lundi 16 mai 2011

Chapitre B - G. - 3

Chapitre B :                Un Etat et un espace en recomposition : La Russie

La Russie est-elle en train de redevenir une grande puissance mondiale ?

         1- L’annonce d’une renaissance russe
                   a- Le rétablissement de la « verticale au pouvoir »

         La Fédération de Russie est la plus importante de ce qui reste de l’implosion de l’URSS, en 1991. La transition postcommuniste est toutefois marquée par un impressionnant affaiblissement du pays et de l’Etat. Certains « sujets » de la Fédération parviennent à se rendre largement autonomes, voire indépendants. Le pays s’enfonce par ailleurs dans l’impuissance politique et la corruption. Une nouvelle classe d’hommes d’affaires, les oligarques tire profit de manière très trouble des privatisations des grandes entreprises par Boris Eltsine. 
         L’arrivée au pouvoir de Vladimir V. Poutine en 1999, marque un tournant. Désireux de rétablir la puissance russe, il soumet étroitement les régions au pouvoir central et sa lance à la reconquête de la Tchétchénie. L’Etat remet ainsi la main sur un certain nombre de secteurs clés de l’économie, notamment dans le domaine énergétique. Les sociétés d’Etat comme Gazprom ou Rosneft possèdent désormais plus de la moitié des intérêts pétroliers nationaux. Le rétablissement de « la verticale du pouvoir » et d’un pouvoir d’état capable de se faire respecter donne toutefois lieu à un étouffement progressif de la démocratie. Les médias sont ainsi étroitement contrôlés. La corruption ne paraît pas avoir diminué de façon sensible. L’opacité du cadre juridique russe limite enfin les investissements étrangers.

                   b- La restauration de la puissance ?

         La Russie a hérité de la puissance nucléaire et du siège permanent à l’ONU de l’URSS. Les années 90 sont néanmoins marquées pas l’effondrement de sa puissance. L’ancien bloc soviétique (PECO) intègre l’UE et l’OTAN. Le complexe militaro-industriel, l’armée et la marine sont laissés à l’abandon.
         Toutefois, depuis quelques années, la Russie est de retour sur la scène internationale. Elle est désormais membre du « club des grandes puissances économiques ». Par ailleurs, Moscou joue un rôle pivot dans la coopération économique et même stratégique entre les BRIC. Elle a constitué avec la Chine et les pays d’Asie centrale ex-soviétiques l’organisation de coopération de Shanghai (COS). Elle entend ainsi faire contrepoids à l’unilatéralisme américain.
         Sur le plan militaire, l’arsenal nucléaire est en cours de modernisation et des programmes d’armement conventionnels ont été relancés. Toutefois, la Russie n’a guère les moyens d’une présence mondiale. Elle a par ailleurs du mal à s’imposer, même dans ce qu’elle considère comme sa zone d’influence. La Géorgie et l’Ukraine ont ainsi adopté des postures pro-occidentales et cherchent à intégrer l’OTAN. Pour Moscou, il y a là un processus inacceptable d’encerclement de la Russie. Cet abcès de fixation auquel s’ajoutent des questions concernant le transit de produits énergétiques a donné lieu à une guerre entre la Russie et la Géorgie en aout 2008.
         Enfin, le soft power connaît un certain déficit, qui rend le pays encore peu attrayant aux yeux se beaucoup. 




