CHAPITRE D Économie, société et culture de 1945 à nos jours
La France d’aujourd’hui a-t-elle encore des points communs avec celle de 1945 ?
1- Les évolutions de l’économie
a- La « Reconstruction » et le redémarrage économique
La guerre a laissé un pays ravagé qu’il faut en partie rebâtir. Les premières mesures mises en œuvre s’inspirent du programme très volontariste du CNR. L’État entend encadrer la reconstruction économique par la planification. Le Commissariat du plan est créé en 1946 et dirigé par Jean Monnet. Il donne la priorité à l’industrie lourde, à la production d’énergie, et aux équipements de transport.
Parallèlement, l’Etat procède à une série de nationalisations dans les secteurs clés de l’économie comme l’énergie (Charbonnage de France, EDF-GDF …), les transports (RATP, Air France …) et l’industrie (usines Renault). La banque de France et les quatre plus grandes banques de dépôt (Crédit Lyonnais) passent également sous le contrôle de l’État.
A partir de 1947, le plan Marshall apporte une aide décisive, représentant environ 6 milliards de dollars, sous forme de dons et de prêts (20% du total de l’aide américaine à l’Europe). Aussi, au début des années 50, les infrastructures ont été entièrement rebâties, la production énergétique et industrielle relancée. Toutefois, certains secteurs ont progressé beaucoup plus lentement. C’est le cas de l’agriculture et de l’industrie de consommation.
b- Les « Trente Glorieuses », essor er modernisation
A partir de 1952, la France connaît une période de forte croissance, d’environ 5% par an, que Jean Fourastier appellera les « Trente Glorieuses ». Les années 60 sont marquées par un phénomène de concentration des entreprises françaises et une diversification de la production. Les industries de consommation (automobile, électroménager …) se développent rapidement. La production agricole elle-même prend son essor dans le cadre européen (PAC). Par ailleurs, l’économie française se tertiarise et s’internationalise, notamment dans le cadre de la CEE. Au début des années 70, la Franc est devenue la 5ème puissance économique mondiale et même la 4ème puissance exportatrice du monde.
Cette croissance économique s’accompagne d’une modernisation des infrastructures et de progrès technologiques encouragés par une action forte de l’état volontiers colbertiste. La volonté d’indépendance nationale du Général de Gaulle est à l’origine de projet novateurs : développement du nucléaire civil, avions supersoniques, Concorde … Cette volonté de modernisation est reprise par ses successeurs. L’initiative privée est toutefois encouragée à partir de Valéry Giscard d’Estaing, incarnant une droite plus libérale.
Néanmoins, il existe des points faibles dans différents secteurs de l’économie. A partir des années 60, les industries traditionnelle (mines, sidérurgie, et textile) connaissent des difficultés. Malgré le mouvement de concentration, les petites entreprises sont encore trop nombreuses et trop peu compétitives. Dès le début des années 70, l’investissement s’essouffle et le chômage qui avait quasiment disparu comme à monter.
c- La croissance dépressive et la mondialisation
A partir de 1974, la croissance économique est interrompue. Comme les autres PDEM, la France subit les chocs pétroliers (1973 et 1979), les désordres monétaires internationaux et l’épuisement du cycle l !é à le 2ème Révolution industrielle. La stagnation se combine avec l’inflation (stagflation), la balance commerciale du pays devient déficitaire, les investissements reculent. La crise du vieux monde industriel (Nord, Lorraine) se traduit par une montée spectaculaire du nombre de chômeurs, qui passe de 1 million en 1976 à 3 millions en 1997. L’alternance politique permet la mise en oeuvre de deux types de politiques anti-crise :
- celle des gouvernements de gauche est fondée sur des nationalisations et une politique de relance. Elle ne parvient pas à diminuer le chômage et alimente les déficits. Ainsi en revient-on à une politique de rigueur.
- à l’inverse, les gouvernements de droite lancent des politiques de privatisations, de rigueur budgétaire, et d’encouragement aux initiatives privées. Ces politiques ont jugulé l’inflation mais ont échoué à faire baisser le chômage et accroissent les inégalités.
A partir des années 90, les différences s’estompent, les gouvernements de gauche comme de droite combinent une politique de rigueur et de mesures de relance ponctuelles. Durant la période, le pays a toutefois continué à s’enrichir. La reconstruction de l’économie a permis à de nombreuses entreprises françaises d’être efficaces et compétitives dans le cadre de la mondialisation actuelle.
