dimanche 3 avril 2011

Genres et registres - DG

Les genres et les registres

Les genres
            Le titre des Mémoires de guerre représente une indication générique spécifique. Ce type de texte retrace une période de dimension historique à travers le témoignage d'un mémorialiste qui, avec des éléments autobiographiques et des évènements se rattachant à un conflit, vient éclairer un temps et des conduites personnelles ou celles des contemporains.
            Depuis l'Antiquité, le genre se trouve associé à de grands noms que retient l'Histoire parce-qu'ils sont de très brillants emblème de l'héroïsme guerrier. Tels sont les Commentaires de la guerre des Gaules de Jules César, les Mémoires de Philippe de Commynes, les Commentaires de Monluc ou encore le mémorial de Saint-Hélène de de Las Cases, mémorialiste de Napoléon. Les illustres vainqueurs de la guerre de 14-18, les maréchaux Joffre et Foch, ont fait eux aussi oeuvre, chacun, de mémorialiste.
            De Gaulle et Churchill sont les deux plus célèbres mémorialistes de la seconde guerre mondiale. Un même titre à consonance militaire accompagne leur témoignage: Mémoires de guerre. Pourtant tous deux ont surtout contribué à faire accepter les Mémoires de guerre comme un genre littéraire. Le prix Nobel de littérature a couronné les Mémoires de Churchill (1953). Les Mémoires du Général de Gaulle ont été saluées par une critique presque unanime pour reconnaître les qualités d'écrivain de leur auteur. Lui-même a exprimé son soucis de laisser, avec ses Mémoires, « une œuvre » (lettre à Louis Terrenoire).

Le caractère multiforme du Salut

            On retrouve dans le tome III des Mémoires de guerre la variété des genres auxquels l'écriture mémorielle peut emprunter: l'Histoire, l'autobiographie, la littérature, le traité politique.

Des Mémoires documentaires

            Le Salut rapporte le récit d'une action historique dont la force documentaire est conditionnée par la fiabilité et les compétences du narrateur et par la portée de son témoignage.
            La restitution de la conduite des affaires françaises entre septembre 1944 et janvier 194- est faite par celui qui en a été le plus haut responsable civil et militaire. Comme il le dit lui-même, il a, dans cette période, exercé une « espèce de monarchie » (p284). Sa crédibilité, dans le récit des opérations militaires, des négociations diplomatiques et des décisions et actes de politique intérieure, est garantie par le pacte de lecture qu'instaure à lui seul le titre: un nom d'auteur prestigieux et un sujet grave. Cette caution du titre est renforcée également par les quelques 200 pages de documents (retranscription des écrits et des discours de l'époque) qui viennent clore le tome III.
            Par ailleurs, le Salut documente en profondeur le lecteur sur les premiers jalons de l'histoire des années 1950, posés en 1945. En donnant à son témoignage une portée qui va bien au delà de la période décrite, le Général de Gaulle transforme le passé évoqué en prélude d'avenir où prennent naissance des réalités que peut observer un lecteur, en France et dans le monde, en 1959: la faillite de la 4ème République, les avancées de la décolonisation, la construction de l'Europe, la « guerre froide », le retour du Général de Gaulle aux affaires.

