jeudi 26 mai 2011

Hegel, corrigé - P.



TEXTE DE HEGEL – CORRIGÉ

            Où faut-il chercher la clé de la rationalité historique ? Selon Hegel, c’est l’Esprit que se déploie comme activité et qui s’exprime dans cette liberté comme une œuvre, un spectacle observable qu’on peut aussi juger. Du coup, un peuple comme un individu doit être jugé sur ses œuvres. Il est permis de se demander si Hegel ne rationalise pas le devenir historique en réduisant bien vite la part de contingence, c’est-à-dire en faisant comme si l’échec incontrôlable n’existait pas.

            Le mouvement du texte fait d’abord apparaître la dénonciation d’un lieu commun (l1 à 9). On serait tenté de distinguer l’intériorité (d’un lieu commun) et l’extériorité (l’acte). Le deuxième temps expose la vision de Hegel : un agent n’existe pas en dehors de ses actes, et cela vaut à toute les échelles. Le dernier temps explique comme une conclusion la notion de culture et son caractère de perception immédiate pour l’individu (un effet d’immersion et en même temps une obligation faite au citoyen).

            Hegel rappelle un propos de la doxa, de l’opinion courante (« souvent ») : les actions d’un homme appartiendraient à un domaine qui n’est pas l’intériorité. En fait, le lieu commun séparerait l’être de l’homme (« ce qu’il est ») et ses actes, c’est-à-dire autre chose que son être. Une correction s’impose (l3-4). Elle vient de l’expérience historique. En histoire, il n’y a aucune place pour l’intention vertueuse ou cachée ou invisible dans l’action. L’homme se réduit à son activité (« ne que ») et Hegel suggère qu’une vie est une carrière c’est-à-dire une forme de linéarité (une flèche du temps qui va de la naissance à la mort). Et un devenir dans lequel certains point sont des tournants, des changements irréversibles. Le lieu commun se teinte d’une coloration moraliste. Il juge sur l’intention plus proche du bien que du mal et il ne s’étonne pas que les actes en soient la trahison. Ici, c’est l’imagination qui fausse le jugement. Elle fait comme si agir était une dégradation, une trahison de l’idéal. En fait, c’est l’acte qui dit ce qu’était l’intention.
            Voir l6 à 8 : on trouve toujours des cas de dissimulation et de ruse réussis, mais en fait, il est vain d’y réduire le travail historique (l8 « partiel »). Ce point de vue serait unilatéral. Il réduit toute l’histoire à un point de vue intérieur. Le reste serait dissimulation.
            1ère conclusion : Entre le dedans et le dehors. Ils sont indiscernables, sans le dehors, l’intention resterait un vœu pieux, et sans le dedans, l’acte n’aurait aucun sens.
            2ème temps : en termes positifs, la notion d’action historique conduit à réhabiliter cette dialectique du dedans et du dehors. Hegel énonce des distinctions subtiles c’est-à-dire des raffinements qui passent à côté d’une identité profonde : « Les peuples sont ce que sont leurs actes ». C’est-à-dire un peuple n’existe pas en soi. Ce n’est pas un simple rêve ou une idée suspendue, c’est une réalité, c’est-à-dire l’effectivité (ce qui produit des effets) : « ce qui est rationnel est effectif, ce qui est effectif est rationnel ». C’est-à-dire ce qui existe propose une solution pour un problème donné. Donc, un peuple propose une forme de vie sociale = une réponse à la question « comment vivre ensemble ? ». En même temps tout peuple vise un but, c’est-à-dire agit de façon coordonnée parce qu’il porte un esprit.
            L13 à 16 :                          est la force qui s’exprime dans l’histoire. Son sens, l’identité de la liberté avec la raison. Et ainsi, toute opposition tombe entre ce qui « est en soi » et la notion d’acte. D’où : l’esprit s’objective et devient spectacle pour lui-même.
Conclusion du 2ème temps : chaque peuple se définit comme esprit d’un peuple, c’est-à-dire il exprime une vision de la liberté. L’espace devient comme le relais du temps. L’histoire est un devenir, une chose par la succession. Ce devenir a besoin de l’espace, c’est-à-dire de rendre possible l’objectivité (la simultanéité). L’esprit produit une œuvre parce qu’il se produit comme œuvre. C’est la culture au sens large = ce qui ne concerne pas que l’individu au sens isolé. C’est la vie d’un peuple. Hegel établit une liste qui élargit peu à peu son cadre. Il définit par les institutions, les événements, et les actes. Il ne cite pas la langue maternelle, c’est-à-dire ce qui nous socialise dès la naissance, ce qui nous fait appartenir à un tout. Ce qui nous solidarise, mais cet élément est présent. Voir l22 : « chaque peuple éprouve ce sentiment », c’est-à-dire pour un peuple, sa propre culture est la vie humaine et non un milieu extérieur, étranger ou abstrait.
            Par exemple : une confession religieuse, une langue maternelle, les mœurs dans leur aspect le plus rudimentaire. Tout cela est la chair d’un peuple.
D’où une double réalité pour chacun : l’esprit du peuple est un fait (« un monde déjà prêt et fixé »). En même temps, ce même esprit prescrit un impératif : « il doit s’incorporer ». Chacun doit se sentir citoyen et donner une effectivité à ce sentiment, c’est-à-dire agir en citoyen.