2- Les mutations de la société
a- La démographie
A partir de 1942, la France connaît une reprise de sa natalité. C’est le Baby Boom. Ce phénomène s’explique par une politique nataliste (allocations familiales) et par une conjoncture économique favorable. Jusque dans les années 60, les moins de vingt ans représentent plus du tiers de la population française. La mortalité recule du fait des progrès de la médecine et de l’hygiène. Au total, la population française passe de 39 millions d’habitants en 1946 à 52 millions au milieu des années 70. Pourtant, un retournement s’opère à la fin des années 60. La baisse rapide de la fécondité s’explique par l’évolution des mentalités, le travail des femmes et la libéralisation de la contraception, puis de l’avortement (loi Veil en 1975). Comme l’espérance de vie continue à s’allonger, la population française vieillit. Malgré une certaine reprise de la natalité depuis quelques années qui permet à la population de dépasser les 63 millions d’habitants en 2010, le vieillissement pose de graves problèmes comme la gestion des dépenses de santé et le financement des retraites.
- Pour assurer sa reconstruction, la France fait appel à des travailleurs étrangers. L’immigration se développe à partir de 1945 et s’accélère même jusqu’à la fin des Trente Glorieuses. En 30 ans, la population étrangère passe de 1,7 à 4 millions de personnes. L’origine de ces travailleurs immigrés change également. Dans les années 60, les italiens et les polonais cèdent la place aux espagnols et aux portugais. C’est ensuite le tour des travailleurs originaires d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne. A partir de 74, et du début de la crise, l’immigration est officiellement interrompue en France. Elle se poursuit néanmoins du fait du regroupement familial, de l’accueil des réfugiés et de l’immigration clandestine. A partir des années 80, l’immigration devient un enjeu politique et sociétal majeur. Elle conduit également à l’apparition en deux générations d’une France désormais multiraciale et multiculturelle.
b- La population active
De manière générale, la part des salariés est devenue absolument prédominante. La population active s’est également fortement féminisée.
- Du fait de la modernisation, les agriculteurs passent de 35% de la population active en 1946 à seulement 5% dans les années 90. La « fin des paysans » explique un très fort exode rural jusqu’au années 80.
- De ce fait, on observe une forte augmentation de la population active industrielle qui culmine à 40% en 1968. La crise, et la restructuration des activités traditionnelles entraînent de nombreuses suppressions d’emplois notamment parmi les ouvriers non qualifiés. Aujourd’hui l’industrie représente moins de 25% de la population active.
- Le phénomène majeur de la période est la tertiarisation de la société française et son entrée dans une aire post-industrielle. Le secteur des services passe de 34% des actifs en 1970 à plus de 70% aujourd’hui. Il se caractérise par une grande hétérogénéité entre le tertiaire supérieur et les petits emplois de service mal payés.
c- Niveau de vie, consommation et urbanisation
Le progrès sociale est une des grandes caractéristiques de notre période. Il consiste d’abord en une augmentation presque continue des revenus des français, notamment pendant les Trente Glorieuses. Il se traduit par le développement de la protection sociale dès l’après guerre : sécurité sociale, système de retraite et minimum vieillesse, allocations familiales, système d’assurance pour les demandeurs d’emplois. Le dernier aspect du progrès social se manifeste pas la baisse du temps de travail (Loi Aubry). Avec l’élévation du niveau de vie, la société française devient une société de consommation de masse caractérisée par ce qu’on appelle aux USA la « ronde des objets ». Parallèlement, elle devient également une société urbaine, protégée et gagnant du temps libre. Le taux d’urbanisation passe de 50% en 1945 à 80% en 200. Ce phénomène ne va pas sans poser des problèmes. Ainsi, les habitations collectives sous forme de grands ensembles construites à la hâte dans les années 50 et perçues d’abord de manière très positive se dégradent rapidement. Elles forment aujourd’hui des lieux de relégation socio-spatial. La flambée de violence dans une grand nombre de quartiers marginalisés à l’automne 2005 témoigne de la gravité de la situation.
Malgré les progrès, la France est en effet confrontée au renforcement des inégalités, notamment depuis les années 80. La révolution informationnelle et la mondialisation ont conduit à une véritable « fracture sociale ». Une catégorie totalement exclue (nouveaux pauvres, SDF) est ainsi apparue. La précarisation fragilise par ailleurs une grande partie des milieux populaires et même les classes moyennes notamment la jeunesse.