Des Mémoires porteurs de confidences

            L'importance des faits historiques rapportés ne diminue en rien celle de la personne du mémorialiste. Et c'est par là que le Salut doit être rapproché des genres autobiographiques. Certes, la part de stricte autobiographie est limitée à un paragraphe de la page 156 et aux trois dernières pages où le lecteur accède au présent de l'écriture (« au moment d'achever ce livre, je sens, autant que jamais, d'innombrables sollicitudes se tourner vers une simple maison » p 343); mais l'on peut se forger, du début à la fin de l'ouvrage, une sorte d'intimité avec l'acteur-narrateur.
            Le personnage de Charles de Gaulle est dans les Mémoires identifié à la 1ère et à la 3ème personne. Ce procédé stylistique de substitution, appelé « énallage de personne », ne crée aucune confusion, mais élabore des variations de points de vue dans la lecture.
            La focalisation interne permet d'être à l'écoute d'une sensibilité et d'une intelligence: c'est un point de vue de proximité. Le « je » se découvre dans ses exclamations, dans la notation de ses émotions (ex: « la révélation des effroyables engins m'émeut jusqu'au fond de l'âme », p 271; « j'éprouvais, presque physiquement, le poids du malaise général », p 326) et dans les longs justificatifs qu'il donne à toute sa stratégie. Ceci laisse paraître la part de passion et la part de raison qui inspirent son action publique: un fort mysticisme patriotique et un pragmatisme d'ordre et de progrès.
            La focalisation zéro restitue l'idéalisation ou le rejet qui se fait autour de la personne du Général: c'est un point de vue de distance respectueuse ou d'évincement. « Je » devient une troisième personne nommée « de Gaulle », devant « la ferveur » (p 30) des foules, mais aussi devant les réserves à son égard des chefs alliés, importunés par sa fierté indocile de « Prima Donna » (p 111), ou bien devant les impatiences des partis politiques français (« ils se trouvèrent unanimes à réprouver la solution adoptée par le gouvernement et convinrent d'effectuer auprès du Général de Gaulle une démarche spectaculaire pour marquer leur opposition » p 320). Le personnage « Général de Gaulle » ou « de Gaulle » peut s'interpréter aussi comme un « je est un autre » rimbaldien ou nietzschéen, une mise à distance du personnage publique devenu « un point d'exclamation » (p 258): « Charles sanglé dans de Gaulle » (Paul-Marie Coûteaux). Le texte de l'Appel (t.1) et de nombreux témoignages confortent dans l'idée que l'image publique de Charles de Gaulle a été pour lui, en effet, un « joug bien lourd », un sacrifice à la destinée historique où l'a engagé l'Appel du 18 juin 1940.

Des mémoires d'épopée

            L'allégorie omniprésente de la France est associée dans tous les chapitres du Salut aux principaux éléments de composition du genre épique: une action glorieuse, un héros central avec en arrière plan tout un peuple, une morale exaltant un idéal collectif.
            On trouve dans le Salut le récit du « grand final » de la seconde guerre mondiale. La gloire triomphante de cette dernière phase est soulignée comme un assaut aux dimensions homériques contre « le Titan », « au fond du bunker berlinois » (p 210). Le désir « d'apocalypse » (p 189) du Führer et la « frénésie » (p 189) de sa communication publique renforcent la dimension héroïque de la vaillance du camp allié. Mais le haut-fait qu'est la victoire sur le Reich garde jusqu'au bout des dimensions d'épopée tragique où le bien de vainc jamais pleinement le mal: « … d'un bout du monde à l'autre, les coups de canon de l'armistice sont accueillis, certes, avec un soulagement immense, puisque la mort et la misère s'éloignent, mais ils le sont sans transports, car la lutte fut salie de crimes qui font honte au genre humain » (p 214).
            Le héros central, Charles de Gaulle, est le bras armé de la France. Tel un héros d'épopée, il affronte des obstacles démesurés. Il est « en charge d'un pays ruiné, décimé, déchiré, encerclé de malveillance » (p 283); mais le peuple, « à [sa] voix […] a pu s'unir pour marcher à sa libération » (p 283). Sa force intérieure est la conscience qu'il a d'être l'héritier d'une « tradition », d'une « pérennité » qui le lie à tous « nos pères » (p 301). Il a d'autre part le pouvoir de rassembler les résistants et les divers corps armés. Les 1ers sont sacralisés en « croisés » de la « croix de Lorraine » (p 14). L'armée, elle, bien que réduite, montre « une qualité qu'elle n'avait jamais dépassée » (p 46). On peut se faire une idée plus précise de cette « qualité » en se reportant au discours du Général de Gaulle, prononcé le 2 avril 1945 à l'hôtel de ville, à Paris: « cette armée, nous la voyons renaître aujourd'hui, avec ses jeunes ardeurs et ses anciens drapeaux » (p 444).
            Cette belle union tient à un idéal collectif fait de valeurs qui honorent et la dignité nationale et la dignité humaine. Pour la « dure bataille » (p 181) de Strasbourg libérée, menacée et défendue, le Général Eisenhower relève que, « pour le peuple et les soldats français, le sort de Strasbourg est d'une extrême importance morale » (p 180). La vaillance guerrière est inspirée par le patriotisme, par le besoin de glorifier le drapeau, mais jamais par une combativité primaire. Le triomphe des Alliés occidentaux sur l'Allemagne est celui de libérateurs « stupéfaits d'horreur et d'indignation [quand] ils découvrent les survivants et les charniers des camps de déportation » (p 206), et « miséricordieux devant le malheur des vaincus » (p 247).