                   c- Les ressources naturelles : un atout capital

         Grâce à l’immensité de son territoire, la Russie peut compter sur d’immenses ressources énergétiques et minérales. Elle est ainsi le premier producteur mondial de gaz, le 2ème de pétrole, et le 3ème d’électricité. Les richesses en diamants, en or et en nickel sont également énormes. Les minerais de l’Oural sont actuellement en déclin mais la Sibérie recèle toujours d’immenses richesses. Le pays dispose enfin de 8,5 millions de km2 de forêt, soit environ l’équivalent du Brésil.
         La montée irrésistible de la demande mondiale en matières premières notamment énergétiques donne à la Russie une position de fournisseur incontournable de l’Europe et bientôt de l’Asie Orientale. Elle trouve là le moyen d’affirmer de nouvelles ambitions géopolitiques notamment dans les pays de « l’étranger proche ». Cette « diplomatie des hydrocarbures » s’est ainsi traduite par la coupure du ravitaillement en gaz de l’Ukraine en janvier 2007. Moscou entend aussi devenir le pourvoyeur quasi exclusif de l’Europe par le contrôle des réseaux de tube, notamment en Asie Centrale. La construction des gazoducs Blue Stream permettrait par ailleurs de contourner l’Ukraine et les pays baltes potentiellement hostiles. L’UE tente mollement de s’y opposer en lançant les projets BTC et Nabucco. Ils permettraient d’acheminer les ressources du Kazakhstan et du Turkménistan par la Géorgie en évitant la Russie. Cependant, les projets russes l’emportent pour l’instant.
         Pour réaliser ses objectifs, Moscou doit néanmoins sortir d’une logique de mise en valeur extensive et superficielle des ressources. Les infrastructures souvent vétustes doivent être modernisées, ce qui nécessite des investissements occidentaux.

2- Une économie et une société en pleine mutation
         a- Une croissance substantielle mais vulnérable

         Depuis 1991, la Russie est passée à un système économique libéral. La transition s’est effectuée par une privatisation rapide et massive sur fond de corruption et de violence, et a débouché sur le recul de 50% du PIB. Elle connaît des années de forte croissance, et son économie se transforme profondément. Les services représentent 60% de la population active contre 40% en 1990. Dans le même temps, la structure de l’industrie se simplifie au profit des secteurs de base. Aujourd’hui, le secteur de l’énergie produit à lui seul 30% de la richesse nationale.
         Par ailleurs, le pays s’est ouvert aux investissements. Les entreprises de la grande distribution internationale sont présentes dans les grandes villes russes (Auchan, Ikea …). L’adoption d’une législature favorable au domaine automobile permet à des groupes étrangers d’implanter des usines de montage (Ford, Hyundai, Renault). Les grands groupes russes internationalisent eux aussi leurs activités : Gazprom, le géant mondial du gaz a une politique d’acquisition méthodique des réseaux de distribution étrangers (Serbie, Bulgarie).
         La Russie a donc aujourd’hui une économie dynamique en voie d’ouverture et de modernisation. Elle est considérée par certains, avec le Brésil, l’Inde et la Chine comme l’un des futurs grands acteurs économique mondial. Mais elle reste cependant vulnérable. Son économie apparaît insuffisamment diversifiée notamment dans les NTIC. Ses performances dépendant trop du maintien du cours élevé des matières premières. La prise de contrôle par l’état d’entreprises clés pose aussi problème et apparaît parfois en contradiction avec l’ouverture et la mondialisation de l’économie russe.

         b-  Bouleversements sociaux et choc démographique

         - La transition des années 90 est accompagnée d’une montée spectaculaire des inégalités. Certains dirigeants d’entreprises, les yuppies, les mafieux, connaissent une ascension vertigineuse. Ces « nouveaux russes » se signalent par un train de vie luxueux et très tape-à-l’œil. A contrario, la pauvreté s’étend à près de 40% de la population, notamment les salariés de la fonction publique et les retraités.
La croissance des années 2000 aboutit à une amélioration spectaculaire. Une classe moyenne nombreuse et avide de consommation apparaît. La pauvreté ne concerne plus que 16 % des russes. Elle se concentre désormais dans les campagnes et dans certaines régions non-russes de la périphérie (Caucase …)
         - En fait, le problème de la Russie est avant tout celui de l’effondrement démographique. Sa population est passée de 148 millions d’habitants en 1991 à 142 millions en 2010. Le taux de natalité s’est effondré comme partout en Europe de l’Est. Surtout, la mortalité reste exceptionnellement élevée. Celle-ci se traduit par une espérance de vie spectaculairement basse de 59 ans environ, contre 79 en France. Elle est en fait comparable à celle des PMA. Cette situation s’explique par la détérioration du système sanitaire, par une criminalité comparable à celle du Brésil, et surtout par l’alcoolisme. Toutes causes, qui elles-mêmes découlent du choc provoqué par la brutalité de la transition post-soviétique. Bien évidemment, les perspectives d’avenir sont inquiétantes, notamment pour ce qui concerne la Sibérie, confronté à la pression démographique chinoise.
         L’immigration issue en particulier d’Asie centrale et des ex républiques soviétiques tend aujourd’hui à prendre de l’ampleur. Elle constitue une réponse partielle aux problèmes démographiques.
                

