lundi 18 avril 2011

L'histoire - P.

L’HISTOIRE

                                               Faits
                         í                    î
            Phénomènes                              Évènements
(l’observable physique)                 (le singulier, l’histoire)

Problématique : l’histoire serait la suite des événements (présents, passés et à venir). Elle offre un modèle d’intelligibilité complexe et complète. Elle renvoie à une rationnalité double :
a-    dans les choses mêmes sous la forme d’un enchaînement de faits
b-    dans notre représentation logique de cette succession
Voir l’ambiguïté typiquement française que l’allemand ignore. D’une part, l’histoire « objective ». D’autre part, l’histoire « subjective » c’est-à-dire l’historiographie. Le français n’est pas confus, il énonce une équivalence. Le sens « subjectif » contient le sens objectif, puisque l’historien décrit les événements. Mais, en retour, le sens « objectif » contient le sens subjectif, c’est-à-dire l’historien est traité à son tour comme un événement.
En apparence, aucun des deux n’aurait de privilège, mais en fait il y en a un. Supposons que l’histoire objective s’arrête, c’est-à-dire il ne se produit plus d’événements. Du coup, l’histoire subjective disparaît, faute d’un objet. Le sens objectif apparaît comme le plus décisif, il semble primer, est-ce fondé ? Avons nous raison de dire que le sens objectif prime ?

1-    Le devenir historique est un objet (Cournot)

            L’événement c’est le non répétable (singulier). Il n’y a pas d’histoire dans deux cas :
            a- quand  les choses observables se succèdent sans rime ni raison, de façon imprévisible, contingente au dernier degré, sans règle.
            Exemple :  une suite de tirages à la loterie, c’est-à-dire un peut relever quelques cas étonnants, on peut énoncer des probabilités, des lois statistiques, mais ce sont à peine des lois. Pourquoi ? A la loterie, aucun coup ne peut avoir d’effet sur les suivants. Conclusion de Cournot : aucun enchainement « historique ».
b-            Supposons une prévisibilité totale, par exemple les passages de la comète de Halley. Dans ce cas, la nécessité chasse toute contingence. Cette situation intéresse le physicien qui peut énoncer des lois.

            L’enchainement historique suppose une certaine dose de hasard = un mixte de nécessité et de contingence. Voir le modèle d’une partie d’échecs. D’une part, la nécessité, par exemple les règles du jeu, le cours des événements tel que l’impose le jeu ennemi, mais aussi mon propre jeu. La contingence c’est l’imprévisibilité de l’adversaire, mais aussi ma propre liberté. Tout cela constitue un entrelacs subtil, mais l’histoire fait ce mélange troublant qui défie souvent l’analyse. Rechercher une méthode, c’est-à-dire un chemin assuré pour ne pas se perdre. Il prend une foule d’événements, et il doit trier. Les uns ont un sens, et il est majeur. D’autres sont oubliables. Les « grands événements » révèlent tout une époque (un esprit ou un besoin matériel). Les petits événements ne révèlent rien, mais l’histoire est un concret, multiple et bariolé. Elle se présente comme une masse qui contient tout. Voir Paul Valéry : « l’histoire n’enseigne rigoureusement rien car elle contient tout et donne des exemples de tout … C’est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré ».

            La prétendue loi  « petits causes, grands effets » c’est-à-dire reddere rationem : on rend compte d’un événement par une donnée établie, c’est-à-dire incontestée, mais infime.
            Voir Pascal – Pensées : « Le nez de Cléopâtre, s’il eut été plus court, toute la face de la terre aurait changé » .
L’anecdote, la petite histoire, c’est-à-dire aucune proportion entre deux classes de faits :
            1- La vie privée, par exemple les amours de Cléopâtre
            2- Les faits historiques les plus décisifs, ceux qui transforment l’avenir d’un pays voire de plusieurs.

Étiologie : théorie des causes, et dans un sens plus large, théorie de l’explication.