Des mémoires idéologiques

            Comme l'on fait dans leurs écrits les plus grands mémorialistes, le général de Gaulle, dans Le Salut, fait la promotion de ses idées politiques. On accède ainsi à l'idéologie gaulliste par son fondateur. Le trait dominant qui en apparaît, dans l'ensemble de l'ouvrage, est le nationalisme; la revendication d'un État fort est également formulé de façon récurrente. Le contenu idéologique du Salut se précise dans la dévalorisation des adversaires politiques et dans la formulation explicite des principes de l'action politique.
            Les deux principaux adversaires politiques des principes gaulliens sont le communisme et le parlementarisme:
-        Pour de Gaulle, le communisme a la forme d'une « mystique » (p,117), d'un engagement idéologique quasi-religieux, qui présente un risque de subversion, par le jeu de la « surenchère sociale » (p,117) : dans un pays très appauvri par la guerre, la lutte des classes peut mobiliser.
-        Le parlementarisme, selon de Gaulle, présente le risque majeur de ne servir que l'ambition des partis et ainsi de frapper d'impuissance le pouvoir exécutif. La condamnation d'un régime  d'Assemblée se formule dans celle des partis politique dont la « décadence » ne peut laisser attendre qu' « une représentation d'une catégorie d'intérêts », « par des professionnels faisant carrière dans la politique » (p,286).
            Le programme porteur de l'idéologie gaullienne se formule dans les plans et principes qui guident l'action du général aux lendemains de la Libération, puis après la victoire. En sept. 1944, l'urgence politique est « le redressement » (p 146), la nécessité d'engager le pays « sur la route d'une nouvelle prospérité » (p 149). Les principes prônés sont : la production sous la tutelle de l'État et une politique sociale de redistribution des richesses: « Que la nation libérée produise le plus possible! Que l'État l'y aide et l'y pousse! Qu'en échange elle lui fournisse, sous forme d'impositions normales et de placements de l'épargne, de quoi couvrir les dépenses qu'il assume pour le salut public! » (p. 148).
            Le Salut donne un éclairage appuyé sur le penseur politique qu'est Charles de Gaulle.
Après la victoire de mai 1945, le général de Gaulle, très attaché à un système d'institutions cautionné par le suffrage universel direct, envisage de proposer aux français un projet de constitution propre à « heurter de front les prétentions des partis » (p. 287). Alors que s'organise la 4ème République, le Salut met déjà en lumière les grands axes qu'adoptera la constitution de la 5ème République, en 1958: un Exécutif qui « ne procède pas du parlement », un « chef de l'État [qui soit] désigné par le peuple », avec la charge « de nommer les ministres » et « le droit de consulter le pays, soit pas referendum soit par élection d'Assemblées » (p,287).

Les registres

            A la diversité des genres représenté dans le Salut, il convient d'associer la variété des registres. On peut les regrouper en trois ensemble: lyrique, épique et moral.

