L’HOMME À LA CAMÉRA – ANALYSE LINÉAIRE
1- Générique
2- Que le spectacle commence / prologue
On introduit le fait que c’est un film sur le cinéma, ce qui induit une certaine réflexivité (même le pire des navets dit quelque chose du cinéma). C’est un film qui revient vers le cinéma, mais aussi un film sur le cinéma.
Le premier sujet du film, c’est le film lui-même car comme pour d’autres films (Le Mépris, La nuit américaine, ou Sunset Boulevard) on voit l’opérateur au début du film.
Le propre de la réflexion c’est le mouvement de retour sur soi, mais aussi le reflet : les miroirs réfléchissent notre image. Ils nous permettent de réfléchir sur nous-mêmes.
Autre détail annoncé dans le prologue : ce film est destiné à tout le monde, les personnes qui entrent dans la salle sont aussi bien des enfants que des femmes, ou des personnes âgées. Ce qui induit que le cinéma n’est pas fait pour l’élite, mais pour les masses.
1ère image : la caméra est tournée vers nous.
2ème image : première apparition de l’homme à la caméra. On note l’écran partagé, qui annonce le fait que le film va avoir recours à l’ensemble des procédés techniques dont le tournage et le montage disposent.
3ème image : contre champ de la caméra (système de champ/contre champ)
4ème image : pourquoi l’opérateur disparaît-il ? Parce qu’on passe à la phase projection. Il a fini son rôle.
Image 6 et 7 : introduction de l’appareil de projection et du projectionniste. Après avoir exhibé le processus de réalisation du cinéma, on montre celui de sa projection.
8ème image : la foule qui rentre dans la salle.
9ème et 10ème image : musiciens + chef d’orchestre.
La projection était à l’époque accompagnée en direct par un orchestre. On trouve ici l’idée que comme le film est en cours de préparation pour sa projection, c’est la même chose pour la musique. Si le film n’a pas commencé, c’est la même chose pour la musique. Ce procédé crée d’ailleurs une attente.
A propos du montage de L’homme à la caméra : on pourrait parler de montage musical, car comme en musique, on a des effets de rythme. Comme dans une symphonie, on a des thèmes musicaux qui disparaissent et réapparaissent.
11ème image : tout commence comme une étincelle, qui fait tout partir, qui déclenche le processus. Ce plan rappelle l’aspect technique du cinéma, et annonce les plans des très nombreuses machines qu’on verra dans le film.
On peut d’ailleurs noter qu’il y a une comparaison du cinéma avec tous les autres domaines de travail : Vertov fabrique du cinéma.
3- La ville dort (8minutes)
Les plans sont fixes, et ce qui se trouve dans le cadre lui-même est immobile. L’ambition de Vertov est de rendre compte de tous les mouvements qui vont animer cette ville. Or, le mouvement, c’est le propre de la caméra.
Le mouvement progressif de la ville et celui de la caméra évoquent un « art » de la vie, car ils restituent ce mouvement qui caractérise la vie.
4- La ville s’éveille (21minutes)
Le rythme ne cesse de s’amplifier. On voit tout ce qui bouge : véhicule à cheval, train, tricycle, avion …
En parallèle, on a la réapparition de l’homme à la caméra qu’on voit se déplacer et ses placer dans des positions incongrues : filmer à terre, mettre la caméra dans un trou, ou s’installer sur le marche pied du train … Il y a parfois des travellings, et on note aussi l’utilisation de la caméra portée (ou caméra épaule). Pour filmer ceci, il y a un second opérateur.
Quelques passages particuliers :
1- Le plan sur la femme en train de dormir alterne avec le plan de l’opérateur. Le montage laisse supposer un rêve/cauchemar qui la réveille.
2- Il y a un rapprochement métaphorique caméra / œil. On établit un parallèle à propos de la mise au point notamment dans les plans où l’on voit l’objectif avancer ou reculer. Puis, on voit les branches de lilas d’abord floues, puis nettes. On assimile l’œil de la caméra à celui de l’homme. Cette démarche pour faire la netteté rappelle le processus d’accommodation pour l’homme. Ce à quoi s’ajoute un parallèle entre le clignement des yeux, et le battement des persiennes, qui s’ouvrent et se ferment, tous deux mis en relation avec le diaphragme.
3- Le marché : occasion d’introduire quelques portraits qu’on reverra plus tard. Ceux-ci témoignent de la volonté de Vertov de filmer les gens de tous âges, et de toutes origines. Il y a la volonté de faire apparaître à l’écran les classes sociales qu’on ne filme pas d’ordinaire. Ici, on filme les gens tels qu’ils sont.
5- Mais au fait, comment est-ce possible ?
Photogramme 1 : rappelle que cette partie commence par des travellings qui suivent d’autres voitures. Pour suivre la voiture travelling, il faut encore une autre voiture, ce qui rappelle une fois de plus l’idée de la réflexion.
Unité de la séquence : donnée par la voiture à cheval qui arrive à destination.
Image de train rappelle que le montage Vertovien fait fi de l’espace temps, il rapproche les images dans un but métaphorique.
L’histoire du cinéma et celle du train sont intimement liées.
Photogramme 3 : on y voit des citadines, par opposition à la paysanne du marché et à la femme au voile. La femme qui imite le mouvement du caméraman est en fait un clin d’œil réflexif : « vous me filmez, moi je vous imite ».
Photogramme 4 : l’image se fige sur un cheval.
Photogramme 5 : l’image est « gelée ».
Photogramme 6 : on assiste au travail de la monteuse : on montre la pellicule, puis l’image en mouvement.
Dans cette séquence, on voit toutes les opérations du montage : trier, couper, assembler. On assiste ainsi à la fabrication du film. C’est également une sorte d’hommage au travail de montage dans l’homme à la caméra. Surtout, dans cette séquence le rythme s’est ralenti, surtout au début avec la succession d’images fixes, pour qu’il reprenne il nous faut alors comprendre comment fonctionne le cinéma. D’où la mise en avant du travail de montage et des travellings.
Photogramme 11 et 12 : rapprochement de mouvements. L’image s’arrête puis redémarre : Vertov montre comment le cinéma peut avoir des résultats magiques : on a l’opérateur sur la caméra, mais aussi sur la chope de bière. En même temps, on explique les trucages. Vertov tient clairement à montrer qui fabrique le cinéma, que c’est le résultat d’une fabrication.
6- Les temps forts de la vie
Les âges de la vie défilent, on assiste à un divorce, qui est une des conquêtes du régime soviétique.
Il y a aussi une antithèse : on associe la naissance (l’accouchement) et la mort.
7- Accélération
Ambulances / pompiers. Cette séquence est traitée sur le mode de la vitesse, incarné par les moyens de transport. Le mouvement s’accélère, le ciné-œil qui bouge dans tous les sens saisit des images au vol.
8- Les métiers soviétiques
Il y a une métaphore couture / montage : dans les deux cas, on assemble des morceaux.
Les boîtes font penser aux Temps modernes. La journée de travail prend fin.
9- Les loisirs soviétiques
Dans cette partie, il y a un souci didactique. On conseille au peuple des loisirs non abrutissants, mais ceux ci ont lieu, sont pratiqués au sein du club ouvrier : échecs musique, lecture de journaux.
En fait, on suit le développement linéaire du film : après la toilette et le travail, voici les loisirs. Ce qu’ils font ici, ce n’est pas que se divertir, c’est le reste de leur existence.
10- De retour dans la salle
Fin du film, final : on revient à la salle de cinéma qu’on avait quitté. Le ciné-œil se ferme.
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