en même temps une disposition vitale, c'est-à-dire une orientation du désir vers tel objet. Du coup, le corps tout entier dispose le "sujet" c'est-à-dire l'oriente vers cet objet et il devient impossible de maîtriser le cours des pensées. voir la faim, la soif etc …
Sous objection : l'architectonique : art de la construction. Il serait le privilège de l'âme, c'est à dire de la pensée qui conçoit un ordre ( par opposition au corps capable d'une action spontanée, désordonnée et privée de toute finalité complexe). Par ex : construire un édifice de forme raffinée ou encore agencer des lignes, des volumes pour produire de la beauté (l'art se tournant vers les Beaux-arts).
➝ " je joins …" allusion à ce raffinement extrême de l'organisme humain qui lui vaut une "grande sagesse" = une paix remarquable au sein de la société organique = des organes. ➝ Ceux ci pourraient ne pas s'entendre mais ils sont faits avec une faculté d'écoute réciproque = ils peuvent se soutenir les uns et les autres sans avoir à négocier. Tous ces exemples évoquent ce qui se fait tout seul = le spontané avec son ambiguïté c'est-à-dire un phénomène à la fois physique et psychique.
le (possible)
( à quel âge une femme est-elle plus séduisante ? )
la (de toutes)
Réponse 2 : l'expérience prouve à satiété que les hommes voient leur impuissance culminer dans l'art de la maîtrise de soi. Ils ne savent pas tenir leur langue, ni maîtriser leurs désirs. Le désir, c'est l'illimité, la démesure = ce qui défie la mesure.
Ovide : " video meliora proboque, deteriora segnor"
➝ " je vois quel est le meilleur, je l'approuve, je suis le pire". (du verbe suivre)
La raison, le jugement perçoivent certaines réalités, par exemple un risque et le désir nous rabat sur l'inconscience. C'est donc à nous de nous rappeler notre fragilité, c'est-à-dire de prêter attention à une allusion universelle de liberté spontanée et immédiate.
Plusieurs exemples :
- n°1 : le nouveau né désirant le lait c'est-à-dire une aspiration irrésistible qui relève avant tout d'un mouvement du corps. Refuser le lait à l'enfant, c'est lui faire violence, mais c'est surtout lui apprendre que la limite est le premier des apprentissages.
- n°2 : le coléreux attribue son désir de vengeance à un élément authentique de sa personnalité, sans voir que toute vengeance dessine un cercle sans fin (= une absurdité)
- n°3 : le peureux qui fuit cesse de faire face au danger sans voir qu'il est mauvais de lui tourner le dos.
- n°4 : l'ivrogne insulte son prochain mais il le regrette quand il lui faut payer le prix de paroles malheureuses.
➝ A chaque fois le raisonnable a laissé place au déraisonnable.
Le jugement a parlé le langage du désir brut et cela même si une justification a posteriori (après coup) se constitue grâce à des arguments spécieux.
1ère conclusion : nul besoin de raisonner, puisque les faits = l'expérience suffisent. Les hommes s'entretiennent dans une illusion qui repose sur une croyance : celle d'une liberté visible dans les actes, mais détachée de toute autre détermination. En fait, tous nos actes sont déterminés par les causes qu'il s'agit, ni d'ignorer, ni de sous estimer.
Les hommes se croient libres par ignorance des causes qui les font agir.
2nde conclusion : les "décrets de l'âme" supposent des désirs = des mouvements qui nous portent vers tel objet et du coup, des dispositions du corps modifient et infléchissent notre volonté.
La pensée dépend étroitement des états affectifs. Chacun voit les choses ex sou affectu c'est-à-dire selon son point de vue affectif, d'où certaines dispositions très variables à l'action. Par exemple : une affection dominante est tyrannique mais une lutte de 2 affections contraires suscite l'hésitation. Parfois, la neutralité affective nous rend disponibles pour le premier motif qui passe, etc …
➝ mise au point sur deux termes majeurs :
- décret : se rapporte à la pensée
- détermination : renvoie à l'étendue, mais nous observons une certaine simultanéité = ce sont deux aspects d'une seule et même chose. Les hommes sont prisonniers d'une illusion.