            Cournot propose une étiologie c’est-à-dire une explication qui utilise la notion de cause (aïtia) et il en profite pour utiliser la solidarité de cette notion avec la notion de raison. D’où sa méthode : pour rendre compte d’un changement historique, on utilisera le couple cause + raison, c’est-à-dire d’une part ce qui est déterminant en surface et de façon ponctuelle. D’autre part, ce qui décide en profondeur, c’est-à-dire la raison.
            Exemple : la cause est un petit rien, un grain de sable, mais cela suffit à déclencher tout un processus (qui ne demandait pas à l’être)
            Exemple : Cromwell allait envahir l’Europe, mais un grain de sable lui vaut une colique néphrétique, d’où la maladie grave puis la mort. En apparence, l’événement c’est un basculement qui s’explique par un rien. En réalité, cet événement c’est un désordre ou un ordre difficile, dangereux, qui finit mal, et cela s’annonçait depuis longtemps (la raison qui est ici la concentration des pouvoirs par Cromwell).
            Voir le texte de Montesquieu.
L’apparence, une bataille suffit à détruire un pays. La réalité : le pays présentait une faiblesse = il suffisait d’une bataille pour le détruire. La cause, c’est la bataille perdue ici et maintenant. La raison, c’est une faiblesse chronique et constitutionnelle essentielle.

            TEXTE DE TOCQUEVILLE :

Deux tendances également dangereuses en histoire :
            a- Les « littéraires », qui écrivent, mais « sans se mêler aux affaires ». Partout, ils invoquent des causes générales.
            b- Les hommes politiques, c’est-à-dire ceux qui vivent dans le « décousu des faits journaliers ». Ils ne voient que des petits hasards, des éléments imprévisibles et impondérables.

            Dans les deux cas, on passe à côté de l’articulation qui explique les grands changements. Il y a des états de faits profonds que des accidents de surface viennent solliciter.
            Par exemple : un régime qui a fait beaucoup de mécontents.
Voir la Monarchie de Juillet, Louis-Philippe, établi en 1830. En 1848, il interdit à l’opposition les « banquets républicains », mais l’opposition tente de se réunir, d’où une petite émeute. Un gendarme tire un coup de feu en l’air, mais le peuple s’échauffe, d’où barricade, révolution et fin du régime.
            NB : Cournot fonde la méthode dualiste et même pluraliste. On ne peut pas expliquer sur un seul niveau, on distinguera au moins deux plans.
            Par exemple : surface et profondeur.
L’événement est une conjoncture, c’est-à-dire un signe qu’il faut déchiffrer.
Voir Braudel : on peut distinguer 3 niveaux :
            a- les changements les plus lents, par exemples géographiques, ou alors les grandes migrations
            b- les cycles économiques, (qu’on mesure en décennies)
            c- le niveau individuel, ce que chacun connaît par expérience = l’histoire événementielle au sens strict.

            Critique : une méthode qui devient à elle seule une philosophie de l’histoire. D’où l’hypothèse extrême de Cournot.

            En dernière analyse, la raison (du devenir historique) se trouverait dans la géographie = l’élément statique, alors que les causes joueraient un rôle très limité dans la durée.
            Exemple : l’Espagne des conquistadors a connu un afflux d’or passager, qui lui a valu une hégémonie momentanée en Europe, mais la fatalité géographique a fini par triompher, et ce pays a retrouvé un rôle de second plan (son sol ne lui promettait pas autre chose).
            Nous touchons les limites de Cournot : les hommes sont parfois prêts à mourir mais ce n’est pas pour la géographie, c’est pour leur liberté. Par exemple, de vivre selon tel code, telles institutions, tel culte etc … Cournot estime la notion de « sens de l’histoire ». Il réduit tout au pôle objectif, et même matériel au sens étroit.
Cournot, dénonçant la « religion du progrès » : le 19ème siècle a divinisé, déifié le progrès. Il voit une fin qui dépasse toutes les autres, c’est « la perfection suprême », le « but éminent ». D’où une force qui peut galvaniser l’humanité dans le doute ou la crise. L’individu sent qu’il doit se sacrifier.
            Bref, le progrès est devenu comme un nouveau fanatisme. Il suppose que la fin justifie les moyens, c’est-à-dire qu’on a le droit de tout sacrifier à l’accumulation des connaissances (scientifiques) et à un développement sans fin des améliorations techniques.
            Nous nous moquons d’une crédulité antique, mais la naïveté des romains, divinisant un empereur à sa mort, mais le César est entièrement connu, alors que diviniser l’humanité par le progrès, c’est se confier à un être qui peut fort bien finir dans la barbarie, la destruction etc … = le culte du progrès ne demande qu’à servir le fanatisme = la négation de l’humanité vraie.
            Limite de Cournot : Cournot expose une conception unilatérale du progrès, comme s’il excluait un progrès de la liberté.

