LES DIEUX
Dans l’Odyssée, leur présence est moins prégnante que dans l’Iliade, où ils contrôlaient les combats, et parfois même y participaient. Dns l’Odyssée, si le destin d’Ulysse est toujours entre les mains, one se concentre, sur le courage et les ruses du héros.
Des dieux anthropomorphes
Pour les Grecs, les dieux sont partout, aussi dans les forces de la nature, que dans la vie quotidienne, et les mortels les invoquent avant chaque grande entreprise. Ils ne possèdent ni l’omniscience, ni l’omnipotence, ni la transcendance du Dieu monothéiste, et ce même s’ils vivent à part des mortels et qu’ils ont pour nourriture le nectar et l’ambroisie. Ils ont cependant toujours besoin des hommes car leur prestige dépend des mortels (« plus jamais je ne forcerai le respect des Immortels, si des humains ne me respectent pas », se plain Poséidon).
Comme si la vie divine leur était insuffisante, ils déploient leurs passions dans les affaires humaines : ainsi, ils aiment visiter les hommes, les protéger ou leur nuire, voire en faire leur conjoint. Les dieux ont une présence immanente que l’homme éprouve au dedans de lui sous forme d’impulsions subites ou de songes (le songe de Nausicaa).
Dans les poèmes homériques, les dieux prennent forme humaine, et réagissent comme des hommes : ils sont moins violents et capricieux que dans l’Iliade, plus soucieux de la justice, ils sont néanmoins jaloux, rancuniers, et parfois cruels, comme Poséidon ou accessibles à la pitié ou encore amoureux … D’ailleurs, le poète les présente avec une distance respectueuse à travers leurs épithètes traditionnelles.
Hommes et dieux
Leurs rapports sont réglés par des rites très précis, qui sont une marque d’humanité, puisque les Cyclopes les ignorent. Dans l’île du Soleil, Ulysse prie, mais le rite « traditionnel » pour obtenir la faveur d’un dieu est le sacrifice : Athéna rappelle ainsi à Zeus : « Ulysse / qui agréait jadis, sacrifiant près des vaisseaux grecs ».
A chaque dieu convient un rite spécifique, un type de sacrifice, ce dont témoignent les explications détaillées de Circé pour l’holocauste. Toutefois, le dieu a toujours le pouvoir arbitraire d’agréer ou non au sacrifice, c’est-à-dire d’y consentir. Ainsi, les dieux sont perçus comme des puissances redoutables, qui tiennent le destin des hommes entre leurs mains. La religion est quant à elle perçue comme une série d’interdits et de rituels. D’ailleurs, à l’époque, il n’y a pas de notion de péché, et donc l’homme peut offenser un dieu par un manquement aux honneurs qui lui sont dus ou par la transgression d’un interdit dont il devra faire réparation pour rétablir l’équilibre des relations.
Pour les personnages homériques, la question de la moralité ou de l’immoralité n’entre pas dans la perception qu’ils ont des dieux. Bénéfiques ou maléfiques, ils incarnent le visage incontrôlable du destin.
Adversaires ou adjuvants ?
Ulysse qui a tué Polyphème, subit la rancune tenace de Poséidon, mais bénéficie également de nombreux soutiens divins : Eole lui confie l’outre des vents, Hermès le conseille, Ino lui donne son écharpe … Mais c’est Athéna qui s’avère la plus proche d’Ulysse : ainsi, elle intervient pour l’aider auprès des dieux, l’aide de manière indirecte, en suscitant le rêve de Nausicaa, le dissimule, ou encore le transfigure. D’ailleurs, cette relation étroite trouve son apogée au chant XIII, lorsque la déesse se révèle à Ulysse sur la plage d’Ithaque. Surtout, ils ont tout deux un lien de nature, à savoir leur mêtis : ainsi Athéna insiste sur ce point commun : « nous sommes toi et moi des astucieux ». Ce lien créé alors à la fois une relation faite d’admiration, d’humour.
Ulysse de son côté, lui montre le respect qu’il lui doit, mais fait surtout appel à elle pour son aide : « Assiste moi avec la même ardeur, Etincelante / et j’irai volontiers me battre contre trois cents hommes / avec toi ». Il apparaît alors clairement que les hommes ne sont pas de simples marionnettes manipulées par les dieux, ils sont au côté des dieux car l’action de l’homme est à la fois motivée par l’influence du dieu mais aussi par la volonté humaine. Ainsi, Ulysse va résister au désir de manger les bœufs du Soleil et gardera sa liberté.
Si Ulysse est bien un héros, c’est par sa capacité humaine à supporter les épreuves et à s’en sortir par toutes les ressources de sa volonté et de son intelligence.
Athéna et Hermès sont des dieux adjuvants, chacun par leur action positive à l’encontre du héros. Ainsi, Athéna plaide la cause d’Ulysse auprès des dieux, tandis qu’Hermès lui offre ses conseils auprès de Circé, ou porte à Calypso le message des autres dieux.
A l’inverse, Poséidon et le Soleil sont des dieux opposants par leur lutte (surtout Poséidon) acharnée pour empêcher le héros de regagner Ithaque. Ainsi, la rancune de Poséidon peut même s’étendre jusqu’à ceux qui aident Ulysse, et change le navire des Phéaciens qui l’ont ramené en rocher. Quant au soleil, c’est un opposant en cela qu’il provoque par représailles le naufrage du navire d’Ulysse et la mort de tous ses compagnons, car ceux-ci avaient mangé ses bêtes.
Une subtile hiérarchie
Pourtant, malgré leur puissance apparente, les dieux grecs ne sont pas tout puissants, car au dessus d’eux se trouve encore le destin. Ainsi, Poséidon peut au mieux retarder le retour d’Ulysse, mais pas l’empêcher, car « son destin est de revoir les siens ». Les dieux sont liés par le serment du Styx, qu’Ulysse invoque lorsqu’il se sent menacé ou bien qu’il se méfie des intentions de Circé ou de Calypso.
A l’image de la société humaine, la caste divine est organisée et hiérarchisée : ainsi après s’être révoltés contre leur père, Chronos, les dieux se sont partagés le monde : Zeus a le ciel et la foudre, Poséidon la mer et ses abîmes, Hadès les Enfers. Et l’épithète qui est attribuée à chacun d’entre eux contribue à faire connaître le « domaine de compétence de chacun » : Zeus est « le Roi des hommes et des Dieux », Poséidon « l’Ébranleur du sol », Athéna « l’Étincelante », Hermès « le Messager éblouissant ».
Surtout, on peut noter que Zeus a une position prépondérante, car il est le garant de la justice et de l’ordre du monde en tant que maître des phénomènes célestes. C’est à lui que les autres dieux rapportent les conflits. Toutefois, l’équilibre est très subtil, car si les dieux obéissent aux ordres de Zeus, celui-ci doit à son tour respecter les prérogatives et les susceptibilités de chacun. Ainsi, lors d’une scène entre Poséidon et Zeus, chacun s’incline devant l’autre. Les dieux préfèrent d’ailleurs éviter les conflits directs, dont les conséquences pourraient être désastreuses. Comme les humains, ils usent de stratégies d’évitement : ainsi le retour d’Ulysse est décidé lors de l’absence de Poséidon, tandis qu’Athéna ne se manifeste pas dans les lieux maritimes.
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