➝ la notion de décret libre (de l'âme) ne recouvre aucune réalité puisque tout décret est l'envers d'une détermination = un mouvement du corps.
B- Le conatus (≃ effort)
Spinoza dépasse ce niveau psychologique en allant vers un exposé métaphysique (théorie des principes premiers et généraux).
Spinoza s'interroge sur la situation de la conscience c'est-à-dire : où est-elle ? Sa réponse : elle n'est pas dans une zone d'où elle pourrait observer grâce à un privilège immédiat, c'est-à-dire immédiatement utilisable. Cette conscience est avant tout la réception de certains effets, mais elle ne recueille jamais des causes, d'où son statut : la secondarité (qui vient après) d'où aussi une certaine dévalorisation. Pourquoi ? La conscience se surestime, elle se prête des mérites qu'elle n'a pas, par exemple elle se vante parfois d'un courage qui cache une simple peur, elle se croit libre et responsable par sa volonté sans se demander si cette volonté est libre, d'où la réplique de Spinoza à Descartes : ce qui est insoutenable, c'est le dualisme (=parallélisme ?)
( monisme ≠ dualisme).
" L'homme pense " Spinoza
" L'âme est l'idée du corps " Spinoza
Il expose use vision panthéiste = le tout (l'univers) est identifié à dieu. Dieu = une réalité qui n'a pas besoin de cause extérieure pour exister. Le tout est causa sui = cause de soi, c'est-à-dire il contient en lui-même son principe d'existence et il se réduit à cette affirmation d'une totalité sans extériorité. Spinoza l'appelle la substance = ce qui n'a pas besoin de soi pour exister. On remarque qu'elle est unique, c'est-à-dire qu'il est impossible qu'il existe plusieurs substances.
Par exemple : on ne dira pas que l'âme et le corps sont deux substances. En fait, ce sont deux manifestations particulière de la substance unique et cela selon deux attributs c'est-à-dire ce que notre esprit (humain et limité) peut connaître de la substance et de son essence. Ces 2 attributs sont la pensée et l'étendue.
Chez Descartes, le système était celui d'un rapport inverse = quand l'âme (psychisme) agit, le corps subit et réciproquement
âme ↘ (flèches qui se croisent) dualisme (distinction réelle + union substantielle)
corps↗
Chez Spinoza, c'est impossible puisque les deux termes ne sont pas deux réalités (substances) mais plutôt 2 aspects de la même chose. Du coup ce qui est action dans une série est aussi action dans l'autre. De même pour toute forme de passion. Il existe donc un inconscient psychique.
âme (grande flèche avec petites croix)
corps (" " ")
Donc le corps dépasse la connaissance que nous en avons et du coup, l'âme dépasse la conscience que nous prenons = la pensée ne se réduit pas à sa forme réfléchie. Elle contient des éléments fuyants. D'où le détour nécessaire par le corps = le corps pris comme fil conducteur.
conatus (effort)
↙ ↘
"inertie" "vie"
"inertie" "vie"
(conservation de (=tendance,
soi pure et simple) appétition)
↙ ↘
végétalité, humanité : désir
animalité (tendance + conscience)
( tendance pure et simple,
appétit)
( tendance pure et simple,
appétit)
Spinoza reprend alors l'idée initiale, celle de la totalité = la substance = la cause de soi (causa sui). Elle se définit comme pure positivité? c'est-à-dire affirmation de sa propre existence. Cette propriété se reconnait dans toute existence particulière. D'où la notion d'effort (conatus en latin)
"Tout ce qui existe s'efforce autant qu'il le peut de persévérer dans son être" Spinoza veut dire "Nulle chose ne peut être détruite sinon par une cause extérieure".
On distinguera deux cas :
a) l'existence qui s'affirme par la durée de conservation élémentaire (voir inertie pour les êtres qui ne sont pas vivants ex : minéraux)
b) La vie, c'est-à-dire un dynamisme constitué de mouvements qui conduisent à un mécanisme d'appetition = le vivant connait la croissance puis le vieillissement et il se porte vers des objets. Il consomme à ses propres fins.