2-    Le devenir historique est sujet (Hegel)

            2ème hypothèse : le mot histoire ne peut être utilisé que s’il s’agit de l’esprit, et ici du devenir de l’humanité (tous les changements qu’elle connaît depuis les origines jusqu’à … ? )
            On ne peut pas éviter une philosophie de l’histoire, c’est-à-dire une conception qui totalise (ce devenir) et qui en propose une interprétation fondée sur un axiome, sur une présupposition.
« La raison domine le monde ». Hegel.
            NB : Hegel ne reprend pas la vision de Pythagore (« Les nombres gouvernent le monde »). Ce n’est pas une connaissance par la quantité, c’est plutôt le concept, l’idée . Bref ce qui comporte un sens. D’où l’expression d’une liberté. La raison, c’est ce qui résout un problème. D’où « tout ce qui est rationnel est effectif, tout ce qui est effectif est rationnel ». (Hegel)
            Explication : d’une part, la solution (vraie et unique) finit toujours par triompher. D’autre part, le cours des événements traduit cette recherche d’une solution et son avènement. Cela suppose des étapes.
            L’histoire, c’est de la philosophie, c’est-à-dire le déploiement du sens (de nos activités).  L’histoire présente du nécessaire et du contingent (au regard de la liberté humaine). Le nécessaire c’est ce qui dit une aspiration à la liberté. Le contingent c’est ce que ne produit pas de sens.
            Exemple : la décision que prend une grande personnalité a une nécessité, c’est-à-dire elle dit quelque chose sur l’esprit d’une époque. Mais un accident comme le geste d’un fou ou un sinistre naturel n’a pas de sens pour la liberté. 


1-     Un seul est libre : Voir l’Orient ancien : La liberté est d’abord absolue et il n’y a qu’un absolu, c’est-à-dire tous les autres lui sont relatifs, subordonnés.
2-     Quelques uns sont libres : Voir Athènes, Rome, démocratie : Elargissement considérable qui « relativise » la liberté.
3-     Tous sont libres : Voir le monde Chrétien : Le message du Christ, c’est-à-dire les hommes sont égaux quand ils répondent de leurs actes à Dieu.
Problème : la compréhension du message christique, c’est-à-dire la pratique d’une certaine égalité qu’il faut vivre, d’où l’histoire très longue de l’Occident jusqu’à la Réforme.
Le fil conducteur de l’histoire, ce n’est pas l’élément contingent, par exemple « matériel » et dépourvu de sens pour l’esprit, pour la liberté. C’est ce qui fait sens = qui exprime un besoin de l’esprit.
            Exemple  un séisme même grave demeure accidentel, et inessentiel. Mais une révolution a toujours un sens.
L’histoire se définit par ce qu’elle vise = l’esprit universel prenant conscience de lui-même. (« le but absolu »).

            L’histoire a un sens :
a-     une signification (elle est comme un message) = il faut l’interpréter.
b-     une orientation, une direction = le but absolu, c’est-à-dire l’esprit conscient de lui-même.
c-      Une perception, une sensibilité à ce qui change.
Voir les « grands hommes » = ceux qui savent agir au bon moment.

Texte 2 :
Téléologie : ce qui touche à la finalité

            L’histoire est un système téléologique. On distingue ce qui est visé = la fin et ce qui permet de la réaliser = les moyens. L’histoire invente ses propres moyens pour s’imposer, par exemple la violence, le bain de sang, la guerre etc …

            La question des mobiles : ce qui fait agir : ce sont des déterminations affectives qui mobilisent les forces d’un individu et le conduisent à un projet soit ordinaire, soit extraordinaire.

            La question des moyens nous confronte à un conflit :
D’une part, l’universel = la Raison = l’Esprit = la Liberté ; d’autre part, le particulier, c’est-à-dire ce qui isole l’individu au point de le renfermer sur lui-même. Voir surtout l’égoïsme.
Problème : l’histoire « avance », c’est l’universel en action, mais les « grands hommes jouent un rôle individuel et isolé.

            L’histoire déchaine le mal et les passions humaines, nous aimerions la paix, l’harmonie, le bien. Elle nous condamne aux pires horreurs. Nous recherchons l’œuvre qui reste, l’histoire nous offre la caducité, c’est-à-dire tout tombe et s’effondre.
            « Le mal s’étale massivement ». Hegel.