3- Le bouleversement des mentalités et des pratiques culturelles
a- L’entrée dans la modernité
La période qui suit la crise de mai 1968 est marquée par une révolution des mœurs caractérisée par trois phénomènes majeurs :
- L’affaiblissement des contraintes morales et religieuses traditionnelles. La libéralisation des mœurs, les différentes lois sur la contraception , la mixité scolaire, la reconnaissance du concubinage, l’affirmation du droit des femmes, mais aussi celui des homosexuels en sont les principales manifestations.
- Le développement de la contestation liée à l’arrivée à l’âge adulte de la génération du Baby Boom. Le rejet de l’autorité sous toutes ses formes : d’abord autorité parentale, des enseignants, et même des pouvoirs publics (politiques, forces de l’ordre …).
- La place plus importante des femmes dans la société. Leur nombre augmente dans la population active, elles revendiquent le droit d’occuper des postes de responsabilité et de représentation politique. Certaines estiment même qu’il y aune féminisation des valeurs.
Par ailleurs, la crise des années 70 et la disparition des solidarités traditionnelles entraînent une nouvelle transformation des mentalités. La préoccupation principale des français devient la recherche d’un mode de vie agréable et l’accès à toutes les formes de consommation. La montée de l’individualisme se traduit par la baisse de l’engagement dans les causes collectives qu’elles soient politiques, syndicales et même associatives. Cela conduit également à l’affaiblissement du sentiment national et à une crise de la citoyenneté. De nouvelles valeurs consensuelles et conformistes se dégagent comme le souci de la qualité de la vie, de l’environnement, de l’humanitarisme et du compassionnel.
b- L’avènement d’une culture de masse
La promotion de la culture est d’abord le fait de l’Etat. Ainsi, en 1958, un ministère des affaires culturelles est créé et confié à André Malraux. Il entreprend la création de cinés clubs, de maisons de jeunes … Le budget de la culture est en constance augmentation, surtout après 1981, sous les ministères de Jack Lang. Les grands centres culturels se développent : centre Pompidou, opéra Bastille, BNF … La culture de masse est également portée par le développement et l’allongement de l’enseignement. Le bac général, qui n’était obtenu que par 5% d’une classe d’âge en 1950 l’est aujourd’hui par environ 35%. Dans le même temps, le nombre d’étudiants passe de 100 000 à plus de deux millions. Cependant, les problèmes importants demeures comme l’échec scolaire et l’insuffisante démocratisation de l’enseignement supérieur.
Ce sont toutefois les médias qui jouent le rôle le plus essentiel. La radio, la télé, et plus récemment Internet véhiculent l’essentiel de la culture et de l’information au détriment de la presse dont les tirages diminuent. Surtout, il consacre le triomphe de la « société du spectacle ». Celle-ci se traduit par une certaine uniformisation et un appauvrissement du contenu culturel, dont l’évolution la plus achevée serait la télé-réalité.
Les pratiques culturelles des français se débloquent toutefois du fait de l’augmentation du temps libre et du pouvoir d’achat comme le montrent la multiplication des déplacements pour le week-end et les voyages. L’accès à la « civilisation des loisirs » reste toutefois très inégal.
c- Déchristianisation et nouvelles religiosités
L’évolution majeure dans le domaine religieux est la poursuite de la déchristianisation. Si 70% des Français se déclarent encore catholiques, seulement 15% d’entre eux ont une pratique régulière. Ils sont également de plus en plus nombreux à ne plus tenir compte des recommandations de l’Eglise pour ce qui concerne leurs conceptions morales et leur vie privée. Les autres religions traditionnelles, le protestantisme et le judaïsme connaissent la même évolution. Seul l’islam, devenu en quarante ans la deuxième religion de France témoigne d’un certain dynamisme. Il suscite toutefois de nombreuses inquiétudes, notamment sur sa capacité à accepter les principes de laïcité. C’est d’ailleurs ce dont témoignent les affaires récurrentes portant sur la « tenue islamique », comme le foulard ou la burqa.
Le recul de l’influence des religieux n’empêche cependant pas une aspiration confuse à davantage de spiritualité, ce que Régis Debray appelle « un besoin de ré-enchantement du monde ». Celui-ci se manifeste pas l’attirance des français pour les religions orientales en général, comme le bouddhisme. Par ailleurs, diverses superstitions et des sectes de tout genre prospèrent sur fond de progrès relatif de l’irrationalité. Certains évoquent le retour en force du religieux au 21ème siècle.
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