Cette vie se partage sur deux lignes :
1- En dehors de l'humain, la tendance spontanée est dépourvue de réflexion (voir végétaux et animaux)
2- Le désir humain c'est-à-dire la "tendance accompagnée de conscience". Spinoza " le désir est l'essence de l'homme" c'est-à-dire que chacun de nous est un ou plusieurs désirs. Nous n'avons pas tel ou tel désir (c'est une propriété, une disposition) nous ne définissons entièrement pas l'acte de désirer.
NB : Spinoza contrarie résolument la tradition (judéo-chrétienne) : avant Spinoza le désir passe pour une souillure = la marque d'un défaut humain. (Dieu ne désire pas) Spinoza réhabilite le corps et le désir. Le corps exprime la substance c'est-à-dire l'existence infinie dans l'attribut étendu. L'âme n'a pas de privilège sur lui, c'est-à-dire elle connait des phases de passivité et de vacuité (vide). L'âme n'est pas "plus digne" que le corps, et vice versa.
Le désir n'est pas un manque, une trace du néant, le résultat d'une frustration. C'est plutôt une affirmation, celle de la vie comme activité, mouvement, dynamisme et devenir. Le désir est la clé de nos conduites.
" Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne ; au contraire, si nous jugeons bonne une chose, c'est parce que nous la désirons."
Ce n'est pas la perception d'une valeur par l'entendement qui rendrait désirable un objet, au contraire, tout commence par un mouvement qui porte vers un objet perçu comme désirable, après quoi l'entendement fait son oeuvre et élabore une interprétation, par du temps, c'est une justification. L'ivrogne a commencé par rencontrer le vin, il y a pris plaisir, il y a vu un objet de valeur, désirable. Après cela, son jugement s'est constitué comme justification de cette dépendance mais il est faux que le désir soit parti d'un jugement de valeur, puisque c'est impossible. L'entendement sain, ne peut pas juger bon un corps comme le vin qui peut altérer une personnalité et l'affaiblir jusqu'à détruire le jugement lui-même.
Nous sommes désir. Toute conscience traduit une charge affective. L'ivrogne ou le fou sont du désir, mais le sage est aussi un désir, celui de comprendre et d'expliquer le monde où il vit. Le sage ne désire pas moins que l'ivrogne. C'est-à-dire il s'efforce de persévérer dans son oeuvre, mais le fou désire de façon aberrante dans l'autodestruction. Alors que le sage désire dans et par la raison. D'où "ne pas rire, ne pas désespérer, ne pas haïr, mais comprendre". Il est trop facile de se moquer d'autrui ; le désespoir conduit à l'affliction, la haine conduit à la guerre et à la violence. On peut se fier à l'entendement, chercher à expliquer. On ne commande à la nature qu'en lui obéissant.
C- Critique
Le projet de Spinoza, géométriser la vie psychique c'est-à-dire utiliser une méthode mathématique pour traiter les affections comme des objets. Les désirs sont des phénomènes naturels, intégrés à des chaînes corales? d'où leur soumission à des lois inviolables, leur parenté profonde avec toute réalité naturelle.
La méthode qui peut rendre compte de l'affectivité.
Toute affection est explicable, on peut la mettre à plat et à nu.
Spinoza : "une affection qui est une passion cesse d'être une passion aussitôt que nous en formons une idée claire et distincte." La méthode consiste à rendre les états affectifs transparents pour la raison humaine. Un affect devient un objet parmi d'autre, c'est-à-dire qu'il n'est plus le privilège d'un sujet, d'une subjectivité. La méthode se veut scientifique, elle rattache un effet à ses causes. Un affect résulte d'une confrontation entre l'homme et le monde. Chacun est plongé dans l'ordre universel des choses.