Texte 3 :

            Il y a une compatibilité entre l’universel et le particulier. Elle passe par l’intérêt. L’universel « intéresse » un individu selon son point de vue unique sur le monde. Mais un intérêt est aussi un contexte personnel, par exemple une famille. D’où la grandeur de la passion dans ces œuvres. La raison comme telle ne peut pas s’imposer. Elle apparaît comme une sorte de grisaille. Mais la passion, le vice etc … peuvent fasciner et du coup deviennent puissantes.
             « Rien de grand dans le monde ne s’est accompli sans passion ». Hegel.

            L’idéalisme historique de Hegel : la seule réalité, c’est ce qui existe en idée = la raison qui se déploie dans le monde comme liberté. La raison utilise une ruse : l’universel passe par les services de son contraire, le particulier, et ainsi, il s’impose.
            Par exemple : l’idée à Rome au 1er siècle avant JC. C’est la fin de la République, et le passage à l’Empire. César perçoit cette idée et il l’impose, mais en fait c’est  l’idée qui passe par lui et qui l’utilise = elle mobilise l’ambition de cet individu. Elle en fait une force inouïe. César croit se battre pour lui seul, mais il se bat pour l’Empire à venir. Donc pour le changement historique. Ce qui lui vaut alors une haine redoutable et il tombe sous les coups d’autres ambitieux (conservateurs). César ne savait pas complètement ce qu’il faisait.

Texte 5 :

            Les grands hommes, c’est-à-dire les individus que la ruse de la raison a valorisé. Sont-ils heureux ? Réponse : non. Ils connaissent des satisfactions, c’est-à-dire la certitude d’avoir « fait assez ». Mais ils n’obtiennent pas une réelle harmonie avec eux-mêmes = le bonheur. Les peuples sont parfois heureux, mais cet état suppose que l’histoire s’est mise entre parenthèses. Rien, de profond n’a changé, donc, par de guerre ou de révolution etc … Le bonheur se produit sur la scène privée. Mais les grands hommes sont des personnages publics = leur existence n’a rien de « privatif » = séparé. Ils font corps avec le devenir historique = ils donnent des coups et ils en reçoivent au moins autant.

Solitude du pouvoir : les grands hommes sont incompris, c’est-à-dire confrontés à une échelle de valeurs qui restent étrangères à leur action. 
Voir Alexandre, César, Napoléon qui finissent mal. L’homme ordinaire peut s’en réjouir. Il y voit le châtiment du pouvoir et de son exercice. Tout pouvoir réduit la liberté des hommes et du même coup la sienne. D’où un excès qui rend impopulaire un particulier dans le recours à la violence. Pour l’homme ordinaire, exercer le pouvoir, c’est tuer, donc mériter le malheur. En fait, chacun rêve ou aurait rêvé d’être un grand homme.
Conclusion : Napoléon en exil n’est certes pas heureux, mais le vulgaire n’a pas lieu de s’en réjouir, car Napoléon a obtenu au moins la satisfaction. Il a atteint son but, c’est-à-dire exporter l’esprit nouveau, promouvoir une nouvelle société. Voir le Code Civil.

Texte 6 :

            La psychologie du maître d’école. Il fait la leçon, il rappelle les principes moraux et fait ressortir la démence criminelle des grandes figures (obsession de la conquête, de la gloire …). En fait, le maître d’école se vante de n’avoir tué personne. Mais il ne voit pas, il ne veut pas voir qu’il n’a rien fait, que son action est inexistante (sur le théâtre de l’histoire).
            Le valet de chambre radicalise l’argument, il voit une personne privée avec tous ses petits travers et il réduit cette figure à un aspect extra-historique = comme si l’action historique était mise entre parenthèses.
            « Il n’y a pas de héros pour les valets de chambre ». Hegel.
C’est-à-dire pour eux, il y a des gens ordinaires qui ont tenté une aventure, celle du pouvoir. Cela leur a réussi, mais ils sont restés des médiocres. Pour le valet de chambre, le héros est immoral, c’est-à-dire il faut beaucoup de mal, mais sans l’excuse de l’ignorance (du bien). Et pour le philosophe, le héros est amoral, c’est-à-dire il ne reconnaît pas le dualisme du bien et du mal. Pour lui, l’histoire a consacré une autre distinction, celle de l’effectif, et de l’ineffectif.
D’où une conclusion générale : « L’homme n’est que la série de ses actes. » Hegel.
C’est-à-dire on ne peut pas plaider la cause de la malchance, et dire « je valais mieux que ce que j’ai fait ». Pourquoi ? Les intentions n’existent que par l’exécution, la réalisation = l’acte. Il n’y a pas de génie incapable de s’exprimer, en histoire comme en art. Le grand homme porte l’idée, c’est-à-dire la solution, mais aussi les moyens de l’imposer.
            Conclusion : impossible de dire « j’aurais pu ». Chacun doit être jugé sur ce qu’il fait et non sur des intentions souvent excellents, mais velléitaires. Hegel rejette le moralisme, c’est-à-dire la réduction de toute action à une situation morale. Pour lui le grand homme sera jugé sur une autre scène que la morale. Pour faire triompher la liberté et la raison, il aura fallu bien des guerres, des coups d’Etat, des assassinats politiques = des basses besognes.
            Voir le problème des Mains sales de Sartre. L’action politique suppose le recours au mal. On pouvait ne pas se salir les mains, on ferait alors bonne figure. Mais celui qui ne se salit pas les mains, c’est celui qui n’a pas de mains. Pour agir, il faut s’exposer à l’accusation d’immoralité. Les mains sales – Sartre : le conflit entre l’idéaliste Hugo, et le chef du parti, Hoederer.