3- La recomposition du territoire
         a- Un territoire à réaménager




         La Russie est un pays continent, le plus vaste du monde. Son territoire couvre plus de 17 millions de km2 (le double du Canada-. Il s’allonge sur 9000 km d’Ouest en Est (et 11 fuseaux horaires). L’immensité, la longueur de l’hiver, très rude, le pergélisol, la raspoutitsa en Sibérie perturbent fortement la mise en valeur de l’espace et des ressources. Elle nécessite donc un effort de maîtrise technique et financière énorme. La partie européenne est relativement bien desservie par les infrastructures de transport, tandis que la partie asiatique l’est beaucoup moins, à l’exception de la partie, le long du transsibérien et du Bam.
         La Russie reste de surcroit relativement enclavée. La fin de l’URSS l’a privée des installations portuaires des pays baltes et d’Ukraine (Sébastopol, Odessa). Aussi doit-elle réorganiser en urgence ses façades maritimes. L’étroite côte russe de la baltique dispose désormais autour de Saint Petersburg d’un système portuaire modernisé et diversifié. En mer Noire, Novorossisk, principal port russe connaît une croissance spectaculaire. Moscou chercher aussi à garder un contrôle sur la Crimée et le port de Sébastopol certes ukrainien mais peuplé de russophones. La Province maritime  en extrême orient semble promise à un bel avenir (Vladivostok).

         b- Le recentrage de la Russie

         La recomposition de territoire répond aux logiques de la libéralisation et de la mondialisation. Elle profite surtout au « centre occidental », autrement dit : la Russie d’Europe. Elle est un lieu de concentration d’activités qui renforce toujours davantage sa prépondérance. Les flux migratoires internes venus de Sibérie et externes venus de l’espace ex-soviétique confirment eux aussi le repli sur le centre des hommes.
         Plus que jamais, Moscou s’affirme comme le centre d’impulsion majeur du pays. Il renforce son poids démographique (11 millions d’habitants) et ses fonctions de commandement. La capitale concentre 75% des IDE, 80% du chiffre d’affaire des banques ou du trafic aérien. L’aménagement du quartier d’affaires de Moska City montre qu’elle cherche à devenir une métropole mondiale. Moscou entraîne dans sa croissance un axe vers St Petersburg, deuxième ville du pays.
La plupart des capitales régionales de la région centrale progressent également. Ainsi, les villes de la Volga, Nijni-Novgorod, Samara, Volgograd, Kazan … s’affirment comme des relais de la capitale.   

         c- Les espaces périphériques

         - Certaines périphéries continuent d’être intégrées au « centre occidental », par des fonctions de production ou en jouant un rôle de fournisseur de matières premières. En Russie d’Europe, c’est le cas des régions d’industrie lourde, comme l’Oural qui connaissent une certaine renaissance. Iekaterinbourg et Tcheliabinsk restent des bastions du complexe militaro industriel.
Un autre ensemble est formé par les grandes villes espacées le long du transsibérien, entre l’Oural et le lac Baïkal. Ainsi, Tioumen est la base arrière des champs de pétrole et de gaz de Bakou III. Novossibirsk  est un pôle scientifique et universitaire important.
         - Les régions les plus périphériques connaissent quant à elles une marginalisation croissante. La Sibérie orientale subit même une véritable hémorragie de sa population du fait des contraintes climatiques et de la fin de la politique des fronts pionniers de l’époques soviétique.
L’extrême sud caucasien est peuplé mais agité, le conflit tchétchène n’est pas complètement apaisé et connaît de fortes résonnances en Ingouchie et en Daguestan.
         A une échelle plus grande, on constate que même en Russie d’Europe, les terres cultivées et les villages sont progressivement abandonnés dans les zones mal desservies. La population rurale se concentre près des grands axes de communication et à proximité des villes. Globalement, on assiste à un phénomène de rétractation du peuplement. 

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