Du coup, notre affect va également dans l'ordre des choses. Il suffit de prendre conscience d'un affect, avec un regard qui objective et du coup nous brisons une chaîne, c'est-à-dire que l'affect n'est plus ressenti confusément. Il est renforcé dans son contexte (dépassionné). Nous le coupons de ses réactions psychomotrices. Il perd son retentissement émotif. Je souffre d'une tristesse qui m'abat mais je peux analyser ce sentiment et surtout ses causes. Spinoza voit qu'il y a un inconscient psychique, c'est-à-dire une passion ne se réduit pas à un simple envers d'une action du corps. Cet inconscient est presque inerte, il n'a pas de dynamisme propre. L'expérience des troubles psychiques se sépare de cette observation. Il y a dans le moi un élément spécifique qui n'est pas objectivante. Qui échappe à l'empire du géomètre.
Le moi refoule et résiste.
Limites de ce projet : l'expérience de la cure analytique des traitements des névroses. Le patient se livre à la pratique de l'association libre, c'est-à-dire il parle sans être sollicité. L'origine de sa névrose serait une scène primitive = vous avez surpris l'accouplement de vos parents et vous en retirez une blessure narcissique.
L'hypothèse de Spinoza est qu'il suffirait de le savoir pour briser la chaine de la névrose.
Critique de cette hypothèse : Et pourtant, il ne suffit pas d'interpréter et d'expliquer, il faut vaincre les résistances refoulement = apprendre à vivre en harmonie avec une vérité qui a traumatisé, d'où un travail du patient sur lui-même.
Le sujet traverse une phase de travail, il se transforme et vise à une sorte de paix.
Bilan : 1- Avec Descartes, l'hypothèse d'un inconscient contraire à la conscience, mais purement physique.
2- L'hypothèse d'un inconscient psychique, mais neutre face à la conscience (ce n'est pas une anti-conscience).
3- L'hypothèse d'un inconscient à la fois psychique et contraire à la conscience. Freud
3- L'indicernabilité des deux aspects
A- Hypothèse topique
Il est impossible qu'un seul système assure deux fonctions opposées et incompatibles :
a- conserver des traces
b- pouvoir recevoir à tout instant des impressions nouvelles, offrir au monde extérieur une réceptivité toujours disponible.
Conclusion : Il faut deux systèmes.
Extension de l'idée chez ➞ Freud : ("l'interprétation des rêves") : on distinguera différents lieux dans le psychisme, d'où la notion des instances de l'appareil psychique. Freud est aux antipodes de Descartes, inétendu et divisible. D'où la notion d'appareil machine mais aussi de dispositif qui rappelle aux institutions. D'où les résonances juridiques, il y a des instances : des autorités habilitées à trancher, arbitrer. Tout cela doit fonctionner, chacun exercera une fonction.
1.Le "ça", traduction du pronom personnel de la 3ème personne du singulier. Au neutre, voir "il pleut" ou "il y a". C'est le mot de l'impersonnel. Le "ça" est le point de départ dans la genèse de la personnalité. Le nouveau né confronté au monde extérieur, lui-même se réduit à un "réservoir de pulsions".
Pulsion = une réalité intermédiaire entre le physique et le psychique. Tout ce qui représente dans la pensée les exigences du corps. Freud ne distingue pas entre âme et corps. La pulsion n'est pas l'instinct. L'instinct est un montage spécifique naturel (aucun individu n'y échappe). La pulsion varie dans ses modalités.
4 éléments pour la pulsion :
1- La source, une partie de l'organisme soumise à l'excitation.
2- La poussée c'est-à-dire la quantité de travail, la dépense énergétique contenue dans cette activité.
3- Le but : abolir la tension qui produit la pulsion.
ex : pour l'acte sexuel, le but est l'orgasme.
4- L'objet : le moyen utilisé pour parvenir au but.
ex : pour l'orgasme, l'acte sexuel accomplit avec son partenaire habituel.