            Critique : une vision totalisante qui réserve la plus grande partie à l’idée d’un sens et qui privilégie le pôle subjectif = l’histoire comme progression du sujet universel, l’esprit, la liberté, la raison. Aucune place pour l’anecdotique, c’est-à-dire l’inessentiel, mais un problème : on parle ici de l’histoire comme d’une totalité (fermée) c’est-à-dire la liberté a atteint un point culminant, elle se connaît elle-même et on se demandera si ce n’est pas la fin de l’histoire.
            Voir chez Hegel le tournant final : un complexe évènementiel que voici : Trois événements : la révolution française, l’empire napoléonien, l’avènement de la Prusse moderne.
            L’histoire serait terminée, la liberté aurait pris conscience d’elle-même et après ce moment décisif, l’humanité se consacrerait à d’autres tâches, par exemple le bonheur.
            Voir la lecture d’A. Kojeve.
           
            Problème : faut-il présupposer que l’histoire est finie pour en parler ? Se réduit-elle à un passé ou à sa continuation sous la forme d’une mémoire ? Peut-on déduire « la révolution soviétique et/ou la révolution chinoise d’un complexe politique que cristallise Robespierre-Napoléon.          
            Voir Marx : la conscience immédiate de soi conduit à l’illusion. Cela vaut pour un individu, mais le modèle s’applique aussi en histoire = aucune période ne sait immédiatement ce qu’elle est (et surtout une période de bouleversements). Les grands événements, par exemple les vraies révolutions sont l’arrivée massive de la nouveauté. Or, on ne sait pas encore ce qui apparaît. On ne peut dont pas identifier = dire que « c’est idem que ». Donc, on est porté à surestimer le passé en disant soit qu’il est définitif (voir Hegel), soit qu’il a complètement disparu (voir toutes les « fins du monde »).

            3- La praxis / l’action (Marx)

            La réalité historique serait l’action telle qu’elle se déploie dans le temps = le devenir du travail humain. L’homme est le seul animal qui produise consciemment ses propres marques d’existence.      

            LE CAPITAL – MARX

            L’histoire est le propre de l’homme parce que le travail l’est aussi. L’animal procède de façon immédiate et sans distance, sans recul. L’homme planifie. Il agit par raison et par liberté. Un architecte peut concevoir une maison inhabitable, mais il la conçoit. 




            L’homme a une « nature », c’est-à-dire une naissance. Or, cette naissance ne se réduit pas à l’élément physique, c’est aussi une histoire = l’homme s’engendre lui-même (par le travail). L’homme transforme la nature = travail et processus physique. Mais en retour, cette transformation le transforme = l’homme éveille des facultés qui sommeillaient en lui. Cette relation de l’homme à la nature est donc dialectique (un dialogue entre les deux termes). Il n’y a pas de nature humaine, elle est trop changeante. L’homme se surprendrait si à une époque donnée il voyait son successeur à stade plus avancé de la production.
            Le « matérialisme » de Marx c’est l’idée que tout est production c’est-à-dire la nature (physique) se produit spécifiquement, c’est-à-dire comme nature. L’homme est produit par la nature, mais en même temps, il se produit pas son travail, c’est-à-dire le passage d’un mode de production à l’autre.
On distingue quatre modes :
a-    asiatique : transition entre la préhistoire et l’histoire
b-    antique : l’esclavage
c-    féodal (le cerf âge ?)
d-    capitaliste c’est-à-dire concurrence et liberté d’entreprendre.

            A chaque fois, la société distingue au moins deux classes : l’une possède et l’autre non. Cette tension s’accentue avec la progression. Elle atteint son point culminant dans le capitalisme = la lutte des classes au sens le plus aigu = le conflit du prolétariat avec la bourgeoisie. D’où la solution : la société sans classes.
            NB : méthodologie pour traiter l’événement : un lieu commun veut que l’événement soit replacé dans son contexte. Tout événement est un effet, un moment, c’est-à-dire une position, une immobilisation, du cours de l’histoire. Mais ce cours va soit en se complexifiant, soit en se simplifiant.
            Exemple : l’argent : au départ c’est un métal qu’on peut présenter en quantités variables et échanger, transporter …. C’est une « commune mesure » c’est-à-dire le moyen d’obtenir des biens commensurables. Puis peu à peu, apparaissent les monnaies diverses et raffinées, puis les effets de commerce, puis les chèques et enfin la bourse et sa spéculation dans un remarquable recouvrement de l’économie réelle.
            Conclusion : dans la période contemporaine, tout événement qui touche à l’argent est fort complexe.
            2nd exemple : la catégorie travail : on commence par des travaux, ou plutôt des tâches, puis on distingue la forme esclave et la forme maître etc … On traverse les modes de production et on arrive au capitalisme qui met à nu la forme du salariat = le travail sera soit salarié, soit indépendant.
            Conclusion : le simple est apparu à la fin. Marx étend l’argument : il faut toujours pratiquer deux lectures : l’une chronologique, par exemple du simple au complexe et l’autre à rebours.
            « L’anatomie de l’homme est une clé pour l’anatomie du singe ». Marx.
C’est-à-dire, souvent la forme développée permet d’interpréter des indications immatures dans la forme précédente.
            « L’histoire universelle n’a pas toujours existé ». Marx.
C’est-à-dire il faut le capitalisme pour serrer tous les peuples dans un seul et même réseau.
            Le destin du capitalisme : il repose sur l’exploitation dissimulée (à la différence du système féodal). On distinguera deux sortes de valeur :
            a- la valeur d’usage : l’utilité objective d’une chose.
Exemple : l’air qu’on respire. Parfois, elle est vitale.
            b- la valeur d’échange : c’est-à-dire une forme illusoire et inévitable qui tient à la structure du marché. Nous achetons des marchandises = du travail fini et réifié. La forme vivante est devenue une simple chose. La valeur d’échange dissimule le travail non payé c’est-à-dire la plus value. En apparence, le capitaliste a cheté du travail. En réalité, il a acheté l’agent lui-même = la force de travail, acte illégitime.

            DISCOURS DE FEU M. PASCAL SUR LA CONDITION DES GRANDS

            L’idée de nature qui nous vaut une certaine condition, tel ou tel statut social (voir la naissance). En même temps, trois textes qui enseignent l’authenticité, c’est-à-dire qui dénoncent une mauvaise foi (intime), une fuite devant l’existence, devant les faits bruts : la facticité.
            Voir Sartre.

Apprendre à être soi-même. Le titre évoque la notion de grandeur. Un grand se compare à d’autres grandeurs. Il sera toujours mesurable = nul n’est incommensurable, nul n’est « hors pair ».
            Le plan : 1er discours : soyez humble, c’est-à-dire remettez vous à votre place.
                            2ème discours : mais pas trop c’est-à-dire sachez ce que vous valez
                            3ème discours : mais restez humble.

            Paragraphe 3 : la double pensée : le naufragé pris pour un roi sait bien ce qu’il n’est pas. Mais i lest établi, c’est-à-dire il a une place à tenir. D’où une certaine duplicité qui n’est pas un pur mensonge ou une imposture : il n’a rien demandé et il « reçoit des respects » c’est-à-dire des manifestations, des signes extérieurs de considération. Il est donc à sa place. L’ordre ne subit pas de violence. D’une part, il pense en roi, c’est-à-dire en garant de l’ordre public (il faut bien un roi). D’autre part, il sait qu’il doit tout au hasard = à la rencontre (fortuite) de deux séries causales indépendantes :
a-    il a atteint le rivage
b-    il manquait au peuple ce genre d’homme
D’où un double langage :
1-    Face au peuple, on tient le rôle de roi
2-    Dans le forum intérieur, on reste un homme comme les autres

            Paragraphe 4 : se méfier de l’imagination (puissance trompeuse, c’est-à-dire qui fait croire à ce qui n’existe pas).
Le remède : rester attentif à l’idée de hasard = des petits riens qui transforment une rencontre, un propos etc … en une grande décision, c’est-à-dire ce qui distingue un avant d’un après. Posséder des riches est encore plus improbable que de se retrouve roi d’une île inconnue. Pourquoi ? Dans le second cas, le hasard se compose de deux séries. Dans le premier cas, tout tient par une « infinité de hasards », c’est-à-dire l’arbre généalogique extrêmement ramifié.
            Paragraphe 5 : la naissance justifierait ou légitimerait une propriété qui ne serait plus une simple possession de fait (contingente, fortuite et brutale).
Réponse de Pascal : en fait, la naissance n’a rien à voir avec un droit naturel. Elle repose sur la volonté qui pose certains principes (droit positif) et cette décision renvoie au bon plaisir (« s’il leur avait plu d’ordonner »).
            Paragraphe 6 : les avantages de la naissance sont établis et non naturels, c’est-à-dire ils relèvent d’une convention et non de la « nature des choses ». 


            Paragraphe 7 : séparation de la nature et de l’artifice. Vision tragique, c’est-à-dire une contradiction que rien ne peut résoudre = deux parties qu’on ne pourra pas concilier. Voir le détail du texte.
a-    d’une part, l’héritage d’un grand est légitime, puisque les lois l’ont établi, et il est légitime d’obéir aux lois.
b-    D’autre part, par nature un homme en vaut un autre, c’est-à-dire dans l’absolu rien ne prescrit de distinguer des hommes qui méritent de recevoir (des biens) et tels autres qui ne les méritent pas.
Voir la référence à des qualités objectives.
            Paragraphe 8 : la double pensée qui n’est pas le mensonge intime mais la perception d’une condition partagée et difficile. D’un côté, l’imagination nous porte à nous surestimer (surtout quand les titres compliquent la situation). De l’autre, la lucidité nous commande de nous percevoir comme égal à tout autre.
            Paragraphe 9 : Politiquement, l’affaire est délicate : le peuple vit dans l’illusion et/ou dans l’erreur c’est-à-dire l’ordre social repose sur une invention, d’où un secret bien gardé (les « grands » ne sont pas grands). Le peuple croit à des grandeurs réelles, c’est-à-dire objectives, et ainsi disparaît la notion de différence de degré. Pour le vulgaire, un grand est qualitativement autre, c’est-à-dire incommensurable.
            Il s’agit de préserver l’ordre social c’est-à-dire de ne pas compromettre son fondement (l’arbitraire) et en même temps, il faut éviter la démesure, c’est-à-dire cultiver le respect de l’ordre (chacun à sa place) et ordre se dit dans la connaissance (identifiée) pour juger les pensées.
            Mais le même mot se dit dans l’action c’est-à-dire l’acte de ranger et de manier, par exemple un peuple, une foule … Bref, l’ordre consiste à ordonner ce qui suppose une représentation (intellectuelle), mais aussi un commandement, c’est-à-dire une action qui dispose et qui transforme.
            Paragraphe 10 : Supposons la démesure réelle = le naufragé qui se prend pour le roi. Un esprit sain admirerait, c’est-à-dire s’étonnerait avec moquerie de « cette sottise et cette folie ».
Sottise : bêtise mais surtout surestimation de soi. D’où une affinité avec la folie = le manque de jugement (on ne perçoit pas les ordres de grandeur).
            Paragraphe 11 : conclusion : un avis = avertissement qui se révèle « important », c’est-à-dire vital : une alternative assez cruelle :
            a- on se précipite vers la violence (l’insolence) = on s’oublie soi-même c’est-à-dire on laisse de côté sa propre conscience.
            b- on garde le sens d’une égalité naturelle : c’est-à-dire un regard intérieur.

            SECOND DISCOURS :

            Paragraphe 2 : les grandeurs d’établissement c’est-à-dire le droit positif appliqué à la distinction des statuts sociaux. L’arbitraire décide de poser des principes, d’où la notion de convention, c’est-à-dire un citoyen reconnaît même de façon tacite une convention.
            Par exemple : en France, les nobles peuvent être magistrats, mais en Suisse, ce sont les roturiers. C’est le « bon plaisir » qui en décide. Il établit une limite entre un avant et un après :
            Avant : aucune justice « humaine ».
            Après : nous avons un droit positif et un ordre public.

            Paragraphe 3 : les grandeurs naturelles sont objectives c’est-à-dire elles ne tiennent pas par une décision des hommes et encore moins par une imagination qui vagabonderait. Il s’agit par exemple du talent de géomètre, ou de la beauté, ou de la générosité, ou de la force physique.
            Paragraphe 4 : à chacune de ces grandeurs sied un respect, c’est-à-dire la reconnaissance d’un ordre.
            Paragraphe 5 : les respects de l’établissement sont « certaines cérémonies extérieures » c’est-à-dire des manifestations physiques de relative soumission, une forme de révérence. On y ajoutera la perception intérieure d’une certaine justice (il faut des conventions).
Refuser cette convention, c’est témoigner de sottise = mauvais jugement sur soi  et par conséquence de « basses d’esprit » c’est-à-dire impuissance à reconnaître la relative justice de l’ordre établi (la nécessité des conventions). Un sot se croit capable de réinventer les conventions, les convenances.
            Les respects dû aux grandeurs naturelles : ils se réduisent à un sentiment : l’estime par opposition au mépris et à l’aversion. D’où un cas que Pascal évoque pour dissiper tout contresens. Supposons un duc malhonnête homme. On ne lui doit pas d’estime, mais on lui doit la révérence. L’estime et le mépris seront toujours « intérieurs » c’est-à-dire personne ne peut les sonder.
            Paragraphe 7 : une courte théorie des devoirs et surtout de leur « justice ». On sépare avec soin naturel et établissement. On évoque un exemple inverse du précédent. Ce n’est plus le duc malhonnête homme, c’est le géomètre qui exige une révérence (sans titre).
Réponse de Pascal : le géomètre mérite l’estime, c’est-à-dire le contrat du mépris, mais il risque le mépris dans sa prétention à commander la révérence.
Conclusion : les grandeurs naturelles ne sont pas un sous établissement. Aucune différence de degré. Et de leur côté, les grandeurs d’établissement ne sont pas des sous-grandeurs naturelles. Par exemple, un géomètre obscur = sans titre, ou un vertueux obscur ne vaut pas moins que le duc ou le roi c’est-à-dire on peut mépriser un grand pour d’excellentes raisons.

            TROISIÈME DISCOURS :

            Un impératif moral et quasi religieux : rester humble c’est-à-dire connaître sa « condition véritable ». Le « grand seigneur » est perçu comme un propriétaire et du coup, il suscite la concupiscence  = le désir (cupidité et avidité). Pascal énonce une mise en garde : il ne s’agit pas d‘avoir mais plutôt d’être c’est-à-dire un grand c’est un appui qui offre des facilités, des entrées. Bref, la réussite. Un grand a toujours une cour, donc des courtisans = le plus souvent des flatteurs.
D’où des risques multiples et surtout celui d’une déconnexion.
            Paragraphe 2 : la société de Dieu est celle des saints = des biens immatériels : ceux de la charité. 

            Paragraphe 3 : Un grand ou un petit royaume, peu importe, ils sont comparables, ce sont des valeurs extensives, et on peut en proposer une mesure = une évaluation numérique. A chaque fois, il s’agit d’un avoir et sur ce point, le maximum rejoint le minimum.
Voir Descartes à Elizabeth : « Les petits vaisseaux peuvent être aussi remplis que les grands ».
La vraie différence qu’il faut méditer se trouve dans un abîme, qui sépare deux ordres incommensurables l’un à l’autre. D’une part, l’avoir (c’est-à-dire les corps et les esprits = grandeur mesurable), d’autre part la charité.
            Paragraphe 4 : le code de conduite : rester humble, ne pas oublier sa dette à l’égard des multiples hasards (surtout de la naissance). Il s’agit de partager, d’être généreux et d’éviter les mauvais usages du pouvoir. Bref, garder à l’esprit la juste mesure = ce qui préserve de la violence.
            Paragraphe 5 : Conclusion : néanmoins, il y a conduite et conduite. D’une part une action qui se déploie sur la scène de l’histoire et qui pourrait se réduire à l’élément séculier.
(schéma). 


D’autre part, l’inspiration religieuse c’est-à-dire la charité, la connaissance d’une lumière qui est un don sans réciprocité. La cité de dieu (cf Augustin) n’est pas celle de l’avoir. Elle nous permet d’être, c’est-à-dire nous comprenons notre véritable condition, notre dépendance = nous devenons des « fidèles ». 

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