            Critique : Hegel dénonce le pharisaïsme appliqué à l’histoire, c’est-à-dire l’hypocrisie qui occulte l’acte, la sanction des fais, au profit de l’intention (on dit toujours « pure »), comme si l’insondable, l’intériorité était irréprochable et toujours inspirée par la plus haute moralité. 

            « L’histoire jugera ». Formule favorite d’une certaine logique historique. Impossible de comprendre immédiatement la portée d’un événement ou d’un acte ou de « l’esprit d’un peuple ». Par exemple, ce que représente le « miracle grec » demeure inintelligible avant une certaine date (les grecs ont inventé la liberté de « quelques-uns », c’est-à-dire la démocratie athénienne). Puis, le destin de la Grèce s’est accompli et a passé le flambeau à Rome et surtout au monde chrétien. Ce que « vaut » la Grèce, c’est son acte et non pas ses intentions (que nous ne connaîtrons jamais). L’histoire, c’est le règne de l’effectivité c’est-à-dire la réalité qui se manifeste par des effets (par opposition à l’intention et surtout à la velléité). Selon Hegel, quand on veut faire quelque chose, on y parvient, parce qu’on s’en donne les moyens. Par exemple : la guerre.
            Cette vision ne préserve pas d’une dérive redoutable, une sorte de cynisme historique. Celui qui a raison, c’est celui qui survit, c’est-à-dire celui qui s’adapte. D’où un réel problème d’intelligence historique. Voir l6 à 8. Hegel exclut l’échec, c’est-à-dire le désaccord involontaire entre l’intention et l’acte. Pour lui, il n’y a pas d’échec, c’est-à-dire de projet qui se tenait par sa cohérence propre, mais qui se sera heurté à une contingence irréductible et destructrice. Or, l’échec existe, c’est-à-dire une intention que rien ne récompense. Il n’est pas rare que la pureté perde la partie, par refus des compromis, par respect des vrais principes moraux. Kant distingue entre moralisme politique et politique morale. D’une part, un discours qui justifie de façon opportuniste un projet indifférent à toute moralité. D’où une recherche de la pure efficacité. D’autre part, une attention permanente à la moralité, c’est-à-dire au respect de l’homme pour l’homme. Hegel a-t-il refusé le cynisme ? c’est-à-dire le moralisme politique ? Ce n’est pas certain. Et son éloge des grands hommes peut inquiéter. Une figure qui agit au-delà du bien et du mal, sans éviter le mépris de la liberté « utilisable », celle des citoyens qu’on va traiter en soldat. 

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