NB : Il est impossible de supprimer la notion de but, il faut toujours une détente, mais on peut toujours modifier le moyen et agir indirectement sur le but.
ex : Après un deuil pathologique, le survivant reporte son affection de façon caractérisée sur un animal domestique. = La sublimation, elle, est vitale dans la civilisation pour analyser les pulsions destructrices. Les pulsions sont le fondement de la vie psychique c'est-à-dire une sorte de soi végétatif sous lequel il n'y a pas de vie psychique.
Texte 4 : Le "ça" est chaotique, un parfait désordre, un ensemble qui change de forme en permanence. Il n'y a pas de forme définitive, pas de "maturité".Plusieurs propriétés immuables :
ex : les pulsions ignorent les principes de la logique, l'identité:
a = a ;
la contradiction n'est pas à la fois une chose et son contraire. De même, le "ça" exclut la nécessité, la rigueur des relations spatiotemporelles (ainsi, la succession et la simultanéité n'y ont pas cours).
Aucune notion morale, mais plutôt l'indifférence au bien et au mal. Le "ça" ne se connait qu'un principe, celui de plaisir. Il faut aller immédiatement vers la satisfaction de la pulsion = vers la détente = vers la suppression d'une tension.
ex : la sexualité à l'état pur recherche l'orgasme, qui est la détente de toute tension.
2. Le "moi" : la couche superficielle du moi qui gagne son anatomie au contact du monde extérieur. A ce moment apparait la possibilité d'un sujet, quelqu'un qui pourra dire "je". L'enfant apprend à connaître les pulsions par leurs effets et par les adultes qui lui montrent la distinction entre le possible et l'impossible. D'où la découverte de la réalité et avant celle du monde extérieur. Il résiste à notre fantaisie, à nos désirs, c'est à nous d'aménager nos satisfactions
ex : reporter, différer, remettre à plus tard, donc limiter les effets du principe de plaisir. Le principe de réalité se forme, c'est-à-dire l'éducation a commencé (apprentissage de la nutrition, de la propreté).
Le moi a pour principale raison d'être de résoudre des conflits, et cela par des compromis , des concessions, le "ça" ne le fait jamais. Une pensée peut en exclure une autre. Le principe de réalité rend possible l'avenir = la construction du sujet par lui-même. Être un sujet c'est savoir se projeter dans l'avenir. (former des projets, mais aussi répondre de ses actes.)
NB : subconscient : ce terme est à bannir, on ne sait s'il s'agit d'une conscience de moindre qualité ou d'une autre conscience située en dessous de la première. Une seule distinction à maintenir, celle des processus conscients et inconscients. Une certitude s'impose en permanence. Le ça est tout entier inconscient mais le moi n'est pas La conscience. Il contient certains éléments conscients et cela de façon immédiate, d'autres peuvent le devenir. Enfin, ce qui refoule et résiste dans le moi reste inconscient.
3. Le "surmoi" résulte de l'action éducative qu'exercent les adultes. Les leçons morales s'introduisent pour former un autre aspect de la personnalité, pour former une conduite, le surmoi est d'abord un ensemble d'images (quasi extérieures) puis, peu à peu, cet ensemble s'intériorise et ainsi, il devient abstrait. Il commence par être la figure des éducateurs, et il finit sous la forme de principes moraux et impersonnels ("désincarné") ainsi, le bien et le mal, la vertu et le vice, le juste et l'injuste, la sainteté et le pêché. L'immaturité (?) réside dans la persistance des images premières, c'est-à-dire dans l'impossibilité d'abstraire : le bien en soi, le mal en soi.
NB : Un abîme sépare le moi et le surmoi, le moi est lié au principe de réalité et ce principe n'a rien de moral, il touche au possible et à l'impossible. Le surmoi est entièrement consacré aux moeurs et à la morale. Il est directement connecté à la société, à sa culture. (+ texte 9)
B- La question d'équilibre
Problème : La psychanalyse promet l'équilibre pour les passions, mais aussi pour tout le monde puisque la névrose est universelle. L'un des symptômes névrotique, le bonheur, la santé suppose l'équilibre, une certaine harmonie, le ça, le surmoi. Ce qui suppose l'équilibre des trois instances, voir le problème du surmoi parfois féroce(il est toujours négatif et critique = il censure).