Le registre lyrique

            La prédominance d'images inspirées par la nature, la fréquence des tours exclamatifs et tout un lexique des émotions et des sentiments rendent très sensible à la présence du registre lyrique dans le texte du Salut.
            Ce registre sert en premier à exalter l'effort à faire pour redresser « [le] pays émergeant du fond de l'abime » (p. 7). Les images décrivant la mise en place de se redressement s'apparente à un lyrisme conventionnel et très accessible: sorti du gouffre, affrontement des tornades et tempêtes (ex. pp 113, 214), navigation et ascensions périlleuses (exemple pp 148, 158), mais aussi ses angoisses (exemple p 276). Tout un jeu d'interrogations contribue également à donner au lyrisme la vivacité d'un débat intérieur qui, pars l'effet d'attente, met en valeur la réponse apporté (exemple : 54, 61, 125, 285) : on suit ainsi le chemin d'une conscience qui fait des choix difficiles mais exemplaires. Le grand final de la dernière page pose la France, « Vieille Terre, […] Vieille France... » (p 345), et le général, « Vieil homme » (p 345), dans une symétrie lyrique, en deux ensembles exclamatifs sur le thème du phœnix renaissant de ses cendres.
            Pour certains moments du récit, la confidence d'émotions et de sentiments très personnels apporte une tonalité de lyrisme plus simple, moins travaillé. Le Général parle de son cœur qui se serre devant les villes massacrées, que ce soit Orléans (p 25) ou les villes et villages de l'Allemagne écrasée (p 247).
            Ce ton très personnel du lyrisme peut aussi apparaître dans des traits d'ironie et de sarcasmes. Le président Albert Lebrun est raillé en « fantôme mélancolique de la IIIe République » (p 31); les nostalgiques du pétainisme sont ridiculisés en « amants inconsolables de la défaite et de la collaboration » (p 50). Bien des attitudes de hautes personnalités sont également évoquées avec ironie, tels l'appétit de Staline (p99), les marchandages de Roosevelt (p 268), les velléités de Léon Blum (p 310), l'opportunisme d'Edouard Herriot (p 311).
            Ce que le général de Gaulle retranscrit de ses discours publics montre que ce registre lyrique très varié caractérise aussi son éloquence publique (ex: p 304). Et si l'on se reporte aux discours et allocutions transmis in extenso dans les « Documents », on constate qu'il est bien un trait majeur de son style.

Le registre épique

            Le registre épique se perçoit dans des effets d'amplification et d'élévation de ton qui s'attache à de nombreuses matières.
            Pour la célébration d'une France éternelle, liée aux grands progrès de l'Histoire, le ton prend constamment de la hauteur. L'image de la souveraineté de la France est universelle: elle est susceptible de « servir grandement son intérêt et celui du genre humain » (p 63). Le vocabulaire des pages sur le redressement intérieur est significatif de cette extension: « redresser la natalité », c'est renouer avec « la grandeur de notre race » (p 120); « préparer la promotion ouvrière » représente en avancée vers « la structure humaine de l'économie de demain » (pp 120-121).
            L'image de la victoire au côté des Alliés se construit dans une succession d'images contrastées qui laissent voir une France en ruines se métamorphosant en une puissance militaire, faisant face sur tous les fronts et coopérant efficacement à la victoire finale. La crédibilité de cette force de combat s'impose dans la sorte de rapport d'état major qui constitue les informations données dans le chapitre « La Victoire ». Le potentiel militaire français, ses divisions, ses positions, ses mouvements, son commandement, ses victoires sont au cœur du texte. L'enjeu de cet effort de guerre est sublimé en un enjeu « où se fixe le destin »(p 201).
            Nombre de détails matériels qui renvoient à la réalité militaire construisent un décor de grande fresque guerrière. Les bâtiments des escadres de la marine française sont situés, nommés, décrits dans leur combat comme des forces, aux noms légendaires (ex: Gloire, Jeanne d'Arc, Lorraine, Duquesne, Duguay-trouin...), « sur les mers » pour soutenir « l'honneur des armes de la France » (p 164). On trouve encore des analogies avec la solennité épique des grands tableaux de guerre dans les pages 194-195: on peut les titrer « la bataille du Mont Cenis ». On voit là, en effet, « à plus de 2000 mètres d'altitude, dans la neige et le froid », s'achever « l'épopée » de la « 1ère division « française libre » » (p 185).
            L'ennoblissement du réel guerrier se fait aussi par de simples qualificatifs qui valorisent la qualité spectaculaire et épique des opérations: l'avancée alliée sur la rive droite du Rhin est « une opération glorieuse », « sous une colossale protection aérienne » (p 187).
            Le registre épique se retrouve également dans l'évocation des deux grands alliés que sont la Russie et l'Amérique. En tant que témoin, de Gaulle s'attache à communiquer la réalité hors du commun qu'il observe dans chacune de ces puissances. Il met en lumière la force héroïque des russes à Stalingrad, « cité complètement démolie » où s'accomplit « d'une manière spectaculaire, le mot d'ordre et de la reconstruction » (p 76). Il peint ensuite la démesure de Staline devant une table qui « étincelait d'un luxe inimaginable » (p 93). Celui-ci est décrit comme un acteur qui « se mit à jouer une scène extraordinaire » (p 93), « une grande parade », où « trente fois, [il] se leva pour boire à la santé des russes présents » (p 94), pour « impressionner les français, en faisant étalage de la force soviétique et de la domination de celui qui en disposait » (p 95). La rencontre que fait de Gaulle avec l'Amérique d'après la victoire est de l'ordre du saisissement. Les mots pour le dire - « puissance », « richesse », « ressources en apparence illimitées », « vastes débouchées », « pleins d'emplois », « bombe atomique », etc.- marquent un absolu de souveraineté pour les Etats-Unis, assurés qu'ils sont « d'être longtemps les plus prospères » et « les plus forts » (p 251).
           
Le registre moral

            Le Salut laisse apparaître un goût très marqué de la maxime et de la réflexion morale.
            De Gaulle invite, dès le 1er chapitre, à rapprocher son discours de celui des grands moralistes du XVIIe siècle. Les aphorismes (énoncés d'une vérité de portée générale) présents dans ce tome III des Mémoires ont la force péremptoire des Maximes de La Rochefoucauld. Ils fixent la norme gaullienne de l'action et de l'ordre: « l'action d'éclat est une longue patiente » (p 47); « plus le trouble est grand, plus il faut gouverner » (p 47); « à la guerre, la pratique du moindre effort risque toujours de coûter cher » (p 191); « il n'y a de réussite qu'à partir de la vérité » (p 112).
            On observe par ailleurs l'importance des approches morales pour les questions qui ont trait au traitement des vaincus, qu'il s'agisse de l'ennemi allemand ou du collaborateur français. On peut parler d' « esprit de paix » à l'égard de l'Allemagne: « au milieu des ruines, des deuils, des humiliations, qui submergeaient l'Allemagne à son tour, je sentais s'atténuer dans mon esprit la méfiance et la rigueur. Même, je croyais apercevoir des possibilités d'entente que le passé n'avait jamais offertes » (p 247). A l'égard des français qui ont soutenus les valeurs du nazisme, collaborés, trahis, c'est l'esprit de justice qui prévaut: « l'œuvre de la Justice fut accomplie aussi impartialement qu'il était humainement possible » (p 132).
            De Gaulle, en fait, se place là dans un registre humaniste, proche des valeurs chrétiennes. C'est ainsi qu'il nomme l'attente de paix « éternelle espérance » (p214). On voit aussi que les figures inquiétantes de Staline, Mussolini et surtout Hitler sont, dans de brèves notations ramenées à l'humain: Staline, un « chef humainement tout seul » (p 93), refuse l'invitation que lui fait de Gaulle avec ces mots d'une lucidité émouvante: « Je suis vieux. Je mourrai bientôt » (p99); l'assassinat de Mussolini est formulé en des termes qui le posent un peu en victime: « la vague des reniements emporta Mussolini » (p 208); Hitler, dont l'entreprise est qualifiée de « surhumaine et inhumaine » (p 210), est imaginé dans une conversation de monstre de tragédie, au moment du dénouement: « vaincu et écrasé, peut-être redevient-il un homme, juste le temps d'une larme secrète, au fond où tout fini » (p 210).

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