De même, le "moi" est toujours malheureux, il est enserré entre le "surmoi" , le "ça", le monde extérieur. Tout se joue dans le moi, il peut négocier
Deux orientations pour la psychanalyse, cad deux traductions pour une formule :
a- "le moi doit déloger le ça".
Elle contient une absurdité, le "ça" c'est le corps des pulsions, c'est-à-dire la vie biologique, conclusion, déloger le "ça" serait mourir, néanmoins, cette orientation a convaincu.
ex : Aux USA avec la tendance de "l'égo- psychologie", on renforce des défenses su sujet à force d'interdits moraux et on intègre dans un mode de vie imposé = on le normalise.
b- "Là où était le "ça" le moi doit advenir".
Cette fois, on ne déloge pas mais on propose au "moi" d'écouter le "ça" et de vivre en bonne intelligence avec lui.
La lecture "a" tourne à la répression (des désirs), tandis que la version "b" propose leur expression. Le sujet sain est lucide = il voit clair dans ses désirs , il peut " deviner en connaissance de cause". d'où une invitation à la connaissance de soi par des indices et des symptômes, ce qui fait de nos relations à l'inconscient.
C- Le sujet et son inconscient
➝ Freud : "le rêve est la voie royale pour accéder à l'inconscient".
C'est-à-dire une connaissance parcellaire, une analyse interminable mais vitale. Le sommeil est la satisfaction non déguisée d'un désir non refoulé, le rêve est la satisfaction déguisée d'un désir refoulé. En apparence, tout oppose le sommeil et le rêve. En fait, ils sont solidaires. Sans le sommeil, le rêve est impossible, réciproquement, sans le rêve, le sommeil est fragile et inconsistant.
➝ Freud : "le rêve est le gardien du sommeil, en cas de perturbation, le rêve peut intégrer cette perturbation".
Le rêve se définit par des procédures, des règles de composition qui expliquent son ambiguité, il est à la fois régressif, brutal et raffiné comme un écrivain satirique qui parvient à tourner la censure.
1. La condensation, le rêve superpose des images par ressemblance (du figurant avec le figuré).
ex : le père apparait comme un policier ou un juge.
2. Le déplacement : l'accent se porte sur un élément qui parait secondaire mais qui dit à sa manière la chose même. Ici, nulle ressemblance, mais une proximité par la logique, le temps, ou l'espace.
NB : Ces deux règles évoquent le rapport métaphore + métonymie. D'une part, la ressemblance : "toute la salle applaudit", "lever le coude" = boire trop …
Dans un rêve, un individu apparait accomplissant ce geste, sans verre ni alcool, l'expression est prise au sens littéral mais plus fort, car frappant.
➝ Freud : "le rêve est un rébus". (rébus : lognitur : parler au moyen des choses)
( faire schéma cours )
Dans un rêve, tout doit pouvoir être figuré, c'est-à-dire représenté virtuellement : même un bruit doit avoir un équivalent virtuel.
4- L'élaboration secondaire, c'est à dire ce qui sépare le moment du rêve et celui de la prise de conscience = ce qui rend "acceptable" tel ou tel détail trop cru.
D'où un abîme entre deux aspects des démarches oniriques :
1,2,3 = processus primaire c'est-à-dire association libre, ultra rapide et incontrôlable.
4 = mise en forme "définitive" du rêve, c'est-à-dire préparation d'une donnée analysable.
ATTENTION : Le rêve n'est pas une traduction, c'est-à-dire il n'y a pas un texte primitif puis un codage, c'est-à-dire le passage d'une langue à une autre. Il y a des symptômes constituant un scénario = une incitation à interpréter. Mais on ne peut pas concevoir un dictionnaire, c'est-à-dire un système d'équivalences (d'une langue à l'autre). Interpréter un rêve, c'est élaborer un texte sur des indices qui ne sont pas des éléments de texte.
Les différents rébus de la feuille :
5 - Arago chérit la droiture par dessus tout ( are à gauche eril à droite ure par dessus tout).
6- Mademoiselle Sophie, je vois sans eau à votre santé ( mademoiselle sauf I je bois sans O à votre sans T )
7- L'oisiveté nous entraine souvent au mal ( "nous" entre N)
11- Un grand abbé plein d'appétit a traversé Paris sans souper ( un grand A B plein d'"a" petits …)
12- Les dimanches on dit la messe ( les 10 manches on 10 lames S)
13- Les jours se suivent et ne se ressemblent pas.
Les rébus, c'est-à-dire une suite d'images à laquelle on accroche une suite de signifiants, soit des images acoustiques. Il s'agit de deux découpages très différents. Celui du rébus est aberrant, au regard de la succession réglée qui doit triompher.
Par exemple : 2 images font deux signifiants en découpant le mot à trouver de façon aberrante.
Conclusion générale sur le rêve : on peut parler d'une interprétation mais ce n'est pas une traduction : chaque rêveur produit son propre texte, c'est-à-dire travaille pour lui-même en fonction de son passé, mais aussi de ses projets, c'est-à-dire du mode de vie qu'il veut adopter.
Le rêve suscite l'analyse mais il s'agit d'une production = on ne retrouve pas un texte antérieur, on le constitue comme référence voire un imaginaire personnel.
NB : On observera la continuité troublante qui s'établit entre deux pratiques de l'imaginaire. D'une part, le rêve, avec ses mouvements métaphoriques etc … D'autre part le travail du poète, c'est-à-dire la culture des images. Voir Rimbaud : une pratique de l'hallucination : "un long effort de dérèglement de tous les sens".
Le bateau ivre : " Et j'ai quelque fois vu ce que l'homme a cru voir".
Le voyant confirme ses visions alors que l'homme de la rue préfère la rationnaliser.
ex : L'homme de la rue dira "je crois avoir vu un visage dans le ciel mais ce n'était qu'une apparence" ( un ensemble de nuages qui prenaient une forme rare.)
Le poète voyant dit " j'ai vu un visage dans le ciel ".
Retour à l'en tête du plan de la leçon :
Problématisation : le principe, c'est-à-dire le point de départ sera la subjectivité = ce qui fait la spécificité de tout le sujet, ce qui le distingue de tout objet = la faculté de penser. C'est la certitude immédiate, celle qui ne provient d'aucune autre.
Or : la conscience se dit en 2 sens : d'une part la relation à ce qui est, d'autre part, le rapport à ce qui doit ou devrait être.
D'où la distinction entre conscience psychologique et conscience morale (le rationnel et le raisonnable).
Inconscient est un adjectif ambigu qui se rapporte d'une part à ce qui échappe à notre conscience, d'autre part à ce qui constitue l'irresponsabilité (je ne peux pas répondre de mes actes).
Ne pas confondre deux espèces de définitions :
a- Définition de nom ou nominale : elle dit comment distinguer cette chose de toutes les autres.
NB : le risque est celui d'une détermination négative, c'est-à-dire d'une connaissance indéfinie.
b- La définition réelle (ou de chose : res) : elle dit à quelles conditions la chose devient possible.
ex : en géométrie, toute définition doit être réelle = montrer comment on produit la figure. Exemple : le cercle, par déplacement d'un segment de droite sur une extrémité.
La définition est alors génétique.
Question finale : nous possédons la conscience, et nous savons que sa condition nécessaire c'est la subjectivité, mais ce statut, c'est à dire cette opposition de sujet à l'objet est-elle une connaissance réelle de la vie à la conscience (=sans risque d'illusion)
NB : les termes scolastiques
ratio essendi : ce qui rend possible une chose
cognoscendi : ce qui permet de connaître une chose.
La subjectivité est la condition nécessaire de la conscience et de son côté, la conscience nous fait connaître la subjectivité de façon réfractée, indirectement.
A propos du 3 (du plan) : La psychanalyse se bat pour redécouvrir un certain dynamisme de la pensée et pour dénoncer toute réification de la pensée, de sa liberté